01/03/2008
Béatrice Bonhomme - Courbe de calligraphie silencieuse
( Béatrice Bonhomme, poète, a publié des livres de poèmes dont Les Gestes de la neige (L’Amourier), Le Nu bleu (L’amourier) Cimétière étoilé de la mer (Mélis) et La Maison abandonnée (Melis, 2006). Elle a également réalisé plusieurs livres avec des peintres.
Parmi les titres à paraître en 2008 peuvent être signalés une biographie sur Pierre Jean Jouve aux éditions Aden et un livre sur la poésie contemporaine : Mémoire et porosité aux éditions Melis.
Elle a fondé avec Hervé Bosio la Revue Nu(e), qui édite des poètes contemporains depuis 1994.Son dernier numéro est consacré à Jacques Ancet (Au numéro, 20 euros; Abonnement 50 euros auprès de ASSOCIATION NU, 29 Avenue Primerose 06000, Nice)
Courbe de calligraphie silencieuse
Les dédales d’un labyrinthe brûlant dans le vent des pierres, comme un marché au désert, et parfois une oasis de platanes à l’ombre d’un jardin retiré, la brûlure d’une traversée silencieuse dans les ruelles de la ville, puis l’ombre recueillie d’une maison offerte au sable. La fresque porte la lumière, trois fois ourlée des cordelettes de prière.
Sur les murs de la maison qui va être détruite, les taches de couleur, les oiseaux, les marques du désir ont laissé une colle rose. Les couleurs éclaboussent le matin, dans les formes enfantines d’un trait mal défini. Le sabre entre les cuisses, la fresque viole la lumière dans une fin d’après-midi qui doit mourir.
Une fontaine est posée entre les murs, sa pluie avive les couleurs projetées dans la lumière.
Dans la maison abandonnée, une petite pièce bleue a reçu un trait de pinceau piaillant et des oiseaux sont nés qui hurlent leur rougeur innocente entre les becs des lustres oubliés.
La maison abandonnée est devenue la proie de l’arbitraire. Des oiseaux ont été dessinés sur les murs comme des nappes de couleur avec des fleurs à la Matisse, utilisant les motifs déjà existants d’une ancienne tapisserie ; çà et là on découvre la tendresse désuète, presque chinoise d’une plume posée avec le mousseux d’un flocon.
La fraîcheur inattendue d’un jardin et les dédales de la maison abandonnée comme des enfants auraient joué de quelques flaques de lumière et posé sur le mur leurs doigts imprégnés de couleur mais pas encore assez défaite. Pourtant une petite chambre bleue, peinte à la va-vite, par touches jetées sur la tapisserie, garde le silence des enfants, laissé pour compte, oublié. Et brusquement se découvre le couple de la fresque dessiné avec son désir en bataille.
Le couple dessiné à la va-vite comme grossièrement, ressemble aux graffitis d’enfants. Il a gardé l’innocence des choses simples au milieu des taches d’oiseaux et de fleurs qui croisent sur la tapisserie un silence bleu déposé là par hasard.
Un vieux rideau vert, inattendu dans cette nudité garde le plissé d’une chasuble. Son bord touche l’esquisse d’un ciel, puis un miroir taché d’éclaboussures renvoie l’image d’une fresque dorée avec la présence d’un personnage.
Sur le mur s’étale vif et clinquant, le désir, désir de vivre et de jouir, désir de procréer des fleurs et des oiseaux.
Le dessin ne bouge pas d’un cil même sous le vent léger. Il est comme arrêté dans le temps, avec le bleu foncé d’une nuit de juillet, une pierre posée, sans érosion.
Des graffitis entrelacent des noms et des corps très matériels qui sont peints à la va-vite, mal définis et l’on distingue juste le sexe de l’homme qui devient une fleur de couleur violente avec des oiseaux dans ses nids.
Il y a un recueillement car le miroir de l’ancienne salle d’eau a pris du moucheté et dans une encoignure se précipitent quelques oiseaux qui ont poussé leur force dans le sexe de l’homme.
