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09/12/2006

Madame venue dans le travers de mon travail sur Jacques Dupin,le 17 novembre 2006

Madame s’est heurtée au jour. Madame , à portée d’air, robe arrachée, dessous déchirés, écartelée entre les pierres du torrent dans le silence cousu par le soleil. Madame, ce liseré bleu de vierge qui jubile  sur la montagne quand le ciel fait la halte.


05/12/2006

Balise 12

Depuis la Renaissance jusqu au romantisme, il y a eu un effort impressionnantet souvent sublime pour réduire l'art au génie, la poésie au subjectif et donner à entendre que ce que le poète exprime, c'est lui-même, son intimité la plus propre, la profondeur cachée de sa personne, son « Je » lointain, informulé, informulable. Le peintre se réalise par la peinture, comme le romancier incarne en des'personnages une vision où il se révèle. L'exigence de l'œuvre serait alors celle de cette intimité à exprimer : le poète a son chant à faire entendre, l'écrivain son message à délivrer. « J'ai quelque chose à dire », voilà finalement le plus bas degré des rapports de l'artiste avec l'exigence de l'œuvre, dont le plus haut paraît être la tourmente de l'impétuosité créatrice à laquelle on ne peut trouver de raison. Cette idée que, dans le poème, c'est Mallarmé qui s'exprime, que dans Les Tournesols Van Gogh se manifeste (mais non pas le Van Gogh de la biographie) semble pouvoir nous expliquer ce qu'à d'absolu l'exigence de l'œuvre et cependant le caractère privé, irréductible à toute obligation générale, d'une telle exigence. Cela se passe entre l'artiste et lui-même, personne du dehors ne peut intervenir, c'est secret, c'est comme la passion que nulle autorité extérieure ne peut juger ni comprendre. Mais en est-il ainsi ? Pouvons-nous nous contenter de croire que la passion taciturne, obstinée et rabâcheuse qui commande à Cézanne de mourir le pinceau à la main et de ne pas perdre une journée à enterrer sa mère, n'ait d'autre source que le besoin de s'exprimer ? Plutôt qu'à lui-même, c'est au tableau que le secret qu'il recherche se rapporte, et ce tableau, de toute évidence, n'aurait pour Cézanne aucun intérêt s'il lui parlait seulement de Cézanne, et non pas de la peinture, de l'essence de la peinture dont l’approche lui est inaccessible. Appelons donc cette exigence peinture, appelons-la œuvre ou art, mais l'appeler ainsi ne nous révèle pas d'où elle tire son autorité, ni pourquoi cette autorité ne demande rien à celui qui la supporte, l'attire tout entier et l'abandonne tout entier, exige de lui plus qu'il ne peut être exigé, par aucune morale, d'aucun homme, et en même temps ne l'oblige en rien, ne lui fait grief ni avantage de rien, ne se rapporte pas à lui tout en l'appelant à soutenir ce rapport – et ainsi le tourmente et l'agite d'une joie sans mesure.

Maurice Blanchot, La question Littéraire, in Le livre à venir

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25/11/2006

Yves Ughes/Alain Freixe - Soirée « Rappelez-vous… »

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C’était à Antibes le 20 octobre dernier. Arielle Rometti et Isabelle Viennois nous accueillaient dans leur transArtcafé pour une rencontre/lecture autour de cette plaquette que l’ami Yves Perrine a bien voulu accueillir dans sa revue Poésie en voyage aux éditions La Porte. De Sapho aux belles Lyonnaises, La Labé et la Desborde-valmore, des troubadours aux surréalistes en passant par quelques poètes espagnols, italiens ou allemands, ce sont quelques trente-six visages de la poésie , trente-six « indisparaissables » dit Raphaël Monticelli dans sa préface ! - qu’Yves Ughes et moi-même avons tenté, entre mémoire et langue, d’évoquer.Trente-six voix qui disent que tenir est possible. Que maintenir est l’urgence.

24/11/2006

Dominique Sorrente - Hypothèses du feu (extrait de Mandala des jours - à paraître)

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Dominique Sorrente est né en 1953 à Nevers. Enfance vécue sous le signe d'une double influence, arrière-pays celtique et présent méditerranéen. 
Il vit aujourd'hui à Marseille. Il

écrit depuis l'âge de 16 ans, époque où il se lie d'amitié avec le poète Christian Guez-Ricord (1948-1988). 
Il participera à la vie de la revue SUD jusqu’ en 1998. 
Il a fondé et anime aujourd’hui l’ association de poésie Le Scriptorium.

