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06/11/2007

Turbulence 19- C'est encore l'été!

En écho à la Turbulence 14 - C'était l'été (1), ce troisième chemin de Rainer-Maria Rilke: "Moi, "chasseur d'images", je monte dans mes montagnes, sauvage, taciturne, je me perds." (à Merline, fin 1920)

05/11/2007

Turbulence 18 - La collection Mano a Mano des Cahiers du Museur

De quoi s’agit-il ?

Il s’agit d’une bande de velin d’Arches de 270 g, de format 56x18, pliée en deux, chaque partie étant elle-même pliée en deux. Le tout replié donnant un livre de format 14 x18. Une fois ouvert, à l’intérieur 4 pages : 2 pour l ‘écrivain, 2 pour l’artiste, intercalées ou non, dans ce cas là, les pages 2 et 3 sont pour l’artiste lequel peut, s’il le désire, peindre les quatre pages.

L’idée n’est pas celle de mettre simplement en vis-à-vis texte et image. L’idée n’est même pas celle du dia-logue toujours escamoté du côté de l’harmonie un peu forcée parfois. L’idée est celle du conflit, du combat – Ce polemos dans lequel certains présocratiques voyaient l’essence même du réel – du face à face entre ces deux versants de la représentation.
Mano a Mano, ces mots espagnols ou italiens (encore qu’ils aient des aires de signification bien différentes !) pour retrouver la main. Main, point commun entre deux pratiques : celle qui manuscrit et celle qui peint, grave ou dessine, ou…
Comment ces deux mains vont-elles aller l’une vers l’autre dans ce modeste espace ? Comment vont-elles se rencontrer ? Se manquer ? S’effleurer ? S’épauler ? Se garder jusque dans la contradiction ?
Que ce soit là aussi une manière de s’inscrire dans ce « siècle à mains » dont parlait Rimbaud !

Chaque Mano a Mano comprend le versant « langagier » - et ce sera l’artiste qui aura à répondre – et le versant « plastique » - et ce sera à l’écrivain à répliquer. Les deux sont réunis sous couverture, constituée d’un papier d’Arches de 400 g typographié au plomb mobile par Gilbert Fenouille, artisan à Nice, couvert d’un papier cristal. Le nom des intervenants, le titre et le colophon seront manuscrits par le poète pour les deux feuillets.
11 ou 13 exemplaires verront à chaque fois le jour. Leur prix varie entre 350 et 450 euros.

 

Paru(s) :

- Mano a Mano 1 : Alain Freixe et Daniel Mohen, 2005.
- Mano a Mano 2 : Serge Bonnery et Anne Slacik, 2005
- Mano a Mano 3 : Gaston Puel et Bruno Foglia, 2005
- Mano a Mano 4 : François Laur et Marianne Frossard, 2005
- Mano a Mano 5 : Bernard Noël et Jean-Jacques Laurent
- Mano a Mano 6 : Jean-Claude Villain et Serge Plagnol
 

Turbulence 17 - La Belugo, au bord de braises qui ne finissent pas cendres

d8671782150270f9a9bac4cff628bbb9.jpgLes samedi 27 et dimanche 28 octobre 2007, nous étions Bernadette Griot, Jean Princivalle, Jeanna Bastide,353cd36eeee3024c78df2c6e2cd770a7.jpg Raphaël Monticelli, Serge Bonnery et moi-même, auteurs des éditions de l'Amourier invités par l'association La Belugo à Montagnac dansz l'Hérault à pousser la porte de l'écurie pour; près d'un feu de vieux ceps, croiser nos écrits, rencontrer un public attentif et généreux. Deux jours durant fusa l'étincelle - cette "belugo" occitanne - de la poésie. Celle de l'amitié l'accompagnait. C'est elle qui mit le feu à des extraits du livre de Raphaël Monticelli, Effraction, publié cdans la collection Ex-caetera des éditions de l'Amourier lors d'une lecture-théâtralisée que la compagnie de la Belugo anima avec passion et talent.

