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08/01/2008

Exposition « Joë Bousquet, j’habite au milieu des couleurs » du 30 novembre 2007 au 01 mars 2008 à la Maison des Mémoires – Maison Joë bousquet, 53 rue de Verdun, 11000 Carcassonne (tel/fax : 0468725083)

(Conçue par Le centre Joë Bousquet et son temps en partenariat avec le Conseil Général de l’Aude, l’exposition propose un cheminement dans l’univers de Joë Bousquet.f83b894ffe50433f9ed9e708bc481b67.jpg

Des rencontres réunissant Yannick Bellon, Eric Le Roy, Serge Bonnery, André Cariou, Anne Cathala, Michaël Glück, Sylvie Gonzalez, Anne Gualino, Rose-Hélène Iché,  Yolande lamarin, Adriano Marchetti, Doiminique Rabourdin, Alain Freixe et bernard Noël, se sont déroulées les 30 novembre et 1 et 2 décembre 2007. 

 

Les œuvres présentées : peintures, photographies, sculptures, ouvrages, revues, documents témoignent des liens vitaux que le poète a entretenu avec les créateurs entre les années 1925 et 1950.)


24d70e200db2899a62b380946af0c0bb.jpg« Les peintres m’ont comblé. Quand j’étais aussi pauvre qu’eux, ils m’ont fait de ma chambre unebf5550f0a1b4408139b132cc95060837.jpg demeure enchantée. »
Joë Bousquet à Maurice Nadeau

 

 

On ne trouvera pas dans cette exposition les œuvres qui enchantèrent la chambre du veilleur immobile de Carcassonne mais d’autres œuvres des peintres dont aima s’entourer Joë Bousquet de Max Ernst à Fautrier en passant par Tanguy, Malkine, Sima, Klee, Magritte, Brauner, Michaux, Dubuffet, Bellmer bien sûr et les carcassonnais Jean Camberoque et le sculpteur René Iché à qui une vitrine est consacrée. On trouvera également la série des photographies que Denise Bellon réalisa en 1947 dans la chambre.
On l’aura compris, il ne s’agissait pas pour les concepteurs de l’exposition de courir après les pièces telles que  mais de tenter d’évoquer l’atmosphère de ce « repaire amoureux », ce « lieu souterrain » dont Bousquet disait – Et c’est le titre même de l’exposition ! – que là, « il habitait au milieu des couleurs », que sa vie même était dans ces « réalités éruptives »
Pari gagné !
A parcourir salles et couloirs, c’est un vent et une lumière qui vous accompagnent : vent qui porte haut l’écho d’une rébellion qui avait subordonné « toutes les activités esthétiques à une idée morale de l’homme » ; lumière d’un refus de tout ce qui asphyxie l’homme et le voue à l’écoeurement.
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Si vous passez par Carcassonne, n’évitez pas la ville basse, passez par le 53 rue de verdun, cette exposition est tout autre que muséale. D’elle, je dirais ce que Baudelaire disait de celle qu’il désirait peindre : « elle est belle. Et plus que belle, elle est surprenante ». C’est que toutes les œuvres présentées ici sont l’œuvre d’hommes et de femmes ayant « vécu la grande aventure, donné le coup de couteau dans les décors en toc du sensible », selon les mots de Roger-Gilbert Lecomte. Toutes sont des chemins vers une expérience autre de la réalité plus proche d’une vie en formation. Germinative. Une vie battante.
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25/02/2007

Joë Bousquet / Simone Weil : une rencontre

(Cette intervention a été faite en ouverture des rencontres du samedi 2 décembre 2006 en présence de Jean Capdeville, dans le cadre de l' exposition de ses livres peints, conçue et coordonnée par René Piniés, directeur du Centre Joë Bousquet et son temps.Son président, Serge Bonnery présidait la rencontre au cours de laquelle on a pu entendre Pierre Manuel, Yves Peyré, Jean Lissarague ainsi que des improvisations de Beniat Achiary. La veille une soirée avait réuni Serge Pey et le guitariste Pedro Soler. Le lendemain une lecture permit d'entendre Jacques Dupin, Philippe Denis, Yves Peyré, Anne de Staël, François Zenone, Serge pey. Je terminai la matinée par la lecture d'un texte écrit pour Max Charvolen.)
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« Je veux d’abord vous dire que vous rencontrer a été pour moi quelque chose de plus que précieux. Je pressentais vaguement qu’il en serait ainsi, mais je ne pressentais pas à quel point » Simone Weil
 