Ses principales publications
se trouvent dans la collection verte de Cheyne Editeur.:
La Lampe Allumée sur Patmos (1982)
La Combe Obscure (1985)
Les Voix de Neige (1988, Prix Louis Guillaume 1988)
Petite Suite des Heures (1991, Prix Antonin Artaud 1992)
Une Seule Phrase pour Salzbourg (1994)
La Terre Accoisée (1998) 
Le Petit Livre de Qo (2001)

 

 

 

Fougères d’amnésie. Se souvenir est comme un bruit de porte. L’ancien monde du bois.

                     *

Air disséminé, toujours en lisière de ce qui candidate au langage. Tout un monde autour de la peau, muet encore.

                       *


Aléatoires, les fuites du temps. Où nous passons sans retenir, cela crépite.

                       *


Dire qu’il suffit d’un oiseau de feu pour réfuter l’épaisseur sans horizon des choses.

 

 *

On donne des mots en pâture au maître intérieur qui les broie peut-être ou les ingurgite. Quand on les récupère, ils ont un drôle d’air d’introuvables.                       

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21/11/2006

André Frénaud, poète métaphysique?

(Texte remanié d'une conférence prononcée à La Maison de la poésie de Grasse le vendredi 17 novembre 2006 à l'invitation de l'association Podio qui travaille pour "la défense et 'illustration de la poésie à Grasse.

J'invite ceux qui souhaiteraient prendre connaissance des poèmes lus lors de cette intervention à se procurer les livres. L'oeuvre poétique d'André Frénaud se trouve maintenant disponible sous la forme de 5 volumes dans la collection Poésie/Gallimard)

                               

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« Oublions les choses, ne considérons que les rapports"

Braque 

 

 

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Et d’abord pourquoi André Frénaud ?

Peut-être à cause de ces mots de Bernard Noël rencontrés dans son article sur jacques Dupin paru dans Strates, volume collectif dirigé par notre ami Emmanuel Laugier : « Peut-être Jacques Dupin a-t-il des frères en Pierre-Jean Jouve et en André Frénaud, il n’a pas de semblable », mots qui font signe vers une voix, un  timbre singulier, une manière unique de remuer la langue et de la faire sonner de manière tantôt assourdie et tantôt agressive…

Peut-être à cause de cette solitude dans le paysage poétique des années 50/80 qui le voit persister alors que s’imposent fragments et dis-jonctions à écrire de longs poèmes qui sont  autant de vastes méditations, autant « d’affrontements de la nuit qu’il avait en lui », selon les mots d’Yves Bonnefoy.

Peut-être à cause de ces mots anciens de Montale qui en 1953 écrivait : « La poésie est appréhendée par lui comme un acte vital qui porte et résout en soi toutes les contradictions par le fait même de les vivre (…) c’est le seul monde où puisse évoluer u !n homme comme André Frénaud, poète de grande culture, mais qui ne croit pas à « la littérature », individualiste, sinon anarchiste, disons un esprit réfractaire qui ressent pour les hommes une « piété » infinie et qui ne pense pas qu’on puisse les racheter à coups de trique, comme on le fait des brebis égarées. »

Ou ceux de mon ami Gaston Puel qui dirigea en1981 un N° spécial de la revue Sud sur André Frénaud et qui écrivait dans sa préface que ce dernier « se (présentait) à nous comme l’un des poètes français les plus nécessaires à notre survie d’homme de 1981 »

Peut-être à cause des paradoxes que souligne Gaston Puel: -    homme qui commence par la fin. Ainsi le poème Epitaphe qui date de 1938 et ouvre son livre Les rois mages paru en 1944 chez Seghers

Lecture de Epitaphe, Les Rois mages, Poésie/Gallimard, p.15 (30 ‘’)

-    homme qui aime les hommes mais qui écrit un ‘je me suis inacceptable » !


