02/06/2008
Lu 25 - Coleridge, La ballade du vieux marin
( Vient de paraître, Samuel Taylor Coleridge, La ballade du vieux marin et autres textes, Poésie/Gallimard, Cat 7)
Oui, et pour plusieurs raisons. Dans une très éclairante préface Jacques Darras qui a assuré la traduction de ces textes – l’essentiel de l’œuvre poétique de Coleridge - s’attache à mettre en évidence ses errances de marcheur puissant – Il faut l’imaginer en « voyageur perdu au-dessus d’une mer de nuage », de dos, les yeux perdu au loin surplombant la nature sauvage du pays de Galles et des Lacs du côté de son ami le poète Wordsworth avec qui il composera durant l’année 1797 ces Lyrical ballads, publiées sans nom d’auteur, qui vont « révolutionner la sensibilité poétique » d’alors – ou de voyageur – Avant les deux années passées à Malte entre 1804 et 1806 d’où il reviendra profondément changé physiquement, ce sera l’Allemagne où il séjournera entre septembre 1798 et décembre 1799, année de rupture où il découvre les philosophies de Kant, Schelling et Hegel et d’où il reviendra profondément changé intellectuellement.
Romantique, certes, mais avec un pied déjà dans la modernité comme en témoigne son amour pour les grandes villes, Londres notamment où il retournera toujours pour ses lieux de parole : cafés, salles de conférence.
Pour Jacques Darras, il est la figure exemplaire de « l’esprit européen (…) pionnier, découvreur de langues, de littératures et de sensibilités », figure malheureuse tant il eut à vivre la césure entre sensibilité et rationalité, poésie et philosophie. De fait, les grands poèmes de Coleridge sont tous d’avant son séjour en Allemagne. Tout se passe comme si à 26/27 ans il « s’opérait vivant » de la poésie comme Mallarmé le dira plus tard pour Arthur Rimbaud !
Il faut lire ces poèmes dont la célèbre Ballade du vieux marin, cette errance maritime d’un vieux marin coupable d’avoir tué un jour un albatros, « l’oiseau par qui le vent soufflait ». C’est dans ses mots qu’erre le vieux marin. Et nous avec lui, pris au filet de sa parole, renvoyés à notre propre errance de sujet sans place. À l’image d’un souffle sur la mer, ainsi allons-nous !
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Balise 31 - Kafka et les corneilles
"Les corneilles affirment qu'une corneille à elle seule serait capable de détruire le ciel. C'est indubitable mais cela ne prouve rien contre le ciel car les cieux sont justement le signe de l'inanité des corneilles."
Aphorisme 32
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01/06/2008
Sophie Braganti et la mémoire des corps
Il neigeait sur Nice en janvier 63 lorsque Sophie Braganti est venue au monde. Des études en Sciences du langage puis un métier peu aimé; préparatrice en pharmacie. Puis l’écriture comme vrai laboratoire, champ d’expérimentations et de recherches des autres comme de soi. L’écriture comme quotidien au plus près de tout ce qu'elle voit, touche, entends…
Elle publie ces jours-ci aux éditions de l'Amourier - son récit Silvia Baci datait de 2000 - Chambres vides dans la collection Thoth. Ce sont 13 récits qui ont la chambre pour lieu commun. Et secret!
Par amitié, elle m'a confié sa neuvième chambre, celle d'Yvette.
La maison est souvent fermée les framboisiers bien soignés les framboises abondantes. Roses vertes rouges noires. Certaines à terre. Mûrissent. Pourrissent. Pour les vers les fourmis les oiseaux la terre.
Le vent agite les rideaux en vichy bleu il y a des courants d’air c’est mauvais pour l’arthrose cervicale les portes claquent je les ferme.
Mon chalet c’est notre maison de retraite une vraie bonbonnière j’aime bien y venir avec mon mari mais pas l’hiver trop froid trop long trop lent trop de silence. C’est drôle comme des fois le silence il fait mal aux oreilles surtout quand il y a trop de neige. On hésite à sortir quand même si jamais on glisse c’est mauvais pour l’arthrose on sait jamais le col du fémur s’il casse c’est embêtant. Si on est bloqué après on peut plus monter jusqu’au Col de la Couillole celui qui va vers Beuil les pistes de ski et l’épicerie.