« Rencontrer est le contraire de reconnaître » Gilles Deleuze


Si la source n’existe le plus souvent qu’au pluriel, perdue parmi divers points d’émergence, parmi les sources de notre Centre Joë Bousquet et son temps, il en est une, et ce sont les journées nationales Simone weil-joë Bousquet  des 28 au 31octobre 2000 et la présence forte à cette occasion de Jean Capdeville par son livre Hommage à Simone Weil de 1971 qu’il nous avait confié durant l’été et ses grands papiers où il avait manuscrit quelques pensées comme autant de balises évoquant et soulignant l’importance que la philosophe à la pélerine avait eu pour lui, vie et œuvre mêlées.
Je ne vais pas vous parler de l’histoire de notre centre, je ne vais même pas vous parle de Jean Capdeville – encore que dans les détours, les plis de mon propos…- je voudrais plutôt parler à Jean Capdeville . Que cette adresse « à Jean Capdeville » soit ma manière de lui rendre hommage, de saluer le danseur de corde qui, de clocher à clocher, ces œuvres où chantent les poètes, invente toujours quelques nouveaux pas et trouve là de quoi entrer en résonance, ce bruit d’air sur fond de silence, avec leur paroles. Comment alors ne pas penser à ces mots de Simone Weil, à ces mots qu’il avait choisi de manuscrire sur la page de couverture de son livre de 1971 : « entendre les bruits à travers le silence ». Et bien c’est cela que nous entendons dans « les livres de dialogue », selon l’expression chère à Yves Peyré. Ceux de Jean Capdeville tout particulièrement.medium_IMG_9613.JPG
 
Lui parler et vous parler de qui d’autre sinon de celle dont la lecture lui a « fichu » cette « secousse » qu’il aime à évoquer ; secousse qu’il traduisit en « couleurs, traits, moyens très simples, à plats cernés »…de Simone Weil donc et de celui qui s’est tenu de si longues années, à quelques pas d’ici, dans cette chambre bleutée et ocre, cette ancienne salle de musique avec son dallage si particulier, ces grands carreaux noirs et blancs, propices à quelques mystérieux jeux de dames…ou d’échecs. Joë Bousquet qui allait donc y accueillir Simone Weil en 1942 pour une rencontre qui promettait d’être mémorable. Et qui le fut. Ce dont je voudrais donner quelque idée.

Rencontre brève qu’en d’autres temps j’avais essayé de circonscrire au plus près. – on trouvera plus de détails dans les N°s des Cahiers Simone Weil de décembre 1987 et de septembre 1988 car il fallu apporter un correctif. En effet, s’il est à peu près acquis que Simone Weil débarqua par le train avec Jean Ballard, Directeur de Cahiers du Sud, sur le coup de 2 heures du matin, venant de Marseille, dans la nuit du 29 au lundi 30 mars, si l’on peut être sûr qu’elle se rendit tout de suite chez Bousquet, que Ballard les laissa discuter, qu’elle dormit quelques heures à même le sol, sur la natte qu’elle emportait toujours avec elle, en revanche on ne peut plus affirmer avec Simone Pétrement, le Chanoine Sarraute qu’ils ne se virent qu’une fois. Le témoignage que je reçus de Charles-Pierre Bru, professeur de philosophie et peintre, qui par la suite joua un rôle si important dans la mise sur pied de notre Centre, via le chanoine Sarraute m’obligea à une précision, ce que je fis dans le N° de septembre 1988. Il fallait se rendre à l’évidence Simone Weil s’était rendue deux, voire trois fois ici même, chez Bousquet, avant de partir pour l’abbaye d’En calcat, à Dourgnes dans le Tarn, où elle voulait entendre les chants grégoriens pour pâques qui cette année là tombait un 5 avril.