-    athée qui ne cesse de revisiter la tradition chrétienne


-    révolutionnaire tôt revenu de ses rêves mais qui pas de son idéal de justice


-   amoureux de la nature qui déclare que « toujours les grandes villes (l’)ont troublé plus que la nature qui est trop claire et qu’elles seules donnent « le sentiment de ce que l’on n’atteint pas »

- amoureux de son « vieux pays » de Bourgogne mais qui avoue s’être épris définitivement de l’Italie et peut-être à un degré moindre de l’Espagne.

On pourrait continuer...


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15/11/2006

Marcel Migozzi - Vers les fermes, ça fume encore (Extraits)

À Jean-Loup Trassard

1


J'aurais d'une passion très lente aimé garder les vaches ( en chemins creux
et près en douce qui s'en vont courber la terre verte ) aimé
pour ne pas oublier l'odeur surtout des grosses à lait cru
déchets sacrés et encollés poils
de déesses.

Et le purin comme un étang
avec son job des profondeurs :
amant délivré des matières.

2


Un soir d'hiver ça fume à l'ombre
d'une brouette paillée.
Etable d'or et de fumier pour les oiseaux.
Et l'écriture mieux respire
à des poèmes qui survivent à l'enfance.

3


Dans les feuillées, un ange
passe et s'accroupit,
comme autrefois à la vidange dans les herbes,
( puits perdu, fosse ) on s'abandonne.

Viennent les délivrances, odeurs
des restes à soupirs.


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13/11/2006

Turbulence 6- Bernard Noël : Le permis de chasse

   ( Je relaie ce texte de Bernard Noël parce que je partage avec lui ce désespoir des poings fermés dans les poches crevées qui continuent à s'en aller sous le ciel vide pour crier "non devant..., ni de... mais crier à la mort"- Ainsi parlait Deleuze de Bacon - et que j'entends sous ses mots sonner, au plus haut de leur moment, ce couple de "la force sensible du cri et (de) la force insensible de ce qui fait crier" )medium_noel1.jpg
 
 
 