Des fois quand on part de la ville il fait beau et quand on arrive ici il fait mauvais. C’est capricieux le temps. Dans ce chalet on a toujours quelque chose à faire surtout de l’entretien ça occupe ça entretient. Des fois on fait l’aller et le retour dans la journée on fauche l’herbe on la brûle avec un peu d’essence on enlève les cendres je ferme bien les fenêtres pour la cendre sinon ça vole partout puis avant la nuit on plie bagages on redescend dans notre quartier. Mon mari faut toujours qu’il revienne sur ses pas vérifier qu’il a bien fermé à clef.
Ce qui est pratique c’est de pouvoir garer le quatre-quatre devant l’entrée de la maison pas la peine de marcher en portant nos sacs. On gare la voiture devant la porte on décharge on bricole et le soir on rentre en ville. Ici je dois faire ma poussière secouer mes draps c’est pas la peine de les changer ils restent propres longtemps un petit coup de balai le matin il me reste bien deux heures avant de préparer le repas. On mange toujours à l’intérieur derrière les rideaux comme ça personne nous voit et nous on voit personne puis le soleil c'est mauvais pour la peau. Après on fait un brin de sieste.
Jeannot il bricole. En ce moment par exemple il revernit les volets et moi pendant ce temps je fais ma vaisselle je l’essuie je la range je remets le napperon sur la table propre et dessus la composition de fleurs séchées que j’ai eu pour la fête des mères. J’adore les fleurs artificielles. Après j’ai bien trois heures à attendre avant de préparer le repas du soir. Le soir on mange léger pour mieux dormir un bouillon de légumes un bout de fromage un fruit. Si on reste ici la nuit c’est comme ça que ça se passe que ça passe.
L’après-midi je m’assois à ma table et je regarde un peu dehors je regarde Jeannot très affairé à travers la moustiquaire. C’est fatigant de le regarder il rabote un volet quelle poussière. De le regarder ça me fait dodeliner il dit que je parle seule et hop dodo. J’ai devant moi de la couture à faire Jeannot il use beaucoup les chaussettes trop je lui dis à cause de ses ongles des pieds longs et durs et moi je reprise au fait où sont mes lunettes j’espère que je ne suis pas assise dessus.
Il aime pas trop que je lise il veut bien que je fasse des mots croisés ça oui il est d’accord mais il faut pas lui parler de Guy des Cars ou de Françoise Sagan ou de comment il s’appelle l’autre qui est académicien il dit que ce sont des parleurs. Tout ça parce qu’il est jaloux ils sont plus intelligents que lui. Les mots croisés il comprend il veut souvent m’aider mais si on remplit les cases ensemble on se dispute pour l’orthographe. Comme je lui explique moi ça me viendrait pas à l’idée de mettre mon nez dans sa boîte à outils et de lui proposer de scier les planches de toutes façons il supporterait pas et en plus je sais pas faire.
Hier on a eu la visite des voisins de la maison d’en face ils sont pas contents c’est des jeunes. Chaque fois qu’on monte ici ils disent vous faites tout le temps du bruit un coup la tronçonneuse un coup la débroussailleuse un coup la perceuse un coup la tondeuse et la radio baissez un peu le son ils disent vous êtes un peu sourd ou quoi. Je comprends pas qu’ils rouspètent à leur âge j’étais plus souriante moi à leur âge plus respectueuse. Leur faudrait une bonne petite il leur en faudrait une comme on l’a connue en 40 ils comprendraient pourquoi ils rouspètent au moins. Faut bien l’entretenir la maison comment ils font eux chez eux.
Le soir on se couche à huit heures mais à sept les volets sont tous fermés été comme hiver les rideaux tirés on dérange personne on voit personne ils peuvent même pas nous entendre tellement ils sont loin. Le soir on allume un peu la cheminée on se met en peignoir tous les deux je sais ça semble bizarre mais été comme hiver on les porte c'est l'habitude. C’est à l’étage qu’on se couche à l’étage où il y a les toilettes c’est-à-dire que le peignoir on le quitte jamais depuis qu’on est petit c’est une deuxième peau nos parents ils nous avaient habitués à nous déshabiller à la maison pour garder les habits propres longtemps et pas froissés ils nous donnaient la robe de chambre avec la ceinture moi une rose lui une bleue on enlevait les chaussures pour enfiler les pantoufles on s’est jamais posé de question j’y pense parce que les jeunes qui passent devant chez nous avec leur voiture le matin sur la piste de terre ils nous regardent avec insistance nous font un bonjour de politesse et je vois bien qu’à peine tournée la tête ils s’esclaffent mais qu’est-ce qu’il a mon peignoir.
