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17/02/2007

René Char - "J'habite une douleur", dit le prince...

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 (Ce texte est paru dans le N°21 de la Revue Trames, actualité de la psychanalyse : Souffrance d'être, douleur d'exister,en Mars 1996. L'occasion est belle de saluer mon amie Francine Beddock, âme et corps de cette revue, que la mort a effacée de ce côté-ci du monde pour la garder toujours présente à ces horizons où s'affronter à l'impossible signe l'humain en l'homme.)

 

 

"Le devoir d'un prince est, durant la trêve des saisons et la sieste des heureux, de produire un Art, à l'aide des nuages, un Art qui soit issu de la douleur et conduise à la douleur" 

René Char                    

 

Nous sommes si malheureux, souvent, et si heureux, parfois. Tristesse que déchire une joie soudaine, joie qui, inexplicablement, se plisse très vite de quelques chagrins. Etrange cercle où l'asphyxie nous guette, pareillement. Et c'est alors cette sourde fatigue d'un côté, près du château, là-bas, par exemple chez Kafka; cette tendresse un peu fade de l'autre, si prompte à gouverner nos coeurs, proche parente de cet automne dont parle Char. Tristesse ou joie comme deux ports où nous jetons l'ancre, comme deux forteresses que les obscurs sou¬terrains de la léthargie joignent et dont les meurtrières hypnotisées n'ouvrent que sur le paysage dévasté de la misère ou du festin, "ornières des résultats" où s'enlise une existence moins négative que pleine, toujours redoutablement effi¬cace à s'établir, à boucher le trou où se creuse son sens - Et j'entends moins sa signification que sa direction - promise à l'usure, résignée à la douleur sans âge et sans voix de l'ordinaire, autre que l'hébétude de quelques mots vides, voués à se perdre dans les flots de cet "universel reportage", dont parlait Mallarmé.    Ainsi passe la vie sans que rien ne s'y passe. Dans un monde qui s'envase dans l'actualité d'un flot d'images où vulgarité, bassesses, horreurs et violences se mêlent jusqu'à dévaster le regard, un monde où la lumière éventre tout l'espace, défie toute intimité, un monde comme un enfer blanc, sans fourche, ni pal, ni flamme, tant tout y est là si proche qu'il ne reste plus rien qu'un désert qui s'accroît et où le coeur entre comme en narcose.    Les poètes ne protègent pas le désert où tout se voit. Ils savent, avec Char, que "supprimer l'éloignement tue" et que "sans inconnu devant soi", vivre ne peut que perdre sens et saveur "malgré l'espoir matériel grandi et l'aiguillon du verbe humain". Parce que la poésie est résistance, encore et toujours, et sous toutes ses formes, même si dans le cadre de cet article je privilégierai celle de Char, parce que "Hors d'elle (...) le monde est nul", c'est à partir d'elle que je ris¬querai ces quelques mots avec pour seul souci de parler "de ce qui aide à vivre, de ce qui est bien", selon les mots d'Eluard à propos de son ami Picasso. 

                        *

Je quitterai donc les rivages de cette douleur qui nous habite et nous tire toujours comme en arrière, nous enfonçant dans une résignation qui se fait toujours plus sourde, colmatant toute ouverture de ses buées opaques, sapant insidieusement le procès de subjectivation, pour tenter d'aborder ceux où un sujet dit habiter une douleur. "J'habite une douleur" est le titre d'un poème de Char qui appartient au recueil Le poème pulvérisé, depuis qu'il parut aux éditions Fontaine en 1947. L'histoire littéraire retiendra qu'il vit le jour d'abord dans la revue Poésie 45, puis dans Les Cahiers du Sud en 1946 sous le titre "Le poème pulvérisé", que donc ce transfert de titre légitime l'idée qu'il est comme le centre actif et rayonnant du recueil de 1947.   