 
Imaginez que depuis l’au-delà de votre mort, vous regardiez votre assassin. Il s’avance vers vous, l’air arrogant et satisfait, puis lâche ces mots dans votre direction -    Excusez-moi, je vous ai tué par erreur !En vérité, il vous a tué du premier coup, mais comme il ne vous trouvait pas assez mort, il vous a mortellement frappé encore onze fois. Vous aviez beau être mort avec obstination, cela ne lui suffisait pas pour la raison qu’il désirait, à travers vous, exterminer tous vos semblables.    Il est dommage pour les bourreaux que leur victimes ne meurent qu’une seule fois : ils les tueraient de mieux en mieux tant qu’ils les ont sous la main. A défaut de ce raffinement, les bourreaux trouvent leur plaisir dans la récidive et dans la quantité. Ainsi, depuis qu’il est privé de son abattoir libanais, Monsieur Ehoud Olmert assassine chaque jour quelques palestiniens. En fait, cet exercice de chasse à l’homme est un sport qu’Israël pratique depuis longtemps, mais Monsieur Olmert l’a renouvelé en rendant son permis continu. Et il doit se proposer de faire mieux puisqu’il vient de nommer vice-premier ministre un certain Avigdor Lieberman, qui souhaite nettoyer la Palestine de tous les Arabes.    Pas de jours, depuis trois mois, sans que des femmes et des enfants palestiniens ne figurent au tableau de chasse, mais les hommes y sont assez rares. C’est qu’en Palestine, l’homme est moins commun que l’activiste, lequel de toute évidence n’a rien d’humain et doit être abattu. Qu’est-ce en effet qu’un « activiste » ? C’est un résistant qui n’accepte pas d’être occupé, d’être humilié, d’être affamé. Il a tort bien sûr de se révolter contre la condition que veulent pour lui des Elus à tous égards ses supérieurs.    Et puis, qu’on le sache une fois pour toutes, un mort est responsable de sa mort : tout autre point de vue est bêtise et superstition. La chose est d’ailleurs si évidente que pas un gouvernement occidental ne condamne le sport israélien ni son garde-chasse en chef. Après tout, le monde est accablé de misérables et en supprimer quelques-uns ne peut que le soulager. De plus, cette suppression exige l’expérimentation d’armes nouvelles, qui seront bénéfiques au marché du travail, tout comme de méthodes nouvelles de surveillance et de démoralisation.     Les opprimés sont coupables de l’être. La preuve : tous les media occidentaux parlent du chaos palestinien, de la guerre civile entre factions politiques rivales, d’une corruption endémique. Ils avaient reconnu que le Hamas accédait au pouvoir d’une manière très démocratique, mais un même mot d’ordre leur fait dire que le Hamas fait le malheur du peuple qui a voté pour lui. Pourquoi ? Parce qu’il est incapable de payer ses fonctionnaires et d’assurer le pain quotidien.     Pas un de ces media n’explique que si le gouvernement palestinien n’a plus un sou, c’est d’abord parce qu’Israël ne lui reverse pas sa part des droits de douane (plus de cinq cent millions de dollars lui sont dus) et tous trouvent normal que nos grandes démocraties aient suspendu leur aide en décrétant que la victoire démocratique du Hamas était intolérable. Il faudra bien qu’un jour ce peuple, qui parasite son propre territoire, comprenne qu’il est de trop chez lui et que l’esclavage est plus désirable que la résistance.    A moins qu’Israël ne préfère disposer d’une réserve dont il contrôle absolument les clôtures et qui, en connivence avec son Grand Allié, lui sert à sélectionner les diverses variétés de gibier humain, de la forte tête dont on fait des cibles, au pauvre indic qu’on achète pas cher. Où trouver un meilleur endroit pour entraîner les troupes au mépris de l’adversaire et des droits de l’homme ? Avouez qu’après soixante ans d’exodes, de camps et de tueries, si les Palestiniens s’entêtent à prétendre qu’ils sont les seuls habitants légitimes de leur pays, c’est qu’Israël entretient chez eux cette illusion afin d’exciter parmi ses citoyens une volonté de domination qui cimente leur unité. L’Arabe de Palestine est un épouvantail pratique pour maintenir Israël sur pied de guerre : sa chasse fournit un entraînement peu coûteux et sans grand danger.    Il n’y a pas une grande différence entre un bon chasseur et un bon tueur, sauf que le premier est muni d’un permis qui légalise ses actes tandis que le second peut toujours être désavoué par ceux-là même qui l’incitent à tuer. Il serait dans l’intérêt d’Israël, dont l’économie souffre de ses dépenses guerrières, d’organiser des battues d’activistes avec dégâts collatéraux mis secrètement aux enchères. Cela pourrait lui rapporter gros, le monde ne manquant pas de Républicains et d’Evangélistes prêts à payer fort cher pour avoir le permis de chasser au nom du Bien.     

12/11/2006

Balise 11

"Il y a des ulcères dans la pureté, nous allons

du visible à l'invisible.

 

Sur cette erreur repose notre coeur."

Antonio Gamoneda 

20:40 Publié dans Balises | Lien permanent | Commentaires (2)

03/11/2006

Hans Freibach - Du verrou à la clé

( Il se trouve que je connais bien Hans Freibach. Pas plus tard que l'autre jour, je disais à mon ami Barnaud combien il se faisait rare ces temps-ci. C'est alors qu'enseveli en quelques recherches internautiques, je suis tombé sur ce texte. Je le reprends tel quel non sans ajouter qu'il est paru en 1990 dans le N° 23/24 de la revue La Sape que dirigeait Maurice Bourg secondé de près par Antoinette Jaume)



"Lorsque nous parlerons avec la voix du rossignol"
Philippe Jaccottet

    