 

 

23b62683403b101d06f1eaad40ff050e.jpg58f5d862f2e76fd756808e00e34bf1e3.jpgf639138ace7fe287b6f69b8452311bd8.jpg

 On peut soutenir la Belugo en adhérant pour 20 euros à l'association qui organise aussi des ateliers d'écriture, des stages, des week-ends autour des types d'écriture et d'autres expressions comme peinture, calligraphie...

Adresse: La Belugo, 95 avenue Azema, 34530 Montagnac- 0467240233 - belugo@club-internet.fr 

Lu 20 - Bernard Noël-sonnets de la mort

Le poème ne sera jamais un discours parmi d’autres. Altérité irréductible, il nous force à voir. À entendre aussi bien. Comme5ebb3e19221c9d0e993e406b27e08cce.jpg Bernard Noël a dû crier. Comme quelque chose en lui a dû crier pour écrire ces sonnets de la mort ! C’est à partir de ce cri immensément silencieux qu’il a risqué le geste du poème. Là une force l’a fendu en deux et par le milieu l’a poussé à ouvrir l’espace où vont se montrer ces mots dont la torture est l’objet.

Bernard Noël nous avait déjà prévenu : « la mort ne vient pas du dehors ». Aussi ces sonnets – Ah ! les belles formes fixes d’hier ! La mort n’est pas occasion et objet d’expression. C’est elle qui finit par parler, ici. Une main de vivant a libéré la mort. Celle, obscène, qui travaille le corps, « ouvrant au couteau des bouches nouvelles et des râles rouges » pour qu’elles « (vomissent) des noms », qui écrase les têtes pour « (voir) suinter le secret / un peu de bave et de sang / la morve de la pensée », à quoi se réduit l’homme, « tas viandeux » avec qui il faut en finir quand on tient le manche. Ils, les bourreaux, ceux dont « la batte écrabouille le visage », ceux qui « font cuire la tête », ceux-là pour qui la torture fait partie de ces « actes /  raisonnables contre le terrorisme », ceux-là du pays du Bien prennent ici la parole. Et leurs mots nous forcent à entrer en honte. Honte qu’il y ait des hommes pour devenir des bourreaux et se comporter comme seuls des hommes sont capables de le faire, choisissant d’être du côté d’une loi criminelle qui ne saurait être loi des hommes , eux-là sont de chez nous. Des pays des droits de l’homme. Cela redouble notre honte. Leurs mots nous souillent. Insoutenables.
Oui, il y a de l’insoutenable. Et il y a à résister à partir de cet insoutenable. À partir du pire – Titre même de la collection des éditions fissile dans laquelle paraissent ces sonnets de la mort,  dans la collection "pire" (9 euros) Onze poèmes repris du N°2 de la revue Moriturus, Le sens du sang, revue créée en 2001 par Cédric Demangeot, Brice Petit, Lambert Barthélémy et Guy Viarre qui choisit en cours de route de se rayer de ce côté-ci du monde.
Ce n’est pas dans ces poèmes que l’on trouvera des « oh ! quelle horreur ! et des « oh ! comme c’est abominable ! ». On aura affaire ici à bien pire que des sentiments, on aura à affronter les mots mêmes du bourreau. Tels quels. Simples collages parfois de propos lus ici ou là mais qui au montage, dans les vers, leurs séquences, produisent de ces déflagrations qui allument soudain le jaune sale des ampoules des culs de basse fosse où « ça finit dans un baquet de pisse / jusqu’à plus soif ».
À cette objectivation du réel que produisent les poèmes de Bernard Noël, on se rend. Et c’est au point de jonction de la conscience et de ses vers que ce produit l’éclair. Le poète ici s’est effacé. Bernard Noël est de ces rares, de ces quelques-uns dont parle Jacques Dupin qui s’effacent pour écrire. Et c’est moins l’émotion dont on aura toujours raison de se méfier que l’émoi – ce que Bernard Noël appelle ailleurs « une émotion dépourvue de sentiments » - qui est le cœur de feu de ses mots, soit cet effondrement que la forme du poème en quelque sorte redresse. Et tient.
À soulever le cœur, la raison en sort comme épurée. Car on fond c’est comprendre qu’il nous faut. Comprendre comment la mort travaille notre monde.
Les bourreaux auront beau faire. Ils susciteront toujours ceux qui à l’aube seront leurs ennemis. Bernard Noël est de ceux-là. Irréductiblement, debout.