J’ai dit mémorable pour l’amitié aussi brève – Simone Weil n’avait plus qu’un an à vivre entre l’Amérique et Londres où elle mourut le 24 août 1943 au sanatorium d’Ashford  - que définitive qui naquit de ces paroles et des quelques lettres qui s’ensuivirent – correspondance qu’on ne trouve plus aujourd’hui et que notre Centre se propose de reprendre dès qu’il le pourra augmentée notamment des deux lettres de Simone Weil à Joë Bousquet retrouvées par Florence de Lussy (une du 12 mai 1942, l’autre postée de Casablanca) et publiées dans Les Cahiers Simone Weil de juin 1996.

Amitié dont je voudrais d’une part, donner quelques signes et d’autre part, tenter de fonder.

Dès sa première lettre du 13 avril 1942, elle mettra Bousquet au même niveau que le Père Perrin avec qui elle entretenait une correspondance serrée sur les questions du baptême et de la foi. C’est qu’avec Bousquet, elle rencontrait un homme auquel, loin de toute référence religieuse, l’écart entre l’être et l’existence était chose familière ; l’homme qui, selon elle, pouvait penser l’état actuel du monde dans la mesure où « pour penser le malheur, il (fallait) le porter dans la chair, enfoncé très avant, comme un clou, et le porter longtemps, afin que la pensée ait le temps de devenir assez forte pour le regarder ». Ainsi à ses yeux, Bousquet, blessé depuis plus de 20 ans, « cloué aux mots », selon l’expression de Bernard Noël, était, à ses yeux, infiniment privilégié pour accéder à la connaissance du réel, celle de « l’harmonie pythagoricienne », celle de l’unité des contraires car il portait la guerre logée en lui, ainsi pouvait-il connaître la réalité de la guerre, « la réalité la plus précieuse à connaître parce que la guerre est l’irréalité même » et même si elle recoonnaît qu’il n’est pas encore tout à fait prêt ce que Bousquet acceptait bien volontiers, lui qui affirmera après sa mort à Hélène et Pierre Honorat le 26 janvier 1945 : « Je n’oublierai jamais notre amie. Ses pensées étaient les miennes mais elle se reposait dans les pensées qui m’ôtaient le repos » ou encore à Jean Ballard : « Vous ne sauriez croire combien j’ai été heureux de causer un peu longuement avec Emile Novis. Il n’y a rien à reprendre en elle. J’accepterai volontiers de vivre dans sa peau, sauf quelques substantielles réformes côté ascétisme et plus de complaisance envers le mal. »
 
Parmi ces signes, celui-ci que je vais privilégier. Lorsque Bousquet lui demande « j’aimerais lire de vous des impressions mystiques », c’est bien qu’au cours de leurs conversations quelques allusions avaient été faites au fait qu’elle avait connu de telles « impressions » et en un abandon qui n’est permis qu’à l’amitié la plus vive, elle lui avouera, le 12 mai 1942, comment se récitant à elle-même le poème Love du poète anglais George Herbert (1593-1633) « pour la première fois, le christ est venu (la) prendre » , aveu qu’elle n’avait fait à personne, qu’elle redira, quelques jours plus tard, au seul Père Perrin…

Voyons, finalement qui se rencontre ?
 

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Un peintre et des poètes, Jean Capdeville à Carcassonne du 1 décembre 2006 au 31 mars 2007

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        "Un auteur chante, je danse autour", Jean Capdeville 

Nous sommes à Carcassonne. Dans la Maison des Mémoires, au 53 rue de Verdun où vécut Joë Bousquet. Le centre Joë Bousquet et son temps qui s'intéresse aux relations "écriture/peinture" depuis sa création en 1999 a invité Jean Capdeville à montrer ses livres peints.

L'exposition est à couper le souffle. Vitrines rythmées par quelques-unes de ses toiles où les mots inscrtits de sa main - ceux d'Edmond Jabès, André Du Bouchet, Paul Celan, Jacques Dupin..; plus une bonne dizaine d'autres dont Simone Weil, Yves Peyré, Serge Pey...les siens aussi, parfois - sont tirés du noir par quelques feux tournants dont les cendres blanches demeurent encore vibrantes, rayonnantes dans la dimension d'un possible toujours ouvert. medium_IMG_9617.JPG

Né en 1917 à Saint-Jean de l'Albère (Pyrénées Orientales), Jean Capdeville vit et travaille à Céret. Il a gardé de l'enfance deux yeux étonnés. Rieurs et malicieux, ils vont avec un sourire que son visage bruni à toutes les tramontanes et caressé de tous les soleils, laisse s'épanouir.

