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02/05/2007

Claire Legendre et Jérôme Bonnetto - Photobiographies

medium_Photobiographies.jpgParu aux éditions Hors Commerce,, 83 rue de Reuilly, 75012 Paris, ce livre est un livre amoureux.

Que dit la 4ème de couverture ? 

"Claire et Jérôme se rencontrent autour de l'an 2000. Elle est écrivain... lui aussi. Mais Jérôme dissimule dans sa poche un compagnon gênant, témoin de toutes les histoires : son appareil photo. Et Claire se méfie beaucoup des appareils photos.Celui-ci est d'autant plus redoutable que, minuscule, il se dissimule partout, dans les chambres d'hôtel, les salles de bains, les trains, les cafés. Au fil des jours et des images, l'espion va s'immiscer dans le couple, subrepticement et tendrement, jusqu'à amadouer les soupçons, et apprivoiser ta récalcitrante. Elle finira même par s'en emparer, le déclencher à son tour. Il deviendra alors la métaphore du lien amoureux qui unit le photographe et son modèle. Les images répondent aux textes pour raconter cette histoire, entre fiction et vérité, ces petites histoires du couple qui sont devenues les photobiographies."


Turbulence 12 - Liquider, il a dit...

Faut-il vraiment épiloguer? Faut-il vraiment faire une analyse lexicale du verbe "liquider"?

Et tout n'est-il pas dit dans cet extrait de Louis-René Des Forêts?

" Quelque soit le discrédit dont ce mouvement est l'objet de la part de ceux qu'il offusque et dérange, et qui s'emploient déjà à lui faire expier son défi insolent - dût-il lui-même déboucher pour un temps sur le vide de la désillusion - nous savons que demeurera intacte sa force d'ébranlement et que rien ne pourra altérer la pureté de son visage, nulle composition, nul accord avec une société qui s'abrite peureusement derrière une parole autoritaire contre laquelle s'est dressée, dans toute lasoudaineté de sa fraîcheur, cette parole bouleversante sortie comme la vérité de la bouche d'un enfant."

C'était dans le N°6 de la revue L'éphémère. C'était à chaud durant l'été 1968. Aux côtés de ces "Notes éparses en Mai" Le Louis-René des Forêts qui ouvraient ce numéro figuraient "Sous les pavés la plage" d'André Du Bouchet et  "L'irréversible" de Jacques Dupin portant la mention "à suivre".

 

Le reste, à laisser aux loquaces! 

Balise 16

"Plus l'homme attelle de chevaux devant soi, plusnombreuses les chambres dans lesquelles il s'enferme, plus est grand le nombre des seviteurs qui l'entourent, et plus il a profondément creusé la tombe où il gît, mort vivant, de sorte que les autres ne l'entendent plus et qu'il n'entend plus les autres, en dépit de tout le vacarme que font lui-même et les autres."

Hölderlin 

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04/04/2007

Claude Ber, Promesse à Petit Pops

Poète, auteur dramatique, essayiste, Claude Ber a publié une dizaine d’ouvrages, dont Lieu des Epars, Ed. Gallimard, Sinon Lamedium_151188-208291.jpg Transparence Ed Via Valeriano, La Mort n’est jamais comme, Ed. de l’Amandier Prix International de poésie Ivan Goll, La Prima Donna suivie de l’Auteurdutexte Ed. de l’Amandier ,  Monologue du preneur de son pour sept figures, Ed. Léo Scheer,  Orphée Market, Ed. de l’Amandier, Libres paroles, Ed du Chèvre Feuille Etoilé…Elle participe aussi à des ouvrages collectifs ou en collaboration avec des plasticiens, à de nombreuses revues de poésie ainsi qu’à de multiples lectures et colloques en France et à l’Etranger.
Visitez son site : www.claude-ber.org
 
 
 