Jeannot me dit toujours bonne nuit Yvette. S’il ne le disait pas ça me manquerait. Même quand il est patraque il me dit bonne nuit Yvette et des fois il me dit même dors bien fais de beaux rêves. C’est beau tout de même cinquante ans que ça dure et que c’est pas si dur. Parce qu’au début je n’avais pas trop de sentiments la première année je voulais faire plaisir à mes parents qui l’aimaient comme leur fils ils l’admiraient parce qu’il était travailleur dans l’atelier de mécanique fallait voir comment il soulevait les voitures moi ça m’avait impressionnée son paquet de muscles. On a presque grandi ensemble je le voyais comme un frère un grand frère parce qu’il a deux ans de plus que moi puis je m’y suis habituée c’est pas un mauvais garçon loin de là bon mari bon père jamais manqué de rien très réglo toujours payé ses dettes toujours travaillé jamais d’arrêt maladie sauf un pour des problèmes qu’ont les hommes mais ça il veut pas que je raconte il a sa pudeur.
Quand je repense à nos tout débuts que je m’étais convaincue que ça serait dur et puis vous connaissez la chanson les enfants et tout le toutim quand j’y repense et bien finalement j’en changerais pas pour tout l’or du monde et qu’est-ce que j’en ferais moi de tout l’or du monde j’ai même pas de fille pour hériter de ma médaille et de mon alliance en or même pas eu envie d’un solitaire.
Quand on monte à la montagne c’est toujours pareil même programme et le lendemain on recommence sauf qu’il faut changer de décor c’est toujours pareil aussi je sais mais j’en changerais pas pour tout l’or du monde j’en changerais pas et qu’est-ce que j’en ferais moi de tout l’or du monde.
La dernière fois qu’on s’est mis tout nu oh lala si Jeannot savait que je parle de ça il se fâcherait tout rouge il a sa pudeur la toute dernière fois je m’en rappelle plus. Moi ça ne m’a jamais trop intéressée et lui non plus. On a fait le tour de la question depuis longtemps et maintenant on a de l’affection. Le soir quand on se couche on a bien rangé nos affaires les chaussons qui dépassent un peu dessous le lit nous attendent au réveil des fois je leur parle à mes chaussons je leur dis soyez bien sages mes petits ne bougez pas. On a tiré les rideaux en vichy rose il y a des courants d’air c’est mauvais pour l’arthrose les fenêtres claquent je les ferme on boit une infusion avec deux cuillères de miel pour avaler le somnifère on se met les boules dans les oreilles et jusqu’au matin on oublie tout.
09:55 Publié dans Mes ami(e)s, mes invité(e)s | Lien permanent | Commentaires (0)
01/04/2008
Lu 24 - Eugénio De Andrade, Matière solaire suivi de Le poids de l'ombre et de Blanc sur blanc
Nul besoin d’être spécialiste. À parler de poésie portugaise le nom de Pessoa et des hétéronymes qui lui font cortège s’impose. C’est une montagne avec plis et replis, sommets et fonds de vallée creusés par les terreurs de l’identité et du manque d’être. C’est un paysage d’ubac.À l’adret, se tient la poésie d’Eugénio De Andrade. Poésie du désir, du « soleil de la peau ». Poésie du corps réhabilité, libéré de toute crainte aussi bien celle de « l’insurrection de la chair » que celle de la mort qui « n’a pas de prise sur le corps / quand on tient le soleil endormi dans ses bras ». Toujours une douce lumière éclaire depuis un fonds réservé, retenu dans l’épaisseur du corps les mots, les images de la poésie d’Eugénio De Andrade. C’est elle qui invite l’âme à la fête des sens.
