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05/12/2006

Balise 12

Depuis la Renaissance jusqu au romantisme, il y a eu un effort impressionnantet souvent sublime pour réduire l'art au génie, la poésie au subjectif et donner à entendre que ce que le poète exprime, c'est lui-même, son intimité la plus propre, la profondeur cachée de sa personne, son « Je » lointain, informulé, informulable. Le peintre se réalise par la peinture, comme le romancier incarne en des'personnages une vision où il se révèle. L'exigence de l'œuvre serait alors celle de cette intimité à exprimer : le poète a son chant à faire entendre, l'écrivain son message à délivrer. « J'ai quelque chose à dire », voilà finalement le plus bas degré des rapports de l'artiste avec l'exigence de l'œuvre, dont le plus haut paraît être la tourmente de l'impétuosité créatrice à laquelle on ne peut trouver de raison. Cette idée que, dans le poème, c'est Mallarmé qui s'exprime, que dans Les Tournesols Van Gogh se manifeste (mais non pas le Van Gogh de la biographie) semble pouvoir nous expliquer ce qu'à d'absolu l'exigence de l'œuvre et cependant le caractère privé, irréductible à toute obligation générale, d'une telle exigence. Cela se passe entre l'artiste et lui-même, personne du dehors ne peut intervenir, c'est secret, c'est comme la passion que nulle autorité extérieure ne peut juger ni comprendre. Mais en est-il ainsi ? Pouvons-nous nous contenter de croire que la passion taciturne, obstinée et rabâcheuse qui commande à Cézanne de mourir le pinceau à la main et de ne pas perdre une journée à enterrer sa mère, n'ait d'autre source que le besoin de s'exprimer ? Plutôt qu'à lui-même, c'est au tableau que le secret qu'il recherche se rapporte, et ce tableau, de toute évidence, n'aurait pour Cézanne aucun intérêt s'il lui parlait seulement de Cézanne, et non pas de la peinture, de l'essence de la peinture dont l’approche lui est inaccessible. Appelons donc cette exigence peinture, appelons-la œuvre ou art, mais l'appeler ainsi ne nous révèle pas d'où elle tire son autorité, ni pourquoi cette autorité ne demande rien à celui qui la supporte, l'attire tout entier et l'abandonne tout entier, exige de lui plus qu'il ne peut être exigé, par aucune morale, d'aucun homme, et en même temps ne l'oblige en rien, ne lui fait grief ni avantage de rien, ne se rapporte pas à lui tout en l'appelant à soutenir ce rapport – et ainsi le tourmente et l'agite d'une joie sans mesure.

Maurice Blanchot, La question Littéraire, in Le livre à venir

15:20 Publié dans Balises | Lien permanent | Commentaires (1)

Commentaires

c'est assez juste, un petit souvenir de juin pour l'illustrer; mais les dieux sensoriels ne veulent y voir que ce qu'ils croient être le "talent" d'une forme poussièreuse qu'ils disent être comme eux et ils jettent des pierres sur celui qui prétend le contraire, fut-il l'auteur présumé par eux de l'oeuvre qu'ils admirent.

PRATIQUE CARNIVORE


La poésie est une Parole venue d'ailleurs, d'une source unique dont la mélodie insonore brûle insouciante dans un feu sans flamme. Son flux lumineux embrase les atmosphères ombrageuses, donnant de la saveur à la poussière et parfumant les mots frigides qui la composent.

Le poète est le mort aux yeux pourpres, il n'est que l'outil du destin, il sait son talent nul et ne sert que le verbe de velours bleu aux griffes d'acier rouge. L'acide a rongé ses névroses, une pluie de comètes a écrasé son orgueil, il n'est plus qu'un fleuve de lave qui rugit en silence un son ultime pour oreilles averties. La lame plantée dans ses yeux est le faisceau laser qui jaillit de l'outre-rien, aucune arme ne sait résister à ses tranchants de braise glaciale, aucune armure ne protège de son rayonnement harmonieux.

Le cœur du pulsar sait reconnaître ces mots et en tirer les conséquences. De ma main à ton cœur, s'élèvent les sanglots de la joie et la volupté assassine, un seul regard inonde les galaxies de la douceur et parsème les mondes de la splendeur des fleurs de crotale, orchidées langoureuses qui revitalisent l'espace absent. Dans la vacance d'un libre-arbitre illusoire se repeuplent les planètes de la folie.

Écrit par : gmc | 05/12/2006

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