 
Parlons clair : poser la question du lieu, c'est, par-delà l'histoire individuelle et les aléas du sentimentalisme qui nous poussent à choisir tel lieu de vie plutôt que tel autre, poser la question de notre habitation dans le monde. Ainsi l'attachement au lieu apparaît d'une nature essentielle à l'être humain; c'est-à-dire ontologique. La pensée des lieux, qui n'est pas, Jaccottet le rappelait, "simple rêverie de poète rustique, de déserteur", est liée à la question de l'être. Un lieu est ce moment du monde où, soudain, sont révélées à la conscience non seulement une présence des êtres et des choses du monde mais aussi et surtout une apparition de quelque chose de radicalement autre, qui tout en dépassant infiniment ces êtres et ces choses, se donne comme la condition de leur présence même.
J'aime qu'ici, à La Sape dont le numéro 18 traçait les perspectives au cœur même d'un libre entretien entre les membres qui firent son histoire, on ait toujours su reconnaître que c'est cette présence autre que la poésie a toujours tenté de signifier, celle pour laquelle le poème cherche à être un abri. Abri précaire, il est vrai, jamais définitif, abri ouvert à ce qui le dépasse.
Poser la question du lieu, c'est aussi prendre la mesure de nos jours, de ces jours où l'homme des sociétés industrielles, encombré de savoirs et de machines, obsédé par des soucis de rentabilité et d'efficacité technique n'a plus qu'un rapport lointain et médiatisé avec la terre.
Poser la question du lieu, c'est aussi bien inviter la poésie à rouvrir les chemins de la terre, puisque son propos ne saurait être ni de s'armer pour la croisade, ni de s'ériger en donneuse de leçons; peut-être même sa raison d'être est-elle plus simple, plus humble, mais aussi plus essentielle, irréductible; peut-être, oui, est-elle de témoigner pour un lieu encore possible, pour une authentique habitation. Or n'est-il pas vrai qu'il n'y a de vraie demeure qu'ouverte à la communauté des hommes, là où un devenir commun est offert; qu'il n'y a de lieu que de partage et d'amour ?
Poser la question du lieu, c'est se demander si le poème peut être cette clef, en quoi Char voyait sa "demeure", et si ce n'est pas dans le poème que se réalise aujourd'hui la vocation par excellence du lieu : nous ouvrir à la présence du monde et des autres dans ce monde ?
 


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01/11/2006

L'oeil dans la main - à propos du travail de Frédéric Lefeuvre

medium_Vers_le_non-lieu_originale.4.jpgCes images cherchent à saisir le monde à son point le plus vivant. Là où ses frappes nous touchent. En ce point de vie qui fait trou dans la réalité.La technique n’a pas changé. C’est toujours de développement dont il s’agit. Mais là où il y a changement, c’est que dans les images de Frédéric Lefeuvre, Le développement se montre en tant que tel. Il vient sur le devant de l’image. Occupe son avant-scène. En propre.Chez Frédéric Lefeuvre, la photographie n’est pas art de la répétition. Retour à l’identique de ce qui a été. Tel quel. Privé de son champ de possibles, de cette banlieue du sens, de ces terrains vagues où demain se prépare dans les fumées. Cette mauvaise image qui rabat le fait sur lui-même, l’enferme sur lui-même par soustraction, lui retirant ce cortège de possibles qui l’accompagnait, on ne la rencontre pas chez Frédéric lefeuvre.    Ces images à lui sont parfois déroutantes, c’est qu’elles s’arrachent à leur narrativité, à leur pouvoir de représentation et d’illusion. Elles sont travaillées de l’intérieur par cet arrachement.medium_FL-Romance-Juillet_2002_.2.jpg
 
 
 Du coup, c’est bien l’image qu’on voit et pas seulement ce qu’elle était  sensée nous donner à voir.
 