Lisez Eugénio De Andrade Lisez ces trois recueils, traduits par Michel Chandeigne, Patrick Quillier et Maria Antonia Camara Manuel et publiés entre 1980 et 1984. Ils sont la ligne de crête de sa production poétique. L’homme qui était né en 1923 à Povoa de Atalaia, près de la frontière espagnole s’est éteint à Porto en juin dernier.
Quitte de tout, un soleil a replié ses rayons. Ainsi, même dans la mort, « il y a une rumeur qui ne dort pas / une manière pour la lumière de se poser, la trace / d’une larme brûlante ». C’est cette lumière rasante que l’on entend dans la poésie d’Eugénio De Andrade. Si elle n’efface pas le poids du monde, elle l’allège ; si elle ne dissout pas les ombres, elle les tient à distance.
21:40 Publié dans Du côté de mes interventions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Poésie, Littérature
31/03/2008
Lu 23 - Haiku - Anthologie du poème court japonais
Le mendiant –
Il porte le ciel et la terre
Pour habit d’été
Ce haiku d’été de Kikakou, je le prendrais volontiers pour emblème de cet art poétique que Corinne Atlan et Zéno Bianu résument dans le triangle suivant : Brièveté d’un souffle ; court-circuit de nos représentations ; pincement léger du cœur.
De quoi s’agit-il donc dans le haiku sinon de la chair même du monde quand elle palpite entre diastole et systole ? Que sont ses mots sinon des laisser-passer ? Poreux – véritable puits artésien ! – par où remonte ce « ah ! » des choses quand, étonnées, elles surgissent comme elles sont, moins peut-être dans leur être que dans les rapports qu’elles peuvent entretenir entre elles, tant elles sont ajustées et comme reposant dans une mesure qui les illumine.
L’originalité de cette anthologie du poème court japonais (Poésie/Gallimard, cat 2) tient d’une part à la traduction de Corinne Atlan et Zéno Bianu qui ont cherché à faire la part belle aux résonances plutôt qu’au sens, forts de ce que le même mot japonais « uta » désigne poésie et chant qui oblige pour ainsi dire à lire le haiku à voix haute. Et d’autre part, à côté de l’inévitable répartition des poèmes en ces saisons qui portent tout, privilégiant « les moments témoins d’une émotion saisonnière », Corinne Atlan et Zéno Bianu ont su faire place à un espace « hors saison », réservée aux « haikistes contemporains, soucieux de créer une esthétique moderne de l’instantané » tel que Hoshinaga Fumio par exemple qui écrit :
Dans le quartier des banques
Les navires de guerre
irradient
© Alain Freixe
11:05 Publié dans Du côté de mes interventions | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Poésie, Littérature
30/03/2008
Balise 30-
Y entendre notes? Mais quelles?
"Mes poèmes ne sont pas des poèmes. Quand vous aurez compris que mes poèmes ne sont pas des poèmes, alors nous pourrons parler de poésie."
Ryokan (XVIII)
23:13 Publié dans Balises | Lien permanent | Commentaires (1)
18/03/2008
Lecture et Musement
surtout s’il lit avec attention."
Plotin cité par André Du Bouchet1
Nous savons lire la littérature. Nous le savons puisque nous savons d’abord en repérer les signes sur le corps des textes, nous le savons, ensuite, puisque nous savons mettre ces signes en rapport avec la littérature, objet même de notre lecture.
Nous le savons, enfin, puisque certaines d’entre nous en faisons profession – nous enseignons souvent, non – ou en témoignons, ici ou là, en quelques approches critiques.
Que ce savoir opère par effraction et, ouvrant l’oeuvre à l’aide de quelques clefs forgées, plus ou moins bien, au feu des sciences humaines, par là même la déchire et la perd, ou qu’il l’aborde avec respect, et que dans cette distance, marque même du regard d’amour, il en vienne à partager son souci ; que ce savoir relève du regard d’Actéon ou de celui de Psyché, selon la belle distinction de Jean Starobinski2, cela, bien entendu, ne saurait me laisser indifférent. Et parce qu’ils disent l’accueil dont toute oeuvre a besoin, ce soin qu’elle exige de celui qui a décidé de s’occuper d’elle, bien mieux que je ne saurais le faire, je me contenterais de redonner à entendre les mots de Rilke : «Les oeuvres d’art sont d’une infinie solitude, rien de pire que la critique pour les aborder. Seul l’amour peut y parvenir, les garder et être juste envers elles» 3.