Lu 19 - A propos de l'art du bref

 (Deux livres, d'ici et d'ailleurs: Anthologie de l’épigramme de l’antiquité à la renaissance Edition de pierre Laurens NRF Poésie/Gallimard, cat 5 et  Anthologie Haïkus Texte français de Roger Munier Préface de Yves Bonnefoy PoésiePoints, 6,50 euros )

 

939aa21bccfbca49c8bb9b02adfeb19c.jpgMoins de mots, plus d’intensité. L’art du bref est difficile. Pourtant , « la génialité fragmentaire » -l’expression este6bb4f7715fb55a1082d528facd44c69.jpg de Schlegel –est à la mode : l’aphorisme de Char comme les poèmes de Guillevic si concis, clairs et nus, et dont on fête aussi cette année le centenaire de la naissance. Comment oublier le haïku et comment ne pas faire signe vers l’épigramme ?
On se souvient que retour du Japon Roland Barthes dans L’empire des signes, publié en son temps dans la belle édition des Sentiers de la création chez Skira, opposait ces deux genres brefs comme caractéristiques de l’Orient et de l’Occident.
D’un côté, un art du moins dire pour mobiliser l’attention et susciter un élan de la pensée vers « la chose comme elle est dans l’instant de sa révélation soudaine et là », selon Roger Munier. Quelques mots qui cherchent à aller plus loin que les mots. Des mots tels qu’ils se fassent oublier comme chez Bashô ou Shiki, Buson ou Issa. Des mots poreux – véritables puits artésiens – par où remonterait le « ah ! » des choses quand, étonnés, elles surgissent comme elles sont, moins peut-être dans leur être que dans les rapports qu’elles peuvent entretenir entre elles, quand ceux-ci sont justes, quand ils reposent dans une mesure qui les illumine. Des mots court-circuit, tels qu’ils viennent déconnecter notre esprit de ses types où il est comme à demeure := sourd, chaud et aveugle.
De l’autre, le fruit d’une rhétorique étincelante couvrant les domaines amoureux, narratif, descriptif, moral, comique, politique…peau élégante et chair subtile ! Lorsqu’il passera de la Grèce à Rome, il recevra de Catulle, l’ébranlement de la violence, et de Martial, ce rétrécissement en pointe qui voit briller sa lame dans la satire. À la brièveté s’ajoute comme trait distinctif du genre, « la pointe latine », la pique. Cette « agudeza » qui continuera à « battre son plein, selon Pierre Laurens » au grand siècle et au siècle des lumières ».
Poèmes courts d’ici et d’ailleurs. Poèmes du séjour terrestre de l’homme.

Lu 18 - Antoine Emaz - Caisse claire

d9d2daee800a8988281a68b25f859812.jpgCaisse claire. Sous ce titre se trouvent réunis par François-Marie Deyrolle et Antoine Emaz lui-même les poèmes qu’il a publié entre 1990 et 1997, soit de En deça, Fourbis 1990 à Boue, Deyrolle éditeur 1997. Une postface du poète Jean-Patrice Courtois accompagne les treize livres repris ici dans cette collection Poésie points du seuil (7,5 euros), qui ne cesse de s'enrichir, assurant le lecteur de la « cohérence indéniable », de l’« unité de ton et d’horizon » de ce livre au titre de tambour qui longtemps après la frappe vibre lent dans unh cliquetis d’os ou un crissement de grains de sable.