Que le seul "je" du poème soit d'après le poème, que le sujet en première personne n'advienne qu'au terme du poème, l'explication n'est pas seulement à chercher du côté de l'histoire littéraire, quand bien même Char, en quelques "paroles supplétives", notées sur l'exemplaire de Jean Hughes, constituant "L'arrière-histoire du Poème Pulvérisé", avouera que "c'est là (...) l'un de (ses) poèmes les plus achevés", mais bien du côté de l'expérience poétique elle-même, cette "fureur" toujours obscurément ajointée à quelque "mystère", qui certains jours ne craint pas de "nommer les choses impossibles à décrire", dans la mesure où "la finitude du poème est lumière, apport de l'être à la vie", retour au présent dans un mouvement d'assomption.    Qu'on ne s'y trompe pas, ce mouvement pour ouvrir sur "quelque calme", se double toujours, chez Char, d'un mouvement de dessaisie, de retour à "cette cible toujours affamée de projectiles, ce port naturel de tous les départs". Au terme du poème, "il n'y a pas de siège pur" sur lequel, établi, trônerait un "je" solaire et glorieux. A peine posé, le "je" se trouve comme dé-posé. Tel est "le sei¬gneur de l'impossible", à peine est-il plein, qu'il est déjà vide et comme rendu à la nuit qui ne succède qu'à elle-même. Ainsi, de manière laconique, Char note que "le poète ne retient pas ce qu'il découvre, l'ayant transcrit, le perd aussitôt".    Qu'on ne voit là aucune plainte! Le poème pulvérisé, fragmenté ne relève pas de l'ordre de l'inaccompli. Il faut voir dans cet "ordre insurgé" qu'est le poème selon Char, un autre mode de l'accomplissement, comme nous y engage Maurice Blanchot, "celui qui est enjeu dans l'attente, dans le questionnement ou dans quelque affirmation irréductible à l'unité".     Eau claire, la poésie de Char est de celles qui "s'attardent le moins aux re¬flets de ses ponts". Elle sait qu'à "un jour de la source", elle sera déjà "lourde". Aussi se hâte-t-elle. "Aller (lui) suffit". Et s'il lui arrive de s'éprendre d'elle-même dans la rondeur lisse d'une laune, le poète pèsera "de tout son désir / sur (sa) beauté matinale / pour qu'elle éclate et se sauve", pour que ses eaux cou¬rent toujours plus vite, toujours plus libres, car "en aval sont les sources". Leur "faire cortège", selon l'injonction de Char, se sera veiller à leur perpétuel jaillis¬sement et à leur incessant bondissement.

 

 

 *   

 

