25/02/2007
Un peintre et des poètes, Jean Capdeville à Carcassonne du 1 décembre 2006 au 31 mars 2007
"Un auteur chante, je danse autour", Jean Capdeville
Nous sommes à Carcassonne. Dans la Maison des Mémoires, au 53 rue de Verdun où vécut Joë Bousquet. Le centre Joë Bousquet et son temps qui s'intéresse aux relations "écriture/peinture" depuis sa création en 1999 a invité Jean Capdeville à montrer ses livres peints.
L'exposition est à couper le souffle. Vitrines rythmées par quelques-unes de ses toiles où les mots inscrtits de sa main - ceux d'Edmond Jabès, André Du Bouchet, Paul Celan, Jacques Dupin..; plus une bonne dizaine d'autres dont Simone Weil, Yves Peyré, Serge Pey...les siens aussi, parfois - sont tirés du noir par quelques feux tournants dont les cendres blanches demeurent encore vibrantes, rayonnantes dans la dimension d'un possible toujours ouvert.
Né en 1917 à Saint-Jean de l'Albère (Pyrénées Orientales), Jean Capdeville vit et travaille à Céret. Il a gardé de l'enfance deux yeux étonnés. Rieurs et malicieux, ils vont avec un sourire que son visage bruni à toutes les tramontanes et caressé de tous les soleils, laisse s'épanouir.
Vers les années 1950, deux événements modifient son orientation : la peinture romane et les écrits de la philosophe Simone Weil...«... Les notes de Simone Weil me fichaient alors une secousse, des couleurs donc, des traits, des moyens très simples, minces même, des à plats cernés. La richesse, la vraie, intense dedans...»
Pour ses relations avec les poètes et les philosophes, le peintre Jean Capdeville explique ainsi sa démarche :
«Des livres illustrés - un auteur chante, je danse autour, avec l'imprimeur et l'éditeur aussi bien sûr -Mon premier livre, en 1968, avec des poèmes de Georges Badin «traces», a été imprimé et édité par Gaston Puel à Veilhes. Quatre choses de moi étaient prévues, reproduites en clichés simples «au trait» que je voulais reprendre à la main. Je n'ai pas aimé les clichés après tirage ; les chosess'écrasaient dans le papier et devenaient lourdes. J'ai repris les clichés, à la main, en les recouvrant de peinture ; sur la lancée, j'ai rempli pareillement 13 pages d'images ; le tout dans un tirage de soixante exemplaires. Renouant ainsi avec les tout premiers livres imprimés et enluminés. Intervenir directement, pour un tirage normal à gravures, était devenu chez nous, dans l'édition, depuis les premiers temps de l'imprimerie un processus totalement étranger ; tout étant mécanisé.L'évolution de l'approche picturale, plus franchement liée au geste et au sériel, autorisant la multiplication des images dans la rapidité et le nombre, mais toujours une à une. Quelques livres au départ : Hommage à Simone Weil, Georg Christoph Lichtenberg, «notes de lectures» en livres,«Ludovic Massé» - tous pareillement illustrés, peintures, réécrits moi-même ou bien en typo locale artisanale. Par la suite tout s'est fait dans la prise en charge matérielle d'éditeurs d'art et de leur imprimerie...»
C'est cette danse qui nous est donnée à voir.Autant de livres, autant de "Fièvres de paix" écrit Yves Peyré, cela suffit pour une joie! Son dernier livre est une collaboration avec Jacques Dupin. Bleu et sans nom est publié par Jean Lissarague aux éditions l'écart. Peinture et poésie se touchent comme deux voix étrangères et complices, respectueuses de leurs différences. Affaire de rythme!
© Alain Freixe
22:05 Publié dans Dans les turbulences, Du côté de Joë Bousquet, Du côté de mes interventions | Lien permanent | Commentaires (0)
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