Une fleur criarde étale sa vulgarité sur la tapisserie peinte à la hâte. Le soleil la frappe et la fait hurler au bord d’une fenêtre qui baille.
Toutes les fenêtres, les portes battantes mais dans le dédale des pièces demeure un lieu secret où le bleu se bat avec le rouge. Il reste une odeur d’enfance.
Des larmes d’eau suintent dans la cour avec des fleurs qui saignent dans les murs recouverts de signes rouges.
Le bulldozer, lorsqu’il viendra, fera éclater les murs, appuyant trop vite sur des tubes de gouache comme un enfant pressé et tout aura cet air à la fois désolé et festif d’un gachis de couleur.
Il a fallu longtemps laisser couler le bleu de l’encre pour réparer le gris des choses.
Une résistance de velours laisse glisser son feu sur le mur posé de la chambre.
© Béatrice Bonhomme
19:55 Publié dans Inédits, Mes ami(e)s, mes invité(e)s | Lien permanent | Commentaires (1)
05/02/2008
Jacques Ancet - Je reviens (extrait d'un travail en cours)
Il est l’auteur d’une trentaine de livres (poèmes, romans, essais) dont, récemment, Diptyque avec une ombre (Arfuyen, 2005), Prix Charles Vildrac 2006 de la SGDL et prix Heredia 2006 de l’Académie Française, La ligne de crête (Tertium éditions, 2007), Entre corps et langage, anthologie d’Yves Charnet, (L’idée bleue/Ecrits des forges 2007) et Journal de l’air (Arfuyen, 2008).
Traducteur de langue espagnole (Jean de la Croix, Aleixandre, Cernuda, Valente… ) il vient de publier Clarté sans repos (Arfuyen), Cecilia (Lettres Vives), d’Antonio Gamoneda,, L’homme et le divin de María Zambrano (José Corti), Lettres aux hirondelles et à moi-même, de Ramón Gómez de la Serna (André Dimanche) et L’opération d’amour de Juan Gelman (Gallimard).
Il a obtenu le Prix Nelly Sachs en 1992,, le prix Rhône-Alpes du Livre en 1994 et la Bourse de traduction du Prix Européen de Littérature Nathan Katz en 2006.)
J'écrivais à propos d'un morceau de lumière (Voix d'encre) que c'était un livre d’encre et de chair dont on tournait les pages et qu'entre elles, une lumière filtrait et passait vibrante pour aller rayonner plus loin. Que cette lumière, on la retrouvait dans La dernière phrase (Lettres Vives)comme celle qui nous restait, nous manquant toujours. Elle passe dans les poèmes de Jacques Ancet, rayonne comme un fil de jour s’obstine à accompagner « ce qui s’en va », cette vie qui passe sans se retourner, » comme un passage d’oiseaux » éclaire le ciel, « comme le jour commence ».
Je reviens, j’ai été absent des semaines, le vent pourtant n’a cessé de souffler & la lumière d’éclairer les visages
je reviens le ciel retombe sur mes yeux avec une lenteur d’enfance, je ne sais plus si c’est bien moi
qui parle ou si de moi ne reste que ce peu de paroles éparpillées que je ne reconnais plus
mais je reviens, écoutez, le monde me traverse toujours, il a des flaques de sang, des mouches, une douleur trop grande pour être dite
le monde est noir & il fait mal, le monde, il a des petits yeux méchants, ils vous regardent, vous épient
vous entrez dans une histoire sans queue ni tête, on dit c’est la vie, elle vous regarde de loin déjà, elle vous mange
alors comment revenir comment dire c’est moi regarde c’est moi encore je suis là
pour la montagne et pour l’herbe, pour le cri de la corneille, le chêne & la clôture
pour tout ce que j’ignore, mais qui réclame un peu de place entre mes mots, un fil luisant entre feuille & pierre
un peu de terre sous la semelle, ce numéro de téléphone sans visage & sans voix, trop de feuilles sèches pour la saison
je reviens, mais qui m’a attendu, les pièces sont vides, quand j’y entre, je ne trouve qu’un peu de poussière au bord des fenêtres
& les taches pâles des tableaux absents sur les murs, le jour est un désert trop encombré de phrases & d’objets
les vaches broutent dans nos chaussures
leur souffle chaud fait une buée où nos yeux s’évaporent
15:25 Publié dans Inédits, Mes ami(e)s, mes invité(e)s | Lien permanent | Commentaires (2)
02/02/2008
Lu 21 - Giacometti/Dupin -Eclats d'un portrait
( Est paru chez André Dimanche éditeur (39 euros) de Jacques Dupin, Alberto Giacometti Eclats d’un portrait avec des photographies de Ernst Scheidegger )
Il ne s’agit pas pour Dupin de dire on ne sait trop quelle vérité sur ce qui s’est passé dans cet atelier mais dans le jeu entre les images reproduites ici et les mots de Jacques Dupin de dire au plus juste. De reprendre. Porter plus avant le souvenir, cela est relever. Porter hier dans un futur.