 
Promesse à Petit Pops
 
 
Un jour je te ramènerai Petit Popsdans le brouillard de ces collines où tu courais Tu seras libre comme le vent du soir qui rabattait la lumière sur tes yeux et tu auras ces mains étranges difficiles à décrire car elles ne sont ni petites ni maladroites mais un peu de tout cela comme des pattes de chat griffes rentrées dont elles ont la manière à la fois prudente sûre et souple de se poseret tu auras ces mains  posées sur le monde avec confianceTu as tant craint et tremblé Petit Pops avec ces mains ouvertes sur tes genoux, et disant plus ces mains inquiètes et désoeuvrées que toi dans le mutisme de la peur murmurant:- Je ne comprends pas bien, c'est difficile la vie pour moi....avec ces yeux désolés de ne plus savoir Comme tes mots étaient pauvres à ces moments là Petit Pops,  si élimés comme des mots de pauvres gens que furent tes parents et les miens
Toi de la langue imagineuse et des fêtes de l'esprit, comme tu étais pauvre  et sans même la paix du dénuement
Je te ramènerai, Petit Pops, dans l'arrière pays du temps
                                            dans l'abondance de la fête
                                            dans la clarté
Maintenant que je suis sans plus d' illusion sur le pouvoir des mots et que je ne peux même plus me prendre aux leurres de mon époque qui sont aussi le partage d'une danse à plusieurs, maintenant que je suis moi aussi séparée irrémédiablement et que je considère mes propres mains et  mes propres paroles dans la démesure de leur impuissance, maintenant je pourrai
je te promets
Et je saurai employer les mots imposés par le jeu auxquels nous jouions quand tu osais encore jouer
sureau, sang, cirque, paille, piéride, vairon...
Le dernier seulement est difficile comme un regard qui surimpressionnerait ta vue à la mienne
je me souviens bien d'un chien plus loup que chien qui regardait par deux yeux distincts, brun bleu, mi confiant mi sauvage, mais c'est dans une autre histoire que la tienne
Il y avait aussi  tailleur, étain, cambouis et lampadaire
Tu te souviens de ce jeu Petit Pops?
Oublie! Oublie vite! Oublie tout.
La clef du temps est un couteau qui tranche les paupières.
Piéride donc! J'ai collectionné leurs ailes blanches point noir, il y a si longtemps, au pied d'une montagne dont le socle affleurait entre les très hautes herbes parmi les rires et les envolées de papillons minuscules d'un bleu moiré et brillant comme un pigment de ciel sur le rose des oeillets sauvages, papillons précieux que le moindre coup de vent emportait et auprès desquels les grandes reines jaunes à éperons  déployaient des ailes de milans. Près de la source poussaient aussi des sureaux à l'odeur entêtante et des orties que l'oncle cueillait pour la pâtée des poules; la grange sentait le lait et la paille
comme tes cheveux
Tu vois, je respecte le pacte sauf pour l'étain dont la Marroune disait qu'il portait malheur, et le malheur se porte suffisamment bien tout seul sans avoir en plus besoin qu' on le porte
toutes ces années de sang et de cambouis, Petit Pops, passons vite
De tailleur, je n'ai jamais connu que celui qui affichait sur sa ceinture "7 d'un coup" comme s'il s'agissait de géants et non des mouches engluées dans sa tartine de groseilles; déjà je ne retenais que le rouge gourmand des groseilles et le 7 semblable à celui des femmes de Barbe Bleue, des 7 nains et de tous les 7 de l'enfance, y compris ce Seth qui tronçonnait son frère renaissant dans les replis d'un fleuve à pouvoir de jouvence
si ce fleuve existait... tant de boue, Petit Pops, tant de terre et de temps recouvrent ces ruisseaux d'espérance ... et la vie terreuse elle aussi comme au confluent de rivières mortes
Je ne sais pas que faire du mot front. J'ai passé bien des fois ma main sur le tien mais ce mot le dit mal car il n'a pas le son qu'il faut
Les lampadaires ne me parlent pas non plus sauf sous la pluie, quand l'eau brille en épingles si fines dans leur lumière qu'elle paillette la nuit d'un or imputrescible... espérance, Petit Pops, comme une pluie d'été la nuit au coin de cette rue où tu habiteras encore, promis, dans ma mémoire
chez moi, dans des séjours d'emprunt où tu ne serais pas et la tristesse que j'ai de tout cela, ma vie me la jette sur le comptoir enveloppée dans un papier rose de boucherie
Ainsi moi non plus je ne sais pas où j'habite et je te rejoins à ma manière dans le sédiment de la douleur
Pourtant j'avais promis de t'emmener là-bas: martres, renards, lièvres fuyant en rebonds d'allégresse entre les  myrtilles et les bogues de châtaignés par dessus le ruisseaux à truites et l'étang aux anguilles
nous tresserons les fils vénéneux de la rhubarbe et le pollen noir des asters
Oh Petit Pops, un nom d'étoile est déjà dans la graine que tu dispersais par poignées
laissant dans l'incendie du soir un sillage sombre et lumineux
les capillaires des rhubarbes emmêlés entre tes doigts irriguent une vie invisible à odeur de muguet et à bruit de feuilles
Il suffit de la revêtir
pour que l'aube rejoigne le crépuscule, ce soir, ce matin, dans l'éveil d'un jour à naître à travers la mémoire
Maintenant que je suis allée te chercher au bout du silence où les mots n'ont plus cours, bien au delà du langage, dans un lieu si désert que même le désert est luxuriance à côté de ce dénuement, maintenant que j'ai appris à remercier la plus balbutiante des paroles quand elle réaccoste au langage des hommes, je saurai  ramener au fil de nos mots de misère comme un noyé à une corde ce lieu au centre d'une mer de prairies et de sapins noirs où roulent d'autres vagues que celles de la douleur, et si je ne sais pas, si je n'ai pas encore été assez dépouillée pour le faire, toi, Petit Pops, qui sais ce qu' est n'avoir plus rien et moins encore que le rien de ceux qui ont cessé toute souffrance, toi tu sauras.


