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15/11/2006

Marcel Migozzi - Vers les fermes, ça fume encore (Extraits)

À Jean-Loup Trassard

1


J'aurais d'une passion très lente aimé garder les vaches ( en chemins creux
et près en douce qui s'en vont courber la terre verte ) aimé
pour ne pas oublier l'odeur surtout des grosses à lait cru
déchets sacrés et encollés poils
de déesses.

Et le purin comme un étang
avec son job des profondeurs :
amant délivré des matières.

2


Un soir d'hiver ça fume à l'ombre
d'une brouette paillée.
Etable d'or et de fumier pour les oiseaux.
Et l'écriture mieux respire
à des poèmes qui survivent à l'enfance.

3


Dans les feuillées, un ange
passe et s'accroupit,
comme autrefois à la vidange dans les herbes,
( puits perdu, fosse ) on s'abandonne.

Viennent les délivrances, odeurs
des restes à soupirs.



 4

Livre d'un cours moyen jauni, les pages y sentent

les entrailles, l'enfant au lit
touche la peau endormie d'un étang
ou c'est tout comme, l'inconscient
qui le prépare corps à corps avec des ombres.

Ombres où boivent comment dire
la nuit, sa mare
et son indifférence.

Mais la cuisine s'allumait
à chauds boulets, moussu le lait, le noir
touffu du chat, le lit
avec l'oreiller en sauveur
quand il accueille la salive de l'enfant

et que les ombres ne sont plus des étrangères.


5


L'étang ressemble à une page de roman, du bistre Sand
un soir d'école, vous y êtes ?
L'armoire bibio s'ouvrait
sur des riens purs inoubliables en papier
qu'on respirait avant de lire, y êtes ?
Avec l’ image d'une étable aux souffles emmêlés brunâtres, et comme
il va pleuvoir
sur le visage de la Dame, adieu
l'étang.

La guerre alors passait dans beaucoup d'herbes autour des mares.
L'enfant y dénichait des cours de fermes,
de vieux outils dans le cœur sale des talus
avec des ombres innocentes.


6


L'enfant connaît les bons talus, on tourne quand
reflets empoissonnent l'étang.

Et la beauté sur l'eau moussue
rappelle au temps
l'eau brune bronze des vieux contes.

Quand la lumière aura du sang
sur ses rayons ou de la pluie, tournons
la page enjambons la

barrière oubliée dans son bois
de pauvresse, rappelez-vous,
le paradis avait cette clôture
avec son petit monde autour
( l'étang premier, le ciel dedans ) faisons un vœu.


7


Voici que maintenant on entre en châtaigniers
sur feuilles sèches, sève ailleurs, mais où est-elle ?
Sur les fougères le vent nu, on le dirait
en train d'écrire notre histoire,
un poème dans le cœur.

À la sortie le vent calmit,
L’étang se moisit de passé ,

ou si l'on s'est trompé de vie ?


8


Aimerez-vous dormir aimer
sous des pommiers pressés le soir
d'être comme des animaux de lait ?
Aimer, dans l'herbe ou dans la paille,
sous une couverture épaisse ancienne
odeur de terre de l'automne, une autre chair
qui va du cours élémentaire
au silence qui tasse terre ?

Et n'ouvrir à personne, fin.

9


Pommiers abandonnés aux herbes,
oubliés au pied des orties,
au bas de la genèse
entre verger et bergerie,
les odeurs tournant à l'amour de nos entrailles
en cadeau.


10


C'est une étable dans l'espace.
Des vaches en rêvant piétinent
leur chemin de matières.

Un tronc s'est couché
que l'eau taille
pour leur soif.

Avoir un corps mal taillé, soit.
Mais pour devenir abreuvoir
en limite d'un pré poème,
le silence désaltéré.

 

 

 

 

Marcel Migozzi est né en 1936, à Toulon, rue de la Fraternité, dans une famille ouvrière
d'origine corse.
Il vit dans le Var, au Cannet des Maures.
Il a publié à ce jour de nombreux ouvrages de poésie chez différents éditeurs en France et à
l'étranger, collaboré à diverses revues, maints ouvrages collectifs.

Parmi les plus récents ouvrages parus : Un rien de terre (L'Amourier), Retour d'âge
(Tarabuste), Un monde dévoré d'ailleurs (Encres Vives), Dans le jardin sans porte ( Telo
Martius), Ensemble d'être (L’arbre à paroles), Urgence sans lumière ( Wigwam ), Au rouge-
gorge suivi de Mottes (Estuaires), Des traces  dispersées (L’harmattan), Quels âges as-tu ? (Encres vives)

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