Le porter au plus près de cette avancée dans l’inconnu, après que le premier trait comme le premier pas ait introduit le porte-à-faux d’un déséquilibre. Et c’est alors comme un souffle toujours là à tisonner le feu qui à brûler toujours plus, s’effondre braise sur braise. Et c’est cet éboulement, celui d’une interrogation qui s’entretient interminablement elle-même, qui tient, trait à trait, comme tiré du vide et devant nous porté comme devant le regard perdu de Giacometti. Qu’il dessine ou sculpte – les deux séries de photographies sont superbes de complicité attentive – une tête – celle de Dupin, « tête d’un autre dans le regard d’Alberto » écrit-il – surgit moins qu’elle ne se déclôt, sur la toile ou dans le bloc de terre, trait pour trait, pétale de terre après pétale de terre, comme autant de saetas, flèches sonores qui déchirent le ciel vide, à partir d’un tout perdu, ce fantôme de tête que Giacometti a perdu, explique Dupin, à peine s’est-il emparé du pinceau ou de la terre.
Il est ainsi très émouvant de suivre Giacometti et Dupin avancer dans l’ignorance de la fin sans souci d’arriver. Etrange voyage vers la figure ! Vers ce qui se dérobe toujours alors même qu’elle s’affirme, se cache alors qu’elle se montre, se détruit alors qu’elle se construit. Etrange construction dont le processus est de démolition ! Ici travaille la ruine. C’est elle qui édifie, trait contre trait ; coup de pouce contre coup de pouce. Ce qui élève abaisse, ce qui amoindrit relève.
Ce livre est l’autre scène d’une danse . Celle de mains funambules, amoureuses du vide.
18:55 Publié dans Du côté de mes interventions, Inédits | Lien permanent | Commentaires (5)
20/01/2008
Lu 20 - Avec Guillevic sur le chemin des sèves
( cet article est paru dans une version abrégèe dans L'Humanité du jeudi )
Il s'agissait de fêter le centenaire de la naissance de Guillevic et de faire signe vers deux publications importantes:D'abord, Possibles futurs, Poésie/Gallimard, cat 2; puis, Relier, poèmes (1938-1996) NRF, Gallimard,29 euros.)
2007 : que de centenaires ! De René Char à Maurice Blanchot en passant par André Frénaud, Georges Schéhadée , comment pourrais-je oublier Eugène Guillevic dont s’est aussi le dixième anniversaire de la mort ? À côté de colloques, exposition, rencontres – j’écris cette chronique alors que se déroule bien loin de mes montagnes un Hommage à Guillevic à Saint-Arnoult-en-Yvelines, Maison Elsa Triolet et Aragon - des publications. Si je commencerai par signaler Du pays de la pierre aux éditions de la différence qui réunit le poète, Lucie Guillevic-Albertini et le sculpteur Boris Lejeune, les deux livres des éditions Gallimard retiendront mon attention. Le premier, c’est la réédition de Possibles futurs dans la collection Poésie/Gallimard ; le second, Relier est un fort volume – quelques 800 pages ! – que nous devons aux soins attentifs de son épouse qui a réuni les recueils ou poèmes parus entre 1938 et 1996.