© Claude BER 

02/04/2007

Balise 15

Nous sommes dans Le meneur de lune, ORC, T II, Albin Michel et Joë Bousquet parle de cette chambre où il vécut, noyé dans les couleurs des plus belles toiles du monde:

"C'était le calme de l'abîme et du danger, un endroit où tout était possible et où rien n'arrivait : peut-être le lieu où s'élaborait une nouvelle idée de l'amour." 

Et vous diriez qu'il ne parlait pas aussi de la littérature? 

22:35 Publié dans Balises | Lien permanent | Commentaires (1)

Entretien avec Jacques Dupin, « sourcier de l’ordinaire éclat »


Coudrier vient de paraître chez POL.

Un nouveau livre de Jacques Dupin, c’est un coup de vent – coup de tramontane qui vient par delà les montagnes du cœur. Coudrier est tel. Coup de vent sur ses livres antérieurs et leur écriture. Coup de vent sur nos repères de lecteur. Coup de vent dans les noisetiers, ces coudriers dont l’homme des sources sait reconnaître les brisées.Jacques Dupin est un tel homme. Des brisées des coudres, il connaît la fourche propice. C’est un homme qui sait tenir – et c’est candeur instruite – la branchette du coudrier  et la promener en pays sec, minéralisé pour la proposer aux eaux souterraines comme à celles de métaux précieux, à tout « ce qui gronde dans le sous-sol, sous la feuille déchirée, sous nos pas. Et voudrait s’élever. S’écrire », afin qu’elle se torde comme se tord la langue dans le poème pour laisser passer ce courant d’énergie puisé à même la nuit vivante du corps, Corps clairvoyant selon le titre donné à ses poèmes de 1963 à 1982, publié en 1999 dans la collection Poésie/Gallimard et qui reprend, L’embrasure, Dehors et Une apparence de soupirail.Né en 1927 à Privas en Ardèche, il publie son premier livre Cendrier du voyage – réédité aujourd’hui aux éditions Fissile – chez Guy Lévis Mano. Il sera parmi les fondateurs de la revue L’éphémère chez Maeght avec Yves Bonnefoy, André Du bouchet, Gaëtan Picon et louis-René Des Forêts en 1966. Depuis 1986, Jacques Dupin publie chez POL – et ce sera Contumance (1986), Echancré (1991), Grésil (1996), Ecart (2000), De singes et de mouches précédé de Les Mères (2001) et aujourd’hui Coudrier ; chez Fata Morgana et aux éditions Farrago, Alberto Giacometti en 1999 et Matière d’infini (Antoni Tàpies en 2005. Son activité de poète s’est toujours doublée de nombreuses interventions moins sur qu’à partir de la peinture. La plupart sont reprises dans L’espace autrement dit (Galilée, 1982).Bernard Noël écrira à son propos dans Strates, Cahier Jacques Dupin que dirigea Emmanuel Laugier chez Farrago en 2000, « Quoi ? Il y a 25 ans qu’a paru Dehors : fallait-il tout ce temps pour remarquer à quel point il décape radicalement la poésie. » et François Bon dans une préface pour Rien encore, tout déjà paru chez Seghers en 2002 : « Jacques Dupin est de notre temps, et en avant de nous. Par l’âge notre aîné, mais par l’œuvre, largement constituée, pourtant encore ouverte, en avant. »
Ne tardons pas !