Mon propos visera, remontant vers l’en-deçà de ces deux regards, à considérer le temps de la première lecture où, loin de toute plume et de tout souci critique, on prend contact avec une oeuvre, et à envisager les effets que son procès est susceptible d’engendrer. Que tirer ainsi amont soit l’occasion de rendre compte des conditions de possibilité de ces deux regards et la chance d’en libérer un troisième, aussi aveugle que celui de Tirésias, le Voyant.
* *
14:30 Publié dans À propos du musement | Lien permanent | Commentaires (2)
03/03/2008
Turbulence 21 - Mai 68 revient!
Vous avez vu, entendu: tous en ont reparlé, colloqué!
Je me contenterai d'un rappel comme une relève! C'était dans Les Nouvelles Littéraires du 3-9 mai 1984, Gilles Deleuze et Félix Guattari signaient un article au titre provocateur: "Mai 68 n'a pas eu lieu" (article repris aux p.214/217 de Deux régimes de fous, éditions de Minuit,2003). Et certains voulaient le liquider (voir notre Turbulence 12 - Liquider, il a dit...du 02 mai 2007)!Deleuze et Guattari mettaient en place dans les phénomènes historiques la "part d'événement, irréductible aux déterminismes sociaux, aux séries causales".Ils y affirmaient que "l'événement a beauetre ancien, il ne se laisse pas dépasser : il est ouverture de possible. Il passe à l'intérieur des individus autant que des sociétés." Ils poursuivaient : "Mai 68 ne fut pas la conséquence d'une crise ni la réaction à une crise. C'est plutôt l'inverse. C'est la crise actuelle, ce sontles impasses de la crise actuelle en France qui découlent directement de l'incapacité de la société française à assimiler Mai 68 (...) Elle n'a rien su proposer aux gens : ni dans le domaine de l'école, ni dans celui du travail. Tout ce qui était nouveau a été marginalisé ou caricaturé." Ils terminaient en affirmant que: "Les seules reconversions subjectives actuelles, au niveau collectif, sont celles d'un capitalisme sauvage à l'américaine, ou bien d'un fondamentalisme musulman comme en Iran, de religions afro-américaines comme au Brésil : ce sont les figures opposées d'un nouvel intégrisme (il faudrait y ajouter le néo-papismr européen). L'Europe n'a rien à proposer, et la France ne semble plus avoir d'autre ambition que de prendre la tête d'une Europe américanisée et surarmée qui opérerait d'en haut les reconversions économiques nécessaires."
Et vous diriez que pour l'essentiel, ces propos ne sont plus d'actualité?
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02/03/2008
Balise 29 - Eloge de l'autre (3)
"Ce que le pied heurte au bord du chemin peut bouleverser le monde, il en a du moins la vocation. Car il n'y a pas de choses subalternes, il n'y a que des chances manquées."
Jacques Dupin
10:49 Publié dans Balises | Lien permanent | Commentaires (0)
01/03/2008
Balise 28 - Eloge de l'autre (2)
À propos de la parole de poésie, André du Bouchet écrivait : "parole d'étranger, oui, - de qui, arrivé du dehors, parle mal, ou plutôt n'use pas, comme prescrit, de la lan,gue qui devrait être la sienne."
20:04 Publié dans Balises | Lien permanent | Commentaires (0)
Béatrice Bonhomme - Courbe de calligraphie silencieuse
( Béatrice Bonhomme, poète, a publié des livres de poèmes dont Les Gestes de la neige
(L’Amourier), Le Nu bleu (L’amourier) Cimétière étoilé de la mer (Mélis) et La Maison abandonnée (Melis, 2006). Elle a également réalisé plusieurs livres avec des peintres.
Parmi les titres à paraître en 2008 peuvent être signalés une biographie sur Pierre Jean Jouve aux éditions Aden et un livre sur la poésie contemporaine : Mémoire et porosité aux éditions Melis.
