03/11/2006
Hans Freibach - Du verrou à la clé
Philippe Jaccottet
J'aime qu'ici, à La Sape dont le numéro 18 traçait les perspectives au cœur même d'un libre entretien entre les membres qui firent son histoire, on ait toujours su reconnaître que c'est cette présence autre que la poésie a toujours tenté de signifier, celle pour laquelle le poème cherche à être un abri. Abri précaire, il est vrai, jamais définitif, abri ouvert à ce qui le dépasse.
Poser la question du lieu, c'est aussi prendre la mesure de nos jours, de ces jours où l'homme des sociétés industrielles, encombré de savoirs et de machines, obsédé par des soucis de rentabilité et d'efficacité technique n'a plus qu'un rapport lointain et médiatisé avec la terre.
Poser la question du lieu, c'est aussi bien inviter la poésie à rouvrir les chemins de la terre, puisque son propos ne saurait être ni de s'armer pour la croisade, ni de s'ériger en donneuse de leçons; peut-être même sa raison d'être est-elle plus simple, plus humble, mais aussi plus essentielle, irréductible; peut-être, oui, est-elle de témoigner pour un lieu encore possible, pour une authentique habitation. Or n'est-il pas vrai qu'il n'y a de vraie demeure qu'ouverte à la communauté des hommes, là où un devenir commun est offert; qu'il n'y a de lieu que de partage et d'amour ?
Poser la question du lieu, c'est se demander si le poème peut être cette clef, en quoi Char voyait sa "demeure", et si ce n'est pas dans le poème que se réalise aujourd'hui la vocation par excellence du lieu : nous ouvrir à la présence du monde et des autres dans ce monde ?
17:15 Publié dans Mes ami(e)s, mes invité(e)s | Lien permanent | Commentaires (0)
01/11/2006
L'oeil dans la main - à propos du travail de Frédéric Lefeuvre



Ensuite, il y a eu leurs traces dans les yeux. Sillons plus qu’empreintes. Moins caractères qu’entames.Et sur leurs devers a glissé la mémoire jusqu’à ce que ce soient comme deux trois pousses qui du fond des solutions ont remonté. Comme deux trois mots sur la page peuvent lever.En avant du poème.

Quelque chose vient d’ailleurs. Quelque chose n’en finit pas de remonter du fond des images de Frédéric Lefeuvre. Quelque chose qui les éclaire de l’intérieur.Loin de tomber sur ses images, la lumière en émane. Comme si elle provenait de lampes habitant depuis longtemps leur fond obscur. C’est elle que Frédéric Lefeuvre fait lever depuis la cuve. Les images qui y bouent sont des corps de lumière blanche. Corps de lune. Ils rayonnent.
Autour, il y a le gris d’une brume légère qui souvent tournoie, tourbillonne. Comment savoir si elle met les choses au fond d’une transparence ou derrière un voile? Les images de Frédéric Lefeuvre sont une réserve de formes . Un lieu possible de surgissement. Ce sont des aérolithes. Elles se suivent. Et voyagent. Entre perception, mémoire et imagination. Elles secouent les trois. Et quelque chose du ciel s’en trouve comme descellé. Et passe. En coup de vent.