Qui ne connaît pas la poésie d’Antoine Emaz trouvera là résonance de son timbre si particulier dans ce qui s’écrit aujourd’hui. Peu de mots mais une frappe obstinée, un rythme pour que ça tienne. Effet d’une sourde énergie. De cette fatigue qu’il impose au langage comme on brise les mottes d’un champ pour aérer la terre. C’est une poésie amincie à l’extrême. Comme aiguisée au feu d’une persévérance qui entend « continuer à refuser d’être vaincue ». Qui parie pour une requalification du monde et des hommes qui y vivent. Qui opère en rase-mottes et dont la lumière tremblée, intermittente toujours, lutte avec la porte fermée des jours. Pour passer. Dessous. Au ras.
C’est ce reste là – cet os – qui s’entend dans l :a poésie d’Antoine Emaz. C’est un reste de lumière. Si vous vous penchez, vous entendrez son murmure. Elle « dit  demain / comme un sourire / ou bien demain encore / parce qu’il faut ».
Tournure est posture. Celle d’Antoine Emaz est de dignité verticale : « on tient encore / debout », écrit-il. Malgré tout ce qui interdit. Malgré les murs. La pluie. La boue . Malgré tout ce qui poisse. Et colle. Malgré l’hiver et tous ses froids.

Lu 17 - Charles Reznikoff - Holocauste



e32d5a72dbee8a6cff9a9aab3f601e7c.jpgC’est un bien terrible livre que cet Holocauste de Charles Reznikoff. Paru aux Etats-Unis en 1975, c’est Dominique Bedou qui l’avait publié en France en 1989. On ne le trouvait plus. Il faut remercier vivement Lionel Destremeau et ses Editions Prétexte Poésie pour avoir pris l’initiative de cette parution (12 euros), revue et corrigée par Auxeméry, augmentée d’un entretien paru  en 1977 dans la revue Europe.
Holocauste, ce titre ancre le livre dans le monde américain qui persiste à nommer ainsi ce qui loin d’être un sacrifice – sens que ce mot revêt dans l’Ancien Testament – fut l’extermination des juifs d’Europe par les nazis, à laquelle il faut ajouter l’élimination, dans d’autres proportions, de tziganes, communistes, homosexuels, résistants…tous « déficients physiques et psychologiques ». Pour autant ce mot ne trompera pas l’histoire tant les XII scansions de ce « récitatif de l’horreur » voient la chose telle quelle et rien d’autre. Ni interprétation, ni métaphore, juste des découpages – Charles Reznikoff ainsi a travaillé à partir d’archives du Procès des criminels devant le tribunal militaire de Nuremberg et des enregistrements du procès Eichmann à Jérusalem – une mise en vers et un montage pour faire voir. C’est aux intersections que prend la lumière. Elle est crue. Et sans appel. Insoutenable est ce qu’elle donne à entendre. Cela qu’on croyait déjà avoir lu. Ou vu. Cela qui revient à la faveur de cet effacement dont Charles Reznikoff sait se rendre capable, effet de cette pratique poétique spécifique des poètes objectivistes américains : l’horreur sans nom propre, l’horreur qui voit l’homme résister à sa destruction infinie, cet « indestructible qui peut être infiniment détruit » selon les mots de Maurice Blanchot, l’horreur qui n’est pas de l’ordre de l’idée, encore moins du sentiment, mais qui est dans les choses, selon les mots de William Carlos Williams : « no ideas but in things » !
Ainsi, c’est moins d’émotion – ce jeu bouleversant des images qui cherchent à représenter l’inhumain – que d’émoi dont il s’agit ici, soit cette « émotion dépourvue de sentiments » dont parle Bernard Noël. C’est que les sentiments – on le sait depuis Rilke – on les a toujours assez tôt et ils sont le lieu toujours possible d’obscures manipulations. L’émoi, c’est cet effroi que produit la lecture continue de ce texte de Charles Reznikoff, troué de part en part par un inimaginable qui le sauve de tout pathos. Ici, la parole du poème fait acte de présence. Son récitatif ouvre dans notre présent la barbarie même et son cortège d’horreurs. L’effet de vérité est saisissant. Là comme sans auteur, les mots ne sont plus les mots, « c’est une terrible chute dans le silence » aurait pu dire Paul Celan.

11/10/2007

Vient de paraître : Alain Freixe - Dans les ramas

1c4415c33e4d90bf1ebc93b9f50901c9.jpgAux éditions de l'Amourier, route du col Saint Roch, 06390 Coaraze vient de paraître dans la collection Grammages (19 euros) mon troisième livre après Comme des pas qui s'éloignent (1999) et Avant la nuit (2003). Je l'ai intitulé Dans les ramas.