17:55 Publié dans Du côté de mes publications, Inédits | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, poésie
08/01/2008
Jeanne Bastide - La lumière arrive
Elle publie régulièrement en revue. Lucarnes aux éditions de L’Amourier, collection Thoth, est son premier récit.
15:15 Publié dans Inédits, Mes ami(e)s, mes invité(e)s | Lien permanent | Commentaires (0)
07/11/2007
Claudine Galea - L'heure Blanche
( Claudine Galea écrit du théâtre, des romans pour les adultes et pour la jeunesse. Elle travaille également avec les chorégraphes et créateurs d'images nouvelles n+n corsino. Elle est présente sur Remu.net.
D'elle, elle dit : "Je suis d'origine maltaise, mon père est venu d'Algérie quelques années avant ma naissance et j'ai grandi à Marseille. Je vis à Paris, mais ce sont toujours la lumière du sud et la présence de la mer qui me portent. Je n'aime pas beaucoup les catégories qui enferment et scindent. C'est sans doute pour ces raisons que j'ai toujours exploré différents territoires, seule ou accompagnée, avec des artistes d'autres horizons. "
Parmi ses derniers livres : Le bel échange (récit), Morphoses (roman graphique avec Goele Dewanckel), Rouge Métro (roman noir à partir de 15 ans) aux éditions du Rouergue, L'amour d'une femme (récit) au Seuil, Je reviens de loin (théâtre) aux éditions Espaces 34 et La règle du changement aux éditions de l'Amourier, cadre dans lequel je l'ai rencontrée.Elle me confie aujourd'hui L'heure blanche qui devrait faire l'objet d'une publication avec des illustrations de Goele Dewanckel très prochainement.)
Je m'appelle Blanche.
Je porte des robes blanches des culottes blanches des socquettes blanches et des tennis blanches.
Je n'aime pas la nuit.
Je n'aime pas les jeux d'enfants. Je n'aime pas plonger dans la piscine. Jouer à cache-cache. Je n'aime pas qu'on me fasse tourner avec un bandeau sur les yeux pour avancer à tâtons à la recherche des autres qui gloussent qui rient qui poussent des cris et appellent : Blanche par ici, Blanche par là.
J'aime l'été. Le sable dans l'île et l'heure de midi.
J'aime quand il n'y a pas d'ombre. Que les ombres même sont blanches.
C'est un pays très chaud où ma mère est née et m'emmène en vacances.
A midi personne ne sort.
Moi je vais jusqu'au bout du port et je vois tout ce que j'aime voir.
La plage à droite comme un voile de mariée.
La plage n'en finit plus de couler vers l'horizon. Une jeune fille en blanc marche sur la plage, la mariée entre dans la mer. Je la perds. Elle devient le ciel le sable l'eau et le soleil.
Ma mère accourt pour me mettre un chapeau blanc sur la tête.
Ma mère a une jupe blanche et un dos nu blanc. Et des lunettes de soleil noires.
Je déteste les lunettes de soleil.
Ma mère dit des mots : folle insolation trop chaud midi aveuglant mourir.
Je ne comprends pas ce qu'elle dit.
Je ne suis pas comme elle. Je n'ai pas chaud, pas mal à la tête et mes yeux aiment la lumière.
Je m'assieds sur la pierre blanche du quai. Je tourne le dos à la mer.
Les rues en pente du village dégringolent, ce sont des cascades.
Les maisons flottent, ce sont les rideaux en mousseline blanche que maman a mis dans le salon.
Qu'est-ce qui ressemble le plus à la neige ? La mer ou les maisons ?
Je fais des dessins sur des feuilles blanches. J'ai une boîte de peinture. Je n'utilise que le blanc. J'ai quarante dessins blancs. Depuis quarante jours.