Ainsi, parce qu'"on ne crée que l'oeuvre dont on se détache", le "je" poé¬tique n'habite que le lieu qu'il quitte. C'est cette habitation qui consiste à habiter sans habitude, à résider dans le lieu d'une dé-prise, que Char nomme "douleur". "Douleur" que je propose de voir comme étant de l'ordre de ce "signifiant nou¬veau" dont parle Lacan dans la mesure où produisant un "effet de trou" - il est fécond - il doue les mots de son "parler des images", mots qui "émettent des sons et doivent se comprendre", de cette tension juste qui préside non aux méta¬phores mais aux métamorphoses, créant par là leur "effet de sens".    "Douleur" est le nom que donne Char à l'enjeu même de sa poésie, pure tentative pour s'unir à "la vie inexprimable" - cet impossible, à l'occasion figuré en un là et un ici aussi excessivement brillant et fugace que l'éclair - vie blanche qui l'"obsède", "celle qui (lui) est refusée chaque jour par les êtres et par les choses" mais qui toujours commence, vie dans son mouvement d'arc que seul "l'inconnu devant soi" peut venir tendre, vie "dont tu obtiens, s'avoue-t-il à lui-même, de-ci de-là quelques fragments décharnés, au bout de combats sans merci", vie hors de laquelle "tout n'est qu'agonie soumise, fin grossière".    "Douleur" est un nom qui énonce une vérité qui fait noeud, et un noeud qui tient! En elle, trouvent à s'allier la lucidité, cette lumière d'une révolte en qui Char toujours inquiet "de ce qui s'accomplit sur cette terre", trouva toujours de quoi "(le) soutenir et (l)'élever", et l'espoir, dont Char sait, d'une part, qu'il est "un ressasseur peu sûr", en ce qu'il risque toujours de tourner en quelque "candeur" coupable, et, d'autre part, que "dans le moment que nous vivons" - Ces "temps de détresse" dont parlait Hölderlin - il "est vraiment le seul langage actif, et le seul repoussoir susceptible d'être transformé en bon mouvement".    Forcerais-je un peu le sens de ce nom de "douleur" que découvre Char si, analogiquement avec ce que dit Lacan de l'imaginaire, j'y voyais le lieu d'un rapport? De même qu'à propos du rapport entre les choses et les noms, Lacan soulignait, après Platon, qu'il ne s'établissait pas sans "le tiers de l'idée, de l'eidos, ce qui traduit très bien, ajoutait-il, ce que j'appelle l'imaginaire, puisque ça veut dire l'image", de même ne pourrait-on pas dire que c'est dans la "douleur" que s'établit le rapport entre la lucidité et l'espoir?    Avant de tenter l'approche de cette "douleur" comme faille irréductible entre la lucidité et l'espoir dont tout l'effort du poète, son habitant, consistera à en assurer l'harmonie, soit, par-delà toute fusion mortifère, à les rééquilibrer ar¬chitectoniquement, à assurer leur tenue dans l'opposition, il nous faut noter combien cette alliance est fragile, tant lucidité et espoir risquent toujours pour notre malheur de se déjointer l'un de l'autre. Abandonnés à leur opposition na¬turelle, l'espoir va tôt s'embourber dans l'illusion lyrique par quoi soit l'on croit pouvoir faire main basse sur l'inconnu, noir sur blanc, entre deux pages, forées de quelques mots; soit, le rabattant sur l'espérance, on croit le réaliser alors qu'on ne fait que l'enliser dans quelque "vision du monde" globale qui sous le signe de l'idéal bouche le trou qui obstrue tout excès en le socialisant, promet¬tant, sous le signe de l'unité, un bonheur futur, "perspective d'un paradis hilare" qui toujours "détruit l'homme", note Char. Quant à la lucidité, elle sera vouée à une souffrance stérile soit parce qu'elle rejette l'inconnu dans un ailleurs sans