 

Entretien Alain Freixe et Jacques Dupinmedium_IMG_9700.2.JPG
 


(Cet entretien est paru en deux fois dans les colonnes du journal L’Humanité des 5 octobre 2006 et 8 mars 2007. Il a été repris dans la revue Faire Part, N°20/21, Matière d’origine , numéro d’hommage à Jacques Dupin pour fêter ses quatre-vingts ans.
Jacques Dupin est ici en compagnie du peintre Jean Capdeville)


Alain Freixe :
Coudrier, le mot dit l’arbre et son bois communément appelé noisetier. Mais il ne peut pas ne pas faire penser à la baguette du même nom. Baguette qui n’est pas bâtonnet mais branchette fourchue, bifide et que l’homme des sources, avec sa bêche à proximité, tient à deux mains en arpentant le sol à l’écoute de ce qui remugle dans les dessous : eaux et minéraux, liquides et solides, courants d’énergie pure, forces invisibles : à repérer, à aider à remonter les habillant de mots, à capter en quelques formes appropriées. Bien sûr, le mot renvoie aussi pour le lecteur au livre lui-même puisqu’il fait titre. Titre que je n’imagine pas indépendant du tout qui s’ensuit comme dans une certaine tradition surréaliste, mais au contraire comme tenant aux textes, non d’une manière ornementale mais comme faisant signe vers ce qui pourrait être le principe de leur ajustement ou comme figurant le fil invisible qui les tiendrait ensemble. Qu’en est-il de votre pratique en matière de titre ? Qu’en est-il de celui-ci ? Comment Coudrier s’est-il imposé ?

Jacques Dupin :
Le titre d'un livre n'est pas une annonce, un programme, un couvercle. Il n'est ni un condensé ni une émanation du texte. À peine un signal, un repère, pour la commodité du lecteur et du libraire. Il doit à la fin rejoindre le poème, mais il vient d'ailleurs, d'une autre case de l'imaginaire. Il n'est
pas une clé, plutôt un trou de serrure laissant le regard pénétrer. Je ne l'écris jamais avant de commencer l'écriture d'un poème. Ni forcément à la fin. Le plus souvent, il apparaît et s'impose en cours de route. Comme si le travail de la langue l'avait suscité, l'avait mis en lumière entre les lignes. Il surgit, mais il n'est pas seul, il faudra n'en garder qu'un, le plus adéquat ou le moins mauvais.
Ainsi le mot « coudrier », je l'avais noté il y a 20 ans, et gardé au frais. Un mot, et non un titre. Et puis il est revenu voltiger et bourdonner au dessus des poèmes que j'écrivais, ceux de mon dernier livre. Il avait un concurrent que je n'ai pas retenu « Le soleil vu de dos », trop intentionnel et trop ludique. Coudrier m'était apparu comme une ouverture vers une autre forme de poésie dont je ne distinguais pas les contours mais qui m'habitait.
Pour le livre de poésie, le titre est un visiteur, le signe d'une métamorphose. Une griffe sortie de la nuit pour émouvoir le tissu verbal, ou encore la greffe nourricière de la constellation de mots qu'elle surplombe. Ce peu, cette graine ou ce caillou, actif au haut de la page.


Alain Freixe :
Le mot « crime » revient souvent dans votre livre. Il apparaît  comme jouant le rôle d’un double principe. D’une part, comme principe esthétique : « l’entame serait de poésie mauvaise / comme on chasse l’ours et la bécasse / en mélangeant les cartouches », faisant écho à « la haine de la poésie » de Georges Bataille ou à « cet haineusement mon amour la poésie » d’André Frénaud. D’autre part, comme principe éthique, principe d’existence : « je n’existe pas sans le crime ». Ce meurtre qui fait césure concerne « les signes et les lettres », la langue et soi avec comme pris en elle depuis toujours. Ecrire c’est quand « le couteau qui dicte / perce le blanc ». Ecrire pour délivrer, désentraver, ouvrir une voie, « percer un isthme » disait Maurice Blanchard. Dévaster ce langage de communication qui nous prive toujours plus de sens, pour rebondir, retrouver le vif, la surface et les intensités qui la parcourent. Conquérir une respiration de vivant…