Qu'est-ce qui ressemble le plus à la neige ? C'est l'heure de midi dans l'île au milieu de la mer.
Maman ne voit pas ce que je peins. Elle ne voit rien.
Elle passe une couche de peinture blanche sur le mur blanc, je vois le nouveau blanc, puis elle passe une deuxième couche, je vois le nouveau nouveau blanc.
Maman s'énerve : tu vois bien c'est blanc pareil, c'est pareil, tu ne peux pas voir du blanc sur du blanc. Mets des couleurs, ce sera beaucoup plus joli. Et plus gai.
Je regarde l'île et autour de l'île. Je regarde mes tennis blanches et mes ongles. Et dans le miroir je regarde mes dents. Et je regarde ma robe d'été en coton et aussi ma culotte. Je vérifie que tout va bien, tout est blanc.
Et je l'entends miauler.
Je la vois, ombre blanche le long du béton blanc.
Qu'est-ce qui est le plus blanc, la route, la maison, Bianca ?
Je lui ai apporté un peu de lait dans ma petite bouteille que maman avait remplie d'eau. Elle lappe dans ma main. Je m'allonge sur la pierre contre Bianca. Dans sa fourrure blanche, je m'endors.
Même les bruits sont blancs. Le cri des mouettes. Les mâts des bateaux qui vibrent dans l'air. Mon cœur qui bat, blanc.
Maman crie, appelle : Blanche !
Elle ne me voit pas.
Je suis la pierre et le béton, la plage et le sable, l'eau et le ciel, la chaleur et la lumière. Je suis l'île et j'ai dix ans. C'est ici que je suis bien moi, c'est ici que je veux vivre. Je veux vivre quand c'est midi et que je suis seule dans les rues de l'île. C'est l'heure blanche dont tout le monde a peur. C'est l'heure où j'oublie tout, où je n'ai plus mal, c'est l'heure du bonheur. Le bonheur est blanc.
Un jour toute ma peau sera blanche, et seront blancs aussi mes yeux bleux et mes cheveux blonds. Et ma langue, et la langue rose de Bianca. Le blanc me pousse dedans.
Quand je serai toute blanche, je disparaîtrai.
Comme mon papa.
Il photographiait les phoques. Neige, congères, lacs gelés. Il me montrait ses images. Il me disait, regarde Blanche, celle-là je l'ai solarisée. Je voyais des ombres banches, des flous blancs, des taches blanches, des mouvements blancs sur l'écran.
Il mettait encore plus de soleil, il appuyait sur le flash, il blanchissait, il illuminait, il aveuglait tout de blanc. Il disait, les aveugles voient dans le noir, moi je vois dans le blanc.
Moi aussi je vois. Je vois bien, je vois tout dans le blanc, je le vois.
Il y a quarante jours, maman a dit : papa a disparu, le blanc l'a pris, il est dans l'hiver éternel.
Elle a pleuré.
Moi je sais où il est.
Il est dans ses photographies, solarisé.
Il est dans l'île à l'heure de midi. Il est dans le sable et maman va le rejoindre dans sa robe de mariée. Il est entre la terre et le ciel à midi quand ça clignote et que tout devient jaune puis orange puis rouge puis noir puis blanc.
Je le peins dans mes dessins.
Qu'est-ce qui est le plus blanc, le vide, l'absence, le désir, l'attente ?
Un jour je serai Bianca et Bianca sera moi. Peut-être qu'il est là, mon papa, à l'intérieur de Bianca. Je caresse sa fourrure blanche, je t'aime Bianca.
Je crois que je sais : le plus blanc, c'est aussi le plus grand, c'est quand j'ai tout le temps, que c'est l'été, les vacances, que je peux faire ce qui me plaît, marcher dans l'île à l'heure la plus blanche de la journée.
Quand je sens dans mon ventre et ma poitrine quelque chose monter, monter.