Ce pourrait être la nuit. Un clair de lune exangue chercherait après son âme. Cette tournure, les doigts dans la cuve et le silence qui racle. Avant le couteau des sels. Et pour tout prix ce feu dont il rêve.
Cette vibrée d’un moment, combien a-t-il fallu de caresses acides pour qu’elle s’engouffre dans nos chemins et se rue jusqu’à nous?
18:00 Publié dans Inédits | Lien permanent | Commentaires (0)
30/10/2006
balise 10
"Il n'y a que l'homme comme silence qui puisse faire face."
Paul Celan
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23/10/2006
Balise 9
17:23 Publié dans Balises | Lien permanent | Commentaires (0)
21/10/2006
Balise 8
Ces mots de Montaigne à propos de la poésie:
"Quiconque en discerne la beauté, d'une vue ferme et rassise, il ne la voit pas, non plus que la splendeur de l'éclair, elle ne pratique point notre jugement, elle le ravit et le ravage."
20:25 Publié dans Balises | Lien permanent | Commentaires (0)
19/10/2006
Turbulence 5-
22:15 Publié dans Dans les turbulences | Lien permanent | Commentaires (0)
16/10/2006
Michel Balat - Le myosotis et puis la rose…
( Texte d'une intervention de Michel Balat à un Colloque sur la sexualité en 1996 )
J’avais prévu de parler de cette belle chanson, « Comme un p’tit coquelicot », qui date de 1951 ; Mouloudji l’a immortalisée, mais bon nombre de chanteurs l’avaient, dès cette époque, reprise. Les paroles en sont de Raymond Asso. C’était un des amours d’Edith Piaf ; il est, je crois, mort assassiné. L’histoire contée dans la chanson se termine d’ailleurs assez mal, le p’tit coquelicot, à la fin, est un « trou rouge au côté droit » :
Y’avait trois goutt’s de sang
Qui faisaient comm’un’fleur
Comm’un p’tit coqu’licot, Mon âme !
Un tout p’tit coqu’licot.
C’est une façon d’introduire un petit peu mon… laïus ! J’imagine que c’est un jeu de mots ? L’AIHUS, Laïus : le père de celui qui l’a tué… bon ! Vous savez peut-être d’où vient l’expression : faire un laïus ? Je crois avoir su qu’elle datait du premier examen de Polytechnique, lors de la création de l’école. Les examinateurs ayant remarqué que Laïus, étant donné sa position dans les tragédies d’Oedipe n’avait guère la possibilité de faire valoir son point de vue, ont posé comme question aux étudiants : « Laïus parle, rapportez son discours ». Se non è vero… N’en sommes-nous pas toujours là, puisque, parlant, nous inventons la parole — pas le langage ! —, nous émergeons d’un vieux silence, comme le ferait Laïus. C’est le présent : Jacques Lacan ne faisait-il pas remarquer que « le présent, c’est quand je parle ».
Le myosotis et puis la rose,
ce sont des fleurs qui dis’nt quéqu’ chose !
Mais pour aimer les coqu’licots
et n’aimer qu’ça… faut être idiot !
Mais pourquoi cette chanson a-t-elle eu ce rayonnement ? Elle doit dire quelque chose de très important, comme tous ces poèmes, toutes ces chansons qui restent dans la conscience universelle.
17:45 Publié dans Mes ami(e)s, mes invité(e)s | Lien permanent | Commentaires (0)
Balise 7
"La réalité aujourd'hui nous ne la reconnaissons plus. Elle nous apparaît sous une forme nouvelle...(réductible à aucune autre...résiste de toute l'opacité de sa nouveauté ). Tout dans l'univers, en dehors de cette qualité, a un nom. Elle seule en est dépourvue; seule, elle est neuve. Nous nous efforçons de lui donner un nom.Ainsi commence la poésie."
Boris Pasternak
17:20 Publié dans Balises | Lien permanent | Commentaires (0)
15/10/2006
Lu 8 - La parole-lichen d'Antoine Emaz
( Antoine Emaz a publié en 2004 aux éditions Tarabuste avec des dessins de Djamel Meskache, Os.)
Là où le sol manque – ou un peuple, si l’on a lu Gilles Deleuze – la parole pour peu qu’elle sache se faire lichen n’est pas tout à fait démunie. Cette « parole lichen » est celle qui dans le poème d’Antoine Emaz tient toute sa poésie. En constitue la veille . Discrète et obstinée. Endurante. Quoiqu’il arrive. Elle se développe dans ce livre en 34 poèmes-lichens tous datés et disséminés sur de 5 mots-rocs : os, calme, ombre, peur et vieux.
Et qu’est-ce donc qu’une « parole lichen » ?
22:55 Publié dans Du côté de mes interventions | Lien permanent | Commentaires (0)
Michel Séonnet - Une petite plage de l'autre côté de la mer
( Michel Séonnet vient de publier Un petit livre d'Heures à l'usage de ma soeur aux éditions de l'Amourier . Il confie aujourd'hui à notre lecture cet inédit écrit en mars 2006.)
22:55 Publié dans Mes ami(e)s, mes invité(e)s | Lien permanent | Commentaires (0)
12/10/2006
Balise 6
"Lire exige un don qui n'est pas donné à l'avance, qu'il faut chaque fois recevoir, acquérir et perdre, dans l'oubli de soi-même."
Maurice blanchot
22:00 Publié dans Balises | Lien permanent | Commentaires (0)
02/10/2006
Madames de l'été 2006
Canicule 1-
Madame, ce soupçon. Ce rien sur fond d’absence qui nous laisse soupçonner la présence de quelque chose déjà en train de passer. Ni ombre, ni clarté.
Rien de présence, présence de rien.
Canicule 2-
Madame donne à la nuit sa goutte de lumière. Inassimilable. Elle traîne sur le plissé de l’air. La sécher jusqu’à ce que plus rien n’en reste sera le travail du jour.
Canicule 3-
Madame, toute de terre. Et retournée sous les souffles. C’est de l’attente qui passe. À côté, le soc en feu de la charrue prend le dessus sur le soleil. Rien ne bouge. La chaleur est un mur dressé contre le ciel blanc. Sans air.
15:13 Publié dans Du côté de Madame*** | Lien permanent | Commentaires (0)