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Lu 11 - La lettera amorosa de Jean-Pierre Siméon

( Jean-Pierre Siméon, Lettre à la femme aimée au sujet de la mort, Cheyne Editeur, 2005, 13, 50 euros)medium_Siméon066.jpg

 

Peut-on écrire encore des poèmes d’amour ?
L’entreprise semble impossible depuis le grand feu surréaliste ! L’amour la poésie, vous vous souvenez ? Eluard, 1929 ! L’amour la poésie, et sans coordonnant s’il vous plaît ni même l’ombre d’une virgule pour couper/lier ces deux mots. Rien, fusion.
Et voilà que m’arrive cette Lettre à la femme aimée au sujet de la mort de Jean-Pierre Siméon. Une lettre d’amour, cela s’ouvre un peu à contre jour. À l’abri, dans le calme et le repos. Pour une joie.
Les poèmes de Jean-Pierre Siméon « (ôtent) la pierre sur (nos) souffles ». oui, dans l’excès de leurs coups de vent – ce lyrisme qui « (sait) être dans le cri / sans le cri » - ils nous aident à déchirer l’asphyxie qui nous menace. Avec eux, l’air accourt, la fraîcheur, la tendresse de « cet autre cœur / qui n’est pas un muscle ». Oxygéné de cet air autre qui fait claquer les mots des poèmes, il s’ouvre « au sens inexprimé des choses ».
Lyrique, Jean-Pierre Siméon ? Oui, c’est un grand remueur et rumineur de mots. En images, ils remontent des quatre coins : Amour, révoltes, mort, vie. Saturés de richesse, ils se clarifient au feu de l’effusion. Alors la verdeur du chant se prend à eux. On reconnaît bien là le directeur artistique du Printemps des poètes, sa fougue mise au service de la poésie, cette manière bien à lui de traverser le monde avec étonnement et générosité, ferveur et fermeté. Poésie qui sous toutes ses formes « mets les pieds dans le plat de l’existence » !

 

26/03/2007

Turbulence 11- 2007, l'année de toutes les commémorations plus celles que l'on va oublier...

C'est entendu, l'année 2007 est l'année René Char.

Mais c'est aussi l'année Maurice Blanchot. L'année André Frénaud (voir ici même en date du 21 novembre 2006 mon texte sur "André Frénaud, poète métaphysique?"). J'espère bien que nous parlerons aussi d'Eugène Guillevic. D'autres qui auraient aussi eu 100 ans cette année...

De toutes façons, le seul hommage que l'on puisse rendre à un auteur, c'est de le lire. Et peut-être même pas! Mais de le vivre, ça oui!

Souvenons-nous: "Il faut vivre Arthur Rimbaud l'hiver, par l'entremise d'une branche verte dont la sève écume et bout dans la cheminée au milieu de l'indifférence des souches qui s'incinèrent" et loin du "désert ergoteur" écrivait René Char.

Vivre, pas lire! ou plutôt vivre les mots d'un poète, cela est véritablement le lire!

Lire est du corps. Lires est du coeur. Tant lire épanouit un soleil intérieur: courage et amour, forces vitales par où de l'humain se trouve en action d'émergence, cela qui fait que la vie a un sens comme on le dit d'une route que l'on aime parce qu'elle ne promet pas le pays de sa destination, disait touours René Char.

Les poètes se lisent à coeur ouvert. À coeur battant.

Il faut emporter leurs poèmes comme le jeune pâtre Euphorbos emporte l'enfant Oedipe, tout contre son coeur, et c'est encore une image de René Char.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    © Alain Freixe                                                                                                                          