Le plus blanc, c'est ce qui contient toutes les couleurs, c'est ce qui fait ressembler l'été à l'hiver, c'est ce qu'on met quand on va se marier, c'est ce qui rend le sale propre, c'est le drap qu'on met sur les morts et les premiers vêtements des bébés, c'est ce qui efface les fautes d'orthographe, et c'est la fleur du jasmin, le parfum préféré de maman, c'est les cailloux du petit Poucet, c'est la fin de la nuit, les nuages sur lesquels on vole, la crème chantilly, c'est Bianca et c'est mon papa. Le plus blanc, c'est d'aimer.
Comment expliquer ça à maman ?
© Claudine Galea
18:43 Publié dans Inédits, Mes ami(e)s, mes invité(e)s | Lien permanent | Commentaires (1)
25/06/2007
Emmanuel Laugier - Crâniennes (extraits)
Emmanuel laugier est né en 1969 à Meknès (Maroc). Il vit à Nîmes. Travaille aux Belles Lettres. il fait partie du comité de rédaction de la revue L’Animal (Metz), où il écrit, entre autre, sur le cinéma. Il est un collaborateur régulier du Matricule des anges pratiquement depuis les débuts de ce mensuel.
parmi ses dernières publications, on relèvera
* Strates, Cahier Jacques Dupin (sous la direction d'E. L), Édition Farrago/ Léo Scheer, 2000
* Singularités du sujet (8 études sur la poésie contemporaine), sous la direction de Lionel Destremau et E. L, (Prétexte éditeur,2001)
• Pluralités du poème (8 études sur la poésie contemporaine), sous la direction de Lionel Destremau et E. L, ( 2003)
* Suivantes, Didier Devillez, 2004
* Mémoire du mat, Ulysse Fin de Siècle, 2006,
Mon ami Emmanuel Laugier pratique cet exercice vertical de la langue fait de pastilles noires, ces points de pitonnage ; de parenthèses vides qui au lieu d’ajouter semblent au contraire ouvrir l’espace vide où la parole trouverait à se retourner ; de tirets comme autant de jonctions / disjonctions de plans d’écriture, autant de prises à saisir / lâcher pour se hisser, passer un ressaut. Jusqu’au surplomb. Ecrire, non plus comme marcher, mais comme grimper.Et sentir le vent du dehors emporter les dernières poussières. Dans le ciel ouvert. Alors tout peut alors continuer.
Il me confie aujourd'hui ces quelques Crâniennes inédites.
*
25
est dans le bleu sec du serpent
de loire — est encore une autre image —
mais large (panoramique)
et froide loire elle-même avec lui jacques
lisant au travers du carreau du train lui
[qui lisait] ses yeux
que je ne voyais pas que
que je ne pouvais voir tournés tournés
vers je ne sais quel
autre varech encore
plus encore enroulé dans du noir-plastique
brillant échevelé
venteux dans le loin
là
où je n’étais pas
lui
regardant une embuscade —
un grand brasier un feu âcre blanc enrouler le ciel
26
jour le 7 demain
le 8 dans le soleil pas loin
montauban — en décembre deux-mille quatre
glisse avec claude l’ongle où
je le voyais ô
ton sourire beau donné
donné — que même au fils pas
sinon
adieu —
te revoir au fond courbe du crâne
lové de la douceur de la
douceur que le jour
continuant enfin le dire le lâcher — )
ce jour pas
le même
non
jamais
27
est jeté en travers de soi ce-
lui
là
pas autrement
est
fracassé
dans ton jour à toi un
vase
a
coulé
son noir jusqu’
ici
ton temps
y
fait
tâche
tatouage
indélébilité du feutre lent
dans la mémoire voulue fermée
vacante
car pas pour aujourd’hui
son insistance
non
28
aujourd’hui
pas ce jour de venir
déconner
avec ça qu’il
faut (faudra)
bien passer de l’autre côté
pour
quoi :
sortir
revenir nous
oui
un peu avec
la rue qui passe son
bruit dans le
tien grand
blanc vide
d’esprit
alors
alors
29
terminé — dit
fin
fini
plié
parti — dit
cela qu’il — non
pas
seulement
soit chassé
dans le coin de tête le plus
lointain reculé — non —
mais
qu’il (ce jour)
commence cent
fois sans
insistance à
ré-exister sa mort à lui
passée
disparue
pschtt
envolée
avec le lent signe que je fais
de la main au revoir )
te dire
adieu
très bas le dire
et le faire
© Emmanuel Laugier
© Didier Leclerc pour la photographie. Pou en savoir plus sur son travail, voir le site contact@atelier-n89.com
22:20 Publié dans Inédits, Mes ami(e)s, mes invité(e)s | Lien permanent | Commentaires (1)
05/06/2007
À propos de 5 rafles de gérard serée
( Gérard Serée, peintre-graveur, est né à Evreux en 1949 où il commence très jeune à montrer ses œuvres.