J'ai demandé à mon amie Anne Slacik de m'accompagner au moyen d'un frontispice. Plus tard dans un1914af1924050320686b7f0295e7dd94.jpg tirage de tête.

 

 

 

 

J'ai risqué le mot « ramas » pour aller contre le sens péjoratif qui s’attache aujourd’hui à l’idée de « ramassis », amas informe, tas et pour valoriser au contraire l’idée d’ajustement qui préside à cet art de confectionner ces fagots de bois tombé à partir des brisées abandonnées au sol soit par les vents et les orages, soit par les bêtes de la nuit en leurs passées et qu’on laisse en forêt au pied de quelques arbres.

 

Ce sont ces ramas qui permettent de démarrer tous les feux. Ceux tournant des livres aussi.
Histoire de faire signe vers ce bois partageable qui attend en nos forêts et sur lequel aucun pouvoir n’a de prise. Ici donc cinq ramas, passeurs de feu, de silence, de sens. Qu’un vent tisonnier avive.

 *

Extrait de la note de Jean-Marie Barnaud mise en ligne sur le site remue.net:

On ne progresse pas, en écriture: on endure une expérience qui, peu à peu, apprend qui l'on est. Appelons ce creusement une fidélité, et acceptons qu'il donne quelque chose d'autre encore à endurer, s'il est vrai que le poème ne prétend à aucune solution mais enseigne simplement l'évidence d'une sorte de cogito de l'énigme. Le poème ouvre la parole à toujours plus d'incomplétude, en effet, à plus d'incertitude, dès lors qu'il se refuse aux plaisirs esthètes et qu'il accueille et fait entendre l'inquiétude d'une voix qui habite et interroge ses apories.
Je me suis redit cela, lisant ce dernier livre d'Alain Freixe, et y retrouvant une telle inquiétude dans le frémissement si particulier que procure chez lui la rencontre du halètement des phrases, de leurs coupes brutales, de leurs intermittences, avec la surprise d'images violentes ou complexes, et que soutiennent plus particulièrement tout au long de ce texte-ci le jeu insistant de couleurs opposées (...) 

*

On lira une présentation et quelques larges extraits de Dans les ramas sur le site de l'écrivain Claude Ber: http:/www.wmaker.net/claudeber2/

Turbulence 16 - Contôle génétique, contrôle inique

À contrôler, à manipuler les corps, à les réduire toujours plus à leur pure et simple dimension biologique, à prétendre retrouver le gène pour accéder à la bobine du fil de la filiation - Clotho doit en perdre la face! - c'est perdre 'l'homme comptant pour homme" , dont parlait Henri Michaux dans Epreuves, exorcismes.
Nous le savons, tout ce qui ne concerne apparemment que le voisin de pallier et qui ne semble pas nous concerner aujourd'hui, nous concernera demain. Les citoyens sont l'horizon des dispositifs que l'on veut appliquer aujourd'hui aux étrangers.
Le Conseil Consultatif National d'Ethique a raison: "la filiation passe par une parole, un récit". L'humain, cette chance qu'est tout homme, passe par le poème, ultime rendez-vous des hommes libres. Oui, en mars, durant ce Printemps des poètes 2008, nous ferons "l'éloge de l'autre" et de cet autre en nous, sujet à inventer! 

10/10/2007

Lu 16 - X fois la nuit de Patricia Castex Menier

847c53cedcfe6f6221ead8f3947678bf.jpgLa nuit est sur les noms. C’est le silence d’un trou autour duquel rôdent les noms du jour. Patricia Castex Menier la nommera tour à tour : « l’intime (…) la compacte (…) la perspicace (…) la visiteuse (…) la fraternelle (…) la / bienveillante / la bannie (…) la reculée / la séculaire (…) » X fois, comme en son titre, elle est celle qui échappe à la nomination. Et telle est sa nature rêvée : « on / dit qu’elle date / d’avant le monde / précéderait les dieux ». Hors temps, hors pouvoir, elle est l’avant de toutes choses, le chaos. Même Zeus la craignait !