Vers les années 1950, deux événements modifient son orientation : la peinture romane et les écrits de la philosophe Simone Weil...«... Les notes de Simone Weil me fichaient alors une secousse, des couleurs donc, des traits, des moyens très simples, minces même, des à plats cernés. La richesse, la vraie, intense dedans...»

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Pour ses relations avec les poètes et les philosophes, le peintre Jean Capdeville explique ainsi sa démarche :

«Des livres illustrés - un auteur chante, je danse autour, avec l'imprimeur et l'éditeur aussi bien sûr -Mon premier livre, en 1968, avec des poèmes de Georges Badin «traces», a été imprimé et édité par Gaston Puel à Veilhes. Quatre choses de moi étaient prévues, reproduites en clichés simples «au trait» que je voulais reprendre à la main. Je n'ai pas aimé les clichés après tirage ; les chosess'écrasaient dans le papier et devenaient lourdes. J'ai repris les clichés, à la main, en les recouvrant de peinture ; sur la lancée, j'ai rempli pareillement 13 pages d'images ; le tout dans un tirage de soixante exemplaires. Renouant ainsi avec les tout premiers livres imprimés et enluminés. Intervenir directement, pour un tirage normal à gravures, était devenu chez nous, dans l'édition, depuis les premiers temps de l'imprimerie un processus totalement étranger ; tout étant mécanisé.L'évolution de l'approche picturale, plus franchement liée au geste et au sériel, autorisant la multiplication des images dans la rapidité et le nombre, mais toujours une à une. Quelques livres au départ : Hommage à Simone Weil, Georg Christoph Lichtenberg, «notes de lectures» en livres,«Ludovic Massé» - tous pareillement illustrés, peintures, réécrits moi-même ou bien en typo locale artisanale. Par la suite tout s'est fait dans la prise en charge matérielle d'éditeurs d'art et de leur imprimerie...»

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C'est cette danse qui nous est donnée à voir.Autant de livres, autant de "Fièvres de paix" écrit Yves Peyré, cela suffit pour une joie! Son dernier livre est une collaboration avec Jacques Dupin. Bleu et sans nom est publié par Jean Lissarague aux éditions l'écart. Peinture et poésie se touchent comme deux voix étrangères et complices, respectueuses de leurs différences. Affaire de rythme!

 © Alain Freixe

21/12/2006

Comme dans les bras d'un grand ange blanc

medium_Joe_Bousquet.jpgEn mai 1997, la revue Encres Vives toujours dirigée par Michel Cosem a consacré un important dossier à joë Bousquet. Je reprends ci-dessous tel quel le texte que j’avais donné à Jean-Louis Clarac qui dirigeait ce numéro 224 intitulé « La poésie est le cœur de feu de la prose ».




                            "Tout n'aura été que rêve et songerie sauf l'amitié..."
                                            à Ginette, Joë Bousquet

    

    De même que, blessé par un éclat de Scharpnell, le 27 mai 1918, sur le front de l'Aisne, à Vailly, lors d'une violente contre-attaque allemande, Bous¬quet fut arraché au sang, à la boue et à la mort par ses camarades de combat; de même que devenu "plus faible qu'un enfant", sa vie se serait éteinte si lui avait manqué un seul jour les soins constants non seulement de ses médecins mais encore de tous ceux - famille et amis - qui l'entourèrent quotidiennement; de même, son écriture ne s'est jamais soutenue que du regard des autres ainsi qu'il l'avouait à Edmond Jaloux en 1936: "il n'y aurait rien à reti¬rer de mes livres si les plus grands esprits n'y voyaient pas plus de choses que je n'en vois moi-même".
    Que l'amitié, dans l'ordre des corps, sauvât et maintînt en vie celui qui était promis à la mort pendant plus de trente ans, ce démenti au bon sens de l'époque n'est compréhensible que parce que, selon Bousquet, dans l'ordre des esprits, elle lui rendit la vie comme un espace infini de création et l'être comme un devenir.
   

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