Il travaille à Nice et dans son atelier de Cuébris. Il a fondé l’Atelier Gestes et traces.
Il a collaboré à un grand nombre d’ouvrages de bibliophilie. Parmi ses amis poètes qu’il a accompagné par ses gravures et/ou ses collages, on peut citer Christian Arthaud, Daniel Biga, Michel Butor, Alain Freixe, Béatrice Bonhomme, Jacques Kober, Raphaël Monticelli, Bernard Noël, James Sacré, Marie-Claire Bancquart, Yves Broussard, Jean-Marie Barnaud…)
En suspens dans les fonds
De plis en déplis se déroulent des vagues.
Quelles pierres as-tu jeté dans l’eau noire ? Avant les ondes, te souviens-tu de ce froissé des eaux au moment de la percussion? De la fracture de surface? Te souviens-tu de cet enfoncement écumeux qui s'en suivit avec retour des fonds?
C’est cela que j’entends gronder dans la trame de tes noirs. Entre leurs masses. Un roulement sourd d’orages inapaisés.
Comme boursouflés, les heurts de l’ombre et de la lumière s’ouvrent sur des arrières-fonds, d’étranges clairières après d’épaisses frondaisons, aperçues entre deux troncs d’arbres abritant mousses et lichens. Dans leur lumière embuée d’encre et d’eau. Brouillards à peine colorés dans les creux et rehaussés sur les bords. Vifs aux arêtes. Quelque chose flotte. Un corps. Un sac à dos. Vieux et qui attend un temps propice à la sortie projetée. Non, pas des souvenirs, ces peaux mortes. Pas des rêves, ces vapeurs méphitiques. Mais quelque chose qui pèse aux épaules du marcheur, quelque chose dont les sangles tirent, quelque chose qui donne sa tenue au présent de qui chercherait son Mont Analogue…
D’incisions en balafres, de fentes en refentes, quelque chose émerge de ces rafles sur plaque. Le visage furtif de ce qui nous manque. Et qui déjà se perd à l’avant de ce qui a pris place sur le papier quand la pression se relâche, entre langes et feutres.
Contre la paroi des plaques, là où ce sont les mains qui voient, de prise en prise, passe un souffle. Ce coup de vent espace nos yeux. Nous éclaire d'un lieu improbable.
Et, taille-douce dans la langue, les noirs de Gérard Serée nous parlent de ce pays d’à côté d’où nous vient ce qui nous tient.