Et nous, les diurnes, nous n’aurions point peur de « la visiteuse », « avec ses airs / de grande voilée / ou / les traits familiers / d’un visage, / rongé / depuis si longtemps ». Certes, mais c’est lorsqu’elle se ferme. Bouche scellée. Mur noir. Barrage muet. « Et l’avenir indéchiffrable », écrit Patricia Castex Menier. Alors oui, nous pouvons avoir peur.
Mais c’est mal la connaître. C’est se tromper sur sa véritable nature. Car elle est « la fraternelle » et « l’aurore / est son péché d’orgueil ». Elle sait s’ouvrir au rêve. Et préparer le jour.
Patricia Castex Menier a écrit ce texte comme la nuit tombe. Insensiblement. De coupure en coupure. Ici, matérialisées au blanc. Invisibles, dans le monde. Comme la nuit, l’écriture de Patricia Castex Menier stolonne. S’attarde. Se prolonge. S’enrichit. Vit, lançant ses nouvelles nappes d’ombres. X fois la nuit (Cheyne Editeur, 2006, 13, 50 euros), oui, car la nuit ne connaît pas de point final. Et si le jour l’élague, la relègue. Elle rôde encore en tombées, effarouchées, dans le corps de la lumière.
Si la nuit est la toujours en allet, la première et la dernière ; si elle est celle qui se retire et nous laisse signer nos drames, elle est aussi celle qui revient, « gardienne / des ruines, sentinelle du présent », celle qui « entretient le feu ».
Le livre est son semblable, écrit avec justesse Patricia Castex Menier. En effet, les livres de poésie font brèche et meurtrières. Ils éboulent les murs pour en affronter de nouveaux. Oui, c’est de mur en mur, de mur sapé en mur éboulé, que nous allons comme de passage en passage. Non pour traverser – ce serait trop dire ! – mais pour avancer dans un monde rendu un temps plus habitable.

Balise 22 - Approche de la poésie

Ces mots de Louis Aragon pour aider à faire toujours plus vaciller la définition de la poésie :

"J'appelle poésie cet envers du temps, ces ténèbres aux yeux grands ouverts, ce domaine passionnel où je me perds, ce soleil nocturne, ce chant maudit aussi bien qui se meurt dans ma gorge, où sonnent à la volée les cloches de provocation." 

22:55 Publié dans Balises | Lien permanent | Commentaires (0)

Turbulence 15 - C'était l'été (2)

Midi Noir. Après les bûchers de l’hérésie. D’autres feux, aux flammes noires, grasses et mouillées. Cet été, on a touché au livre. Au libre. Au vivre. Quelques 10000 enfants de la solitude et du silence, de Saint Augustin à Catherine millet, ont été souillés, recouverts d’huile de vidange et de gaz oîl. C’était à l’abbaye de La grasse, dans l’Aude. À l’occasion du dixième Banquet du livre dont le thème cette année était « La nuit sexuelle », référence au titre à paraître de Pascal Quignard, qui en était l’invité d’honneur.
Et nous qui pensions que notre temps n’attendait plus rien des livres ! Qu’ils n’étaient plus qu’objets de consommation, vaguement décoratifs, marchandises livrées en pâture à chaque rentrée littéraire – Vous avez-vu les chiffres de Livres-hebdo : 727 romans et 568 esais et documents à paraître entre août et octobre ! – à l’on ne sait trop quelle faim.
Eh bien – Et c’est finalement assez rassurant ! - , les livres font toujours peur!
Une force insoupçonnée les hante, celle qui interroge le monde et semant à profusion des points d’interrogation, elle nous mène sur le chemin où le comprendre reste possible. Les livres restent des lieux de reconquête. De réappropriation de soi et du cours de sa vie.
 
(Extrait de l'éditorial du N°27 de la gazette Basilic, éditée par l'Association des Amis de l'Amourier ( 5 rue de Foresta, 06300 Nice) que je préside. Diffusée à plus de 1600 exemplaires, cette gazette de 8 pages paraît 3 fois l'an. On peut retrouver mis en ligne sur le site amourier.com les 26 premiers numéros. )