Turbulence 10 - Clermont-Ferrand-1987/2007- Vingt ans de poésie, et au-delà

Avancer dans l’inconnu

« Enfonce-toi dans l’inconnu qui creuse. »
René Char


Je reviens de Clermont-Ferrand. Invité par la Semaine de la poésie pour son XXème anniversaire, fêtant pour l’occasion son fondateur, notre ami Jean-Pierre Siméon.
Se faire passeur de poésie est affaire de patience. L’autre rive n’est jamais très visible et la lenteur préside à la traversée. Celle qui n’évite pas l’errance, les doutes, parfois même les chutes mais sait se garder de celles, mortelles, dont on ne se relève que dos maçonné et regard rayé de mauvaise nuit.
Oui Jean-Pierre a raison : « Si l’écriture du poème nous apprend quelque chose, c’est d’abord ceci : il faut du temps pour faire sens et le chemin vers le sens implique les risques du chemin, tâtonnements, fatigues, impasses, éternels recommencements… »
Oui, Françoise Lalot et sa « brigade de fées organisatrices» de la Semaine de la poésie de Clermont-Ferrand ont raison, « il faut que le chemin perdure »
Oui, nous avons raison, nous autres d’ici, Yves Ughes, Raphaël Monticelli, Jean-Marie Barnaud, sophie Braganti d’animer qui La poésie a un visage à Grasse -10 ans en 2008 ! – qui La poésie des deux rives dans les pays du paillon – 7 ans déjà ! – qui les Rencontres des Ecritures Poétiques et leur Lézard amoureux – www.ac-nice.fr/daac/lézard -qui le printemps des poètes à Nice, avec tous ceux enseignants, poètes, bibliothécaires, éditeurs, artistes, enfants, adolescents, élus, bénévoles... dont le compagnonnage est nécessaire pour que rencontrer la poésie d’aujourd’hui, cette langue qui ne se soumet pas à être privé de sens, soit possible de la maternelle au lycée et plus généralement,  dans les institutions et la cité.
Je reviens de Clermont-Ferrand . Encore une fois émerveillé par le travail des enseignant(e)s, leur disponibilité,leur générosité,  leur inventivité pour que nos textes parlent, étonnent, émeuvent les enfants de la maternelle au CM2 comme en cette école d’Orbeil ou dans ce collège Audembron de Thiers ou le bien nommé Baudelaire de Clermont-Ferrand avant de rencontrer les PEC2 de l’IUFM d’Auvergne pour un échange de plus de deux heures sur la poésie, l’écriture, la poésie, sa transmission, le livre d’artiste.
medium_Clermont-20_ans.jpgJe reviens avec le livre des vingt ans édité par la Semaine de la poésie ( prix 10 euros, IUFM d’Auvergne, 36 Avenue Jean Jaurès, CS 20001, 63407 Chamalières cedex)magnifiquement titré Que l’éclair nous dure. Vous y trouverez les courts textes des intervenants de cette année : Marc Blanchet ; Louis Dubost ; Chantal Dupuy-Dunier ; Jean-Pierre Farines ; Alain Freixe ; Albane Gellé ; Jacques Jouet ; Christiane Keller ; Hervé Le Tellier ; Philippe Longchamp ; Jean-François Manier ; Nimrod ; Jean-Baptiste Para ; Emmanuelle Pireyre ; Thierry Renard ; Marie Rousset ; Valérie Rouzeau ; Alain Serres ; Jean-Pierre Siméon ; Claude Vercey.Pensant à René Char, qui s’inquiétait de l’avenir de la rencontre dans lces très beaux bandeaux de « Claire » (La pléiade, p.654/655), repensant à quelques rencontres marquantes,  j’ai donné comme titre à mon texte :
 
Gardez-nous la rencontre !

À Eliot,
Aux femmes et aux hommes – jeunes encore ! - que j’appelais – Dix ans déjà ! – les enfants-du-pied-des-tours de la ZEP La Charme,




    À mon sens, l’immense mérite de cette Semaine de la poésie est de donner chance à la rencontre.
    Seule, la rencontre est fécondante. Son « angle fusant » ne se résume ni dans la présence du poète, cet intervenant extérieur supposé en savoir plus que les autres sur ce dont il s’agit , dans une classe, ni dans la manière dont cette classe a été préparée par l’enseignant. Encore que pour se rencontrer, il convient que l’on se soit donné rendez-vous et quelque peu apprivoisé, et en ce sens le travail de l’enseignant est tout à fait important - Dirais-je qu’au cours de mes nombreuses interventions, au fil des ans, il n’a pratiquement jamais été pris en défaut? - Il lui appartient de préparer la venue du poète, de soigner cette attente, de la nourrir et la creuser d’interrogations, de lectures, etc...
    Mais, ce qui importe ce n’est pas encore cela. Ce qui importe ce n’est ni le poète, ni la classe elle-même, mais leur rencontre, soit cet entre-deux, cette dimension à chaque fois neuve et inouïe d’un je et d’un tu, cet espace tiers entre un toi et un moi, espace autre par où passer est possible.
C’est dans cette rencontre que je définirais volontiers par ses qualités, soit ce sens des entours - timbre, tons, résonances, couleurs... - que se joue la transmission.
Et n’est -ce pas de cela dont il s’agit dans cette Semaine de la Poésie?
Ne s’agit-il pas d’être des passeurs de poésie?