Elle a fondé avec Hervé Bosio la Revue Nu(e), qui édite des poètes contemporains depuis 1994.Son dernier numéro est consacré à Jacques Ancet (Au numéro, 20 euros; Abonnement 50 euros auprès de ASSOCIATION NU, 29 Avenue Primerose 06000, Nice)
Courbe de calligraphie silencieuse
Les dédales d’un labyrinthe brûlant dans le vent des pierres, comme un marché au désert, et parfois une oasis de platanes à l’ombre d’un jardin retiré, la brûlure d’une traversée silencieuse dans les ruelles de la ville, puis l’ombre recueillie d’une maison offerte au sable. La fresque porte la lumière, trois fois ourlée des cordelettes de prière.
Sur les murs de la maison qui va être détruite, les taches de couleur, les oiseaux, les marques du désir ont laissé une colle rose. Les couleurs éclaboussent le matin, dans les formes enfantines d’un trait mal défini. Le sabre entre les cuisses, la fresque viole la lumière dans une fin d’après-midi qui doit mourir.
Une fontaine est posée entre les murs, sa pluie avive les couleurs projetées dans la lumière.
Dans la maison abandonnée, une petite pièce bleue a reçu un trait de pinceau piaillant et des oiseaux sont nés qui hurlent leur rougeur innocente entre les becs des lustres oubliés.
La maison abandonnée est devenue la proie de l’arbitraire. Des oiseaux ont été dessinés sur les murs comme des nappes de couleur avec des fleurs à la Matisse, utilisant les motifs déjà existants d’une ancienne tapisserie ; çà et là on découvre la tendresse désuète, presque chinoise d’une plume posée avec le mousseux d’un flocon.
La fraîcheur inattendue d’un jardin et les dédales de la maison abandonnée comme des enfants auraient joué de quelques flaques de lumière et posé sur le mur leurs doigts imprégnés de couleur mais pas encore assez défaite. Pourtant une petite chambre bleue, peinte à la va-vite, par touches jetées sur la tapisserie, garde le silence des enfants, laissé pour compte, oublié. Et brusquement se découvre le couple de la fresque dessiné avec son désir en bataille.
Le couple dessiné à la va-vite comme grossièrement, ressemble aux graffitis d’enfants. Il a gardé l’innocence des choses simples au milieu des taches d’oiseaux et de fleurs qui croisent sur la tapisserie un silence bleu déposé là par hasard.
Un vieux rideau vert, inattendu dans cette nudité garde le plissé d’une chasuble. Son bord touche l’esquisse d’un ciel, puis un miroir taché d’éclaboussures renvoie l’image d’une fresque dorée avec la présence d’un personnage.
Sur le mur s’étale vif et clinquant, le désir, désir de vivre et de jouir, désir de procréer des fleurs et des oiseaux.
Le dessin ne bouge pas d’un cil même sous le vent léger. Il est comme arrêté dans le temps, avec le bleu foncé d’une nuit de juillet, une pierre posée, sans érosion.
Des graffitis entrelacent des noms et des corps très matériels qui sont peints à la va-vite, mal définis et l’on distingue juste le sexe de l’homme qui devient une fleur de couleur violente avec des oiseaux dans ses nids.
Il y a un recueillement car le miroir de l’ancienne salle d’eau a pris du moucheté et dans une encoignure se précipitent quelques oiseaux qui ont poussé leur force dans le sexe de l’homme.
Une fleur criarde étale sa vulgarité sur la tapisserie peinte à la hâte. Le soleil la frappe et la fait hurler au bord d’une fenêtre qui baille.
Toutes les fenêtres, les portes battantes mais dans le dédale des pièces demeure un lieu secret où le bleu se bat avec le rouge. Il reste une odeur d’enfance.
Des larmes d’eau suintent dans la cour avec des fleurs qui saignent dans les murs recouverts de signes rouges.
Le bulldozer, lorsqu’il viendra, fera éclater les murs, appuyant trop vite sur des tubes de gouache comme un enfant pressé et tout aura cet air à la fois désolé et festif d’un gachis de couleur.
Il a fallu longtemps laisser couler le bleu de l’encre pour réparer le gris des choses.
Une résistance de velours laisse glisser son feu sur le mur posé de la chambre.
© Béatrice Bonhomme
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27/02/2008
Balise 27 - L'éloge de l'autre (1)
« Le poème tend vers un Autre, il a besoin de cet Autre, il le recherche et s’offre à lui. Toute chose, tout être humain devient, pour le poème qui tend vers l’Autre, une figure de cet Autre. »
Paul Celan, Le Méridien
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