rapport aucun avec l'ici; soit parce que, sous la lumière accablante de cette "blessure la plus rapprochée du soleil", elle finit par le dissoudre, comme ce fut presque le cas pour Char quand le "présent crénelé" des terribles années de l'occupation en firent le capitaine Alexandre, ce "monstre de justice et d'intolérance", ce "simplificateur claquemuré", ce "personnage arctique qui se (désintéressait) du sort de quiconque ne se (liguait) pas avec lui contre les chiens de l'enfer". Tout cela qu'il ne pouvait pourtant pas ne pas être car, dans les époques, où "la condition de l'homme subit l'assaut glacé d'un mal qui prend appui sur les points les plus déshonnorés de la nature humaine", le poète doit "(compléter) par le refus de soi le sens de son message" et se porter là où l'urgence est la plus grande. Comme il est difficile alors, dans le maquis, de prendre le maquis et, sous l'insolation de l'action, de prendre le chemin du rêve! Combien Hypnos dut "(se faire) violence pour conserver malgré (son) humeur, (sa) voix d'encre"!    Comme il est malaisé d'habiter cette "douleur" tant il est difficile même pour de "rapides poissons musclés" de se tenir "dans la cascade", "d'(émerger) autant que possible à (sa) propre surface"! Comme il faut se hisser à "coups de reins lumineux" et marcher inlassablement les yeux levés sur "le fertile point", gardé "à distance heureuse de nous"! Comme il est poignant cet effort pour ten¬ter de "déborder l'économie de la création" qui présente comme séparés ces deux contraires que sont la lucidité et l'espoir!    Le "partage formel", comme "assainissement des antagonismes", en sera le moyen privilégié. Il consiste dans l'extraction de la "signification loyale" des êtres afin que, franchissant "le fruit de l'autre", ils échangent leurs différences et se cumulent dans une "commune présence". Ainsi, au terme du "partage formel", de "vieux ennemis" sont transformés en "loyaux adversaires, transformation ga¬rante de tout "lendemain fertile", car ils se fécondent l'un l'autre. Cette "alliance des contraires", Char la dira "exaltante" car, conformément à l'étymologie du mot, elle est soulèvement de la réalité, franchissement, bond en avant, orageuse jeunesse qui sait "s'établir à l'extérieur de soi, au bord des larmes et dans l'orbite des famines" et garder toujours cette ouverture sur ce "quelque chose hors du commun (...) qui n'était fait que pour nous", cet inconnu, dont les noms, chez Char, peuvent aussi bien être "la beauté" que "l'amie qui ne restait pas", sans lequel la vie agonise dans l'apaisement affable des renoncements.    "Douleur", cette alliance fertile de la lucidité et de l'espoir, est le nom de ce rapport à l'inconnu qui est comme la maison du poète. "A la fois demeure pour le souffle et la méditation", elle est celle qu'il "épouse et n'épouse pas". Epouser, ce sera accueillir l'inconnu dans sa dimension d'altérité radicale, c'est-à-dire précisément comme inconnu, et ne l'épouser point, ce sera, dans le même mou¬vement, rendre le don, en le laissant passer. L'inconnu, chez Char, n'est pas simple visitation, il est force d'entraînement. En effet, en passant, l'inconnu ne manque pas d'augmenter cette altérité par laquelle il nous attire sans jamais nous assouvir pour autant. Loin de combler le désir, il le creuse, l'abreuvant, en quelque sorte, de nouvelles soifs. Cet impossible, "que nous n'atteignons pas", Char en fait "la lanterne" qui nous guide, "la lampe, inconnue de nous, inacces¬sible à nous" qui "à la pointe du monde (tient) éveillés le courage et le silence".