    



24/03/2007

Madame de Clermont-Ferrand rencontrée le 20 mars 2007 vers 17h50 en descendant de l’IUFM d’Auvergne

à Isabelle Brun Lacour,

« Madame a établi son salon de coiffure sur les pentes d’un volcan. Toute occupée à tresser vent , neige et froid, elle permanente et plisse au noir le ciel dans de blanches bourrasques.Sur ses lèvres, le rouge de quelque oiseau passe. Reste d’un poème abandonné à l’air. »

© Alain Freixe 

Madame des saponaires

Pour le XXXème anniversaire de la revue Esquisse




1-
Les hautes herbes cachaient l’eau. Un grand jour jetait le ciel dans le cœur lyrique de ses nuages. Son insurrection courbait les fleurs de savon. Madame des saponaires savait se faire attendre. La ralentie de sa venue faisait vibrer son absence. Et les mains se signaient à même leur désir.

2-
L’eau de pluie fait poussières des fleurs pour un poudroiement où ma sœur Anne ne voit rien venir.

3-
Dans les gouttes d’eau, Madame s’épuise. Dans leur tombée de nuit, Madame fait sienne cette tendresse qui vrille le cri des hommes. Sablier retourné, le temps y luit en retenant son souffle. Le parti de l’asphalte est en route.

4-
Madame pèse autant que la fumée qui brûle ses volutes au jaune des ampoules. Elle abandonne ses mains ivres aux bras d’un ciel bouleversé.

5-
Que Madame soit du côté des fantômes où se perdent les visages est-ce vérité de ce temps ? Les saponaires rythment le bruit de l’eau à nos pieds nus. Langue filée du ruisseau. Voix du jour.


© Alain Freixe

Lu 11 - René Char, Lettera amorosa



medium_lettera_amorosa224_-_copie.jpg« Marcheur puissant » aux « poudreuses enjambées » capables de « (lever) un printemps derrière elles », c’est sur les mots que marche René Char qui « savent de nous ce que nous ignorons d’eux ». Ainsi des chemins – les vrais, les libres . Ainsi « (errons-nous) autour de margelles dont on nous a soustrait les puits ». Oui, des mots manquent. Mots de passe pour le réel tandis que la parole de poésie reste là à disloquer la réalité de la langue pour laisser battre quelques portes. Il y a dans cette tension, cette énergie qui traverse et tient les mots du poème dans l’ouvert, cette violence retenue du poème comme la ligne de vol de toute caresse, comme le mouvement même de l’amour : amour de la langue, amour d’une terre, amour de la femme.
C’est ce mouvement là qui anime cette Lettera amorosa que nous donne à lire aujourd’hui Poésie/Gallimard. L’érotique est ici éthique de la parole. Femme et langue sont là comme absentes. La langue parce que reclose sur elle-même, figées dans ses notions prédéfinies. L’écriture de Char l’attaque, la malmène jusqu’à l’ouvrir sur cette jouissance secrète qui s’accomplit en un « merci » par lequel le poète donne congé à sa « fleur de gravité », « iris d’Éros, iris de Lettera amorosa ». Celle qui continue à « (accompagner) le retour du jour sur les vertes avenues libres. »
Cette édition présente l’intérêt de nous offrir non seulement les deux versions du texte, celle de 1952 sous le titre de Guirlande terrestre et celle de 1964 parue dans l’anthologie Commune présence, qu'on trouvera également dans la collection Poésie/Gallimard, mais également la reproduction des 16 collages de Jean Arp qui accompagnaient la première version et les 24 lithographies de Georges Braque qui allaient l’amble avec la deuxième. Quand on sait combien René Char fut attentif à ceux qui furent ses « alliés substantiels », ces peintres qui à l’instar de Picasso en 1939 lui offrirent – et continuent à nous offrir – « mille planches de salut », on mesure l’importance du dialogue ici offert.

© Alain Freixe