L’image chez Frédéric Lefeuvre s’avoue image. Support qui n’entend pas passer derrière. Disparaître. Au profit dont ne sait quelle scène se donnant toute entière à voir.Ainsi les images de Frédéric Lefeuvre sortent de la dimension représentative, mimétique. Elles ne sont pas non plus seulement choses mentales. Elles se construisent au fond des cuves comme les anciennes potions dans les chaudrons de nos sorcières.Elles s’inventent. A la main. A travers les caresses de la main. Ses saccades. Ses heurts. Frottages. Raclages. Où c’est le grain du papier qui s’ouvre. Déplacements. Effets de bougé. Pertes des appuis. Comme sous vent claquent des voiles ou frémissent des feuillages.L’ image chez frédéric Lefeuvre défini cet entredeux entre l’oeil qui a saisi aux griffes de ses appareillages divers les choses de la terre et la main qui développe moins un négatif, comme on dit, qu’elle ne rend à la vie ce que le regard avait serré. De là ces éclats. Ces tournoiements de lumière poreuse. Ces réserves de formes possibles. Cette quête d’apparitions.Le travail de la main chez Frédéric Lefeuvre prolonge celui du regard. La main vient au secours de l’oeil. Toujours trop bandé. En risque de perte. La main ne fait pas confiance à l’oeil : « quelque chose était à voir que tu n’as pas vu et que je vais te montrer », semble-t-elle lui dire. La main va fouiller ce que le regard a capté. Capturé. Elle va l’apprivoiser. Et sommera à comparaître cela qui se cachait dans le visible. Cela qui tremblait entre terre et ciel. Se retenait entre eau et branche. Brûlait entre air et nuages.La main va chercher à faire apparaître en fouillant jusqu’aux signes de l’image quelques traces de cet inconnu. Ce non-connu d’à côté. Pas cet invisible de derrière. Elle va chercher à lui donner chance comme à ce lointain toujours soufflé sous les coups du dehors. C’est lui qu’elle va tâcher d’essouffler medium_Errance_rouge-09-02.5.gifau travers des sels et des acides. Dans la cuve. Jusqu’à le ramener sinon tel quel du moins tel qu’il se donne dans  son effacement. C’est cela qui reste.  La trace d’un retirement, d’un en-aller.La question reste bien toujours celle de savoir comment produire des images en photographie qui ne soient pas redondantes par rapport à la réalité. Qui donnent toujours sa chance au réel comme celles de Frédéric Lefeuvre.Répétons. D’abord, il y a eu ces paysages. Ces choses de la terre sous le ciel. Regardées longtemps. très longtemps.
Ensuite, il y a eu leurs traces dans les yeux. Sillons plus qu’empreintes. Moins caractères qu’entames.Et sur leurs devers a glissé la mémoire jusqu’à ce que ce soient comme deux trois pousses qui du fond des solutions ont remonté. Comme deux trois mots sur la page peuvent lever.En avant du poème.medium_Pont_du_diable_12.02.jpg
Quelque chose vient d’ailleurs. Quelque chose n’en finit pas de remonter du fond des images de Frédéric Lefeuvre. Quelque chose qui les éclaire de l’intérieur.Loin de tomber sur ses images, la lumière en émane. Comme si elle provenait de lampes habitant depuis longtemps leur fond obscur. C’est elle que Frédéric Lefeuvre fait lever depuis la cuve. Les images qui y bouent sont des corps de lumière blanche. Corps de lune. Ils rayonnent.
 
Autour, il y a le gris d’une brume légère qui souvent tournoie, tourbillonne. Comment savoir si elle met les choses au fond d’une transparence ou derrière un voile? Les images de Frédéric Lefeuvre sont une réserve de formes . Un  lieu possible de surgissement. Ce sont des aérolithes. Elles se suivent. Et voyagent. Entre perception, mémoire et imagination. Elles secouent les trois. Et quelque chose du ciel s’en trouve comme descellé. Et passe. En coup de vent.
medium_L_Atalante_06.2003.jpg
 
 
 
 
 
L’ombre se fait en nous tandis que dehors les mots éclairent encore tout un pan de ciel. Leurs souffles font bouger les feuilles des branches. Suspendues dans la tourmente d’un ciel en flammes.
Ce pourrait être la nuit. Un clair de lune exangue chercherait après son âme. Cette tournure, les doigts dans la cuve et le silence qui racle. Avant le couteau des sels. Et pour tout prix ce feu dont il rêve.
Cette vibrée d’un moment, combien a-t-il fallu de caresses acides pour qu’elle s’engouffre dans nos chemins et se rue jusqu’à nous?
 
© Alain Freixe

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30/10/2006

balise 10

"Il n'y a que l'homme comme silence qui puisse faire face."

Paul Celan 

22:42 Publié dans Balises | Lien permanent | Commentaires (0)

23/10/2006

Balise 9

"Ecrire de la poésie, n'était-ce pas une transaction secrète, une voix répondant à une autre voix?...Quoi de plus secret, songea-t-elle, de plus lent, de plus semblable au commerce des amoureux que la réponse bégayante qu'elle avait faite pendant toutes ces années à la vieille mélopée des bois, aux fermes et aux chevaux bruns qui, col contre col, sont arrêtés devant la grille, au forgeron, à la cuisine, aux champs qui, si laborieusement, portent l'orge, les raves, l'herbe, et au jardin enfin qui fait s'épanouir iris et fritillaires?"
Virginia Woolf 

17:23 Publié dans Balises | Lien permanent | Commentaires (0)