 

                                     

De Char, on ne connaît qu'une prière, une "prière rogue" que nous sommes en mesure d'entendre:"Gardez-nous la révolte, l'éclair, l'accord illusoire, un rire pour le trophée glissé des mains, même l'entier et long fardeau qui succède, dont la difficulté nous mène à une révolte nouvelle". Gardez-nous la "douleur"! Gar¬dez-nous la poésie, gardienne lucide des portes où bat toujours l'espoir!Aux avant-postes, dans l'entre-deux d'un cillement - clair-obscur où "la vie inexprimable" se risque - le poète, ne vivant que "dans l'entrouvert, exactement sur la ligne hermétique du partage de l'ombre et de la lumière", toujours prêt à bondir, à faire que "toute fin supposée soit une neuve innocence, un fiévreux en-avant pour ceux qui trébuchent dans la matinale lourdeur", est en accord avec l'ange qui "à l'écart du compromis religieux", précise Char, ne figure que cette "partie de l'homme réfractaire aux projets calculés". Accordé à cette part en l'homme où le désir guette l'aurore, le poète est "le conservateur des infinis vi¬sages du vivant". Ainsi préserve-t-il l'être originaire de l'homme, ménage-t-il son habitation poétique en veillant à ce que la mesure cachée ne disparaisse pas complètement. Dans l'allégement des fardeaux et des obstacles, la "douleur" est ouverture, chance de rencontre, dernier foyer où, au centre même de notre vie, le temps peut encore tourner dans "l'angle fusant" de l'instant, livrant passage soudain à la beauté qui "après s'être longtemps fait attendre, surgit des choses communes, traverse notre champ radieux, lie tout ce qui peut être lié, allume tout ce qui doit être allumé de notre gerbe de ténèbres". Cette mesure illumi¬nante nous accorde à la vie multiple et immédiate dans sa simplicité, c'est-à-dire dans ce renvoi perpétuel peu soucieux d'un parvenir à, où l'on s'installerait comme à demeure, tant "le désir vaut le but quand le but est enfoui en nous", secret qui n'affleure jamais que dans sa dit-mension propre. Cet accord traverse tout au plus notre ciel d'orage, éclair que suit une nouvelle nuit à endurer. Re¬tour à la "douleur". A ce souffrir actif qui supporte le combat de la passion tra¬gique de vivre, conformément à "la nature tragique, intervallaire, saccageuse des humains", qui sait épouser alors "la ralentie du lierre", cette patience active, cette résistance à la crue de tout ce qui menace l'homme, dans la conviction que "porteront rameaux ceux dont l'endurance sait user la nuit noueuse qui précède et suit l'éclair".        Telle est "l'espérance inconnue", la "certitude distraite" de Char, son "illusion", à laquelle il dit, "en dépit des doutes et des interdits", vouloir "(rester) attacher", "Illusion parfilée de gaieté et de larmes, que tant d'intérêts et tant d'amour réellement recouvrent". Illusion que seul un regard techniciste qui ne connaît que ce qu'il mesure, ou un regard d'huissier qui ne connaît que la saisie - son "exploit"! - prendra, finalement de manière très classique, comme un faux-semblant inapte à reconnaître la réalité là où elle est. Nous sommes quelques- uns à croire avec Char qu'elle pourrait bien être tout le réel, soit ce qui nous manque pour sentir qu'on existe et lui accorder le seul avenir qui vaille, non re¬pérable dans la tridimensionnalité du temps, celui imprévisible de toute ren¬contre, où ce qui nous "éblouit accentue l'obscur en nous", nous force au silence des remerciements, aux "maîtresses ombres" dont le pouvoir toujours renouvelé est de maintenir, "devant nous, haut dressé", l'impossible, "le fertile point qu'il faut se garder de questionner ou d'abattre".    La poésie ou l'avenir d'une illusion? On osera soutenir ici le paradoxe, de¬mandant juste que l'on se souvienne que les poèmes offrent, comme le disait Char, en 1939, de la peinture de Picasso, "mille planches de salut"; que, pour lui, la poésie est "planche de vivre" puisque son "destin temporel" est de "déborder l'économie de la création, agrandir la sensibilité des gestes de l'homme, le pous¬ser à plus d'exigence, de connaissance et d'invention".    On le voit, cette poésie si abrupte, à l'à pic en apparence si aristocratique, est en fait toute tournée vers les hommes, "hommes incertains", "hommes décon¬certants", que nous sommes. Est-il parole plus fraternelle que celle du poète "donneur de liberté" qui reconnaît qu'il n'est "libre que dans les autres" parce que "tout ce qu'on obtient par rupture, détachement et négation, on ne l'obtient que pour autrui"? Est-il parole plus fraternelle que celle qui va jusqu'à recon¬naître la fraternité au coeur même du désir de poésie: "la quête d'un frère signi¬fie presque toujours la recherche d'un être, notre égal, à qui nous désirons offrir des transcendances dont nous finissons à peine de dégauchir les signes"?

 

 

 Quand il fait trop froid, que le malheur des temps m'accable, que guettent découragement et désoeuvrement, je fais retour à Char comme à un de ces feux allumés dans la nuit depuis Lascaux où ne brûle que cette "beauté hauturière" de la vie qui ne s'adresse qu'à l'amitié, comme le soulignait déjà Georges Bataille.    Comment celui qui "(parla) pour vivre" ne m'aiderait-il pas à vivre? Qu'on prenne garde, toutefois, à ne pas voir en ses poèmes quelques méchantes bé¬quilles! Il n'y a en eux ni de quoi se consoler, ni de quoi oublier, juste de quoi "faire du chemin avec" et libérer un coeur qui s'établissait dans la bure récalci¬trante de quelques effrois répétitifs - on a vu qu'il en allait de même pour le duvet cotonneux de nos joies passées - en le rendant à ses sources et à son bla¬son, "le martinet" que ses "ailes trop larges" jettent au ciel, vouent au vol, à la désappropriation, à la distance. Tel est le coeur qui, léger et sans fardeau, vit toujours en avant de lui-même tout en sachant, quand les temps deviennent difficiles, se retirer dans le fond du ciel et se confier aux vents, endurant le voyage vers d'autres terres jusqu'à la matinée de printemps qui le verra reve¬nir.     "Douleur", cela? Certes, mais aussi "le dernier fruit, lui immortel, de la jeu¬nesse".                           

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