20:25 Publié dans Du côté de mes interventions, Inédits, Mes ami(e)s, mes invité(e)s | Lien permanent | Commentaires (1)
08/05/2007
Jean-Gabriel Cosculluela- La proche attente de la lumière
(Né en 1951 à Rieux-Minervois (Aude). Origines aragonaises (Pyrénées espagnoles). Vit en Haute-Ardèche. Conservateur territorial des bibliothèques. Écrivain, traducteur de l’espagnol, éditeur (directeur de la collection Lettre Suit, maintenant aux éditions Jacques Brémond, après une co-édition Atelier des Grames-Brémond) ). Membre du comité de rédaction de la revue Faire Part (dernier N° sur Jacques Dupin-mars 2007)Ses livres: De L’Affouillé (Jacques Brémond, 1980) à Une prière nue, d’emblée (Atelier des Grames, 2005), une trentaine de livres. Parmi les plus récents
Terre d’ombre (éd. Voix d’encre, 2001) avec des monotypes d’Anne Slaci
Âpre aveuglement (éd. La Porte, 2002) avec un dessin de Claire Dumontei
Buée (éd .Jacques Brémond, 2003) avec des encres de Joël Frémiot
L’Envers de l’eau (éd. Fata Morgana, 2005) avec des photographies de Jacqueline Salmon
Stèle du seul encore (éd. La Sétérée, 2005) avec des gravures de Jacques Clerc
Une prière nue , d’emblée (Éd. Atelier des Grames, 2005) avec une mise en livre et des gravures d’Anik Vinay
À paraître
À fleur de lumière (éd. Mano à Mano / Les Cahiers du Museur) avec des travaux d’Albert Ràfols-Casamada)
Jean-Gabriel me confie ce poème dont je ne puis respecter ici toutes les blanches respirations.
Jean-Gabriel est un lecteur. Il a fait sienne l'affirmation de Andrès Sanchez Robayna: "L’écrivain est d’abord un lecteur"
On trouvera ainsi dans Dans La proche attente de la lumière, des mots d’Andrea Zanzotto, Christian Dotremont, Andrés Sanchez Robayna, Joë Bousquet
La proche attente de la lumière
tu regardes le feu blanc
tu regardes le feu noir
pour brûler l’invisible
pour garder encore le secret
tu regardes toujours la lumière
sur le seuil
L’ordre du jour où tu écris
où la lumière a soif
de la lumière obscure
La terre nue de la terrasse
tu écris la terre de loin
et chaque mot est manque
l’île est la terre de personne
elle se donne
dans le silence au-delà de chaque mot
Tu bois la lumière
où la terre ce soir
veille l’invisible
là sur la terrasse et plus loin
un oiseau s’abandonne
L’air et l’eau, les rochers
chaque mot à traverser
chaque manque
la proche attente de la lumière
en une sorte de pluie de baisers offerts
à l’eau par les mouettes
dit Andrea Zanzotto
dans Au-delà de la brûlante chaleur
aux marges qui quoi qu’il en soit sont parmi
Comment dire le silence avant un seul mot,
comment dire le silence après un seul mot,
le temps qu’il fait du rien, de la nudité,
la suite d’une saison bleue et blanche
de trop regarder le bleu et le blanc,
le temps qu’il fait du vide sur la pierre extrême,
comment trouver les noms ?
a. gravé de corps bas de casse
sur la pierre extrême
pour nu le recommencement:
tu épelles la lumière, a.,
tu épelles le gravier sous le pas
la grève les rochers
a. où bat le bleu où bat le blanc
le recommencement
l’eau de roche
quand la lumière même
s’approchera des bords de la lumière
les rochers l’eau l’été
la soif la nuit
les cordes d’écume et de nuit noire sur les rochers
l’oeuvre de la nuit, mais de la nuit
qui nous donne des yeux, elle a pour vertu de boire
les ombres
a. reprend tes mots
composant sans cesse le silence:
le climat d’encre la roche les rochers
les paumes sur la dalle froide
le feu blanc et la pierre extrême
et ce jour d’air, a.
.Plus haut le corps errant
nomade dans le noeud de la lumière
Juin 1997-Juin 2000
© Jean-Gabriel Cosculluela, 2007
15:20 Publié dans Inédits, Mes ami(e)s, mes invité(e)s | Lien permanent | Commentaires (2)
24/03/2007
Lu 11 - René Char, Lettera amorosa
C’est ce mouvement là qui anime cette Lettera amorosa que nous donne à lire aujourd’hui Poésie/Gallimard. L’érotique est ici éthique de la parole. Femme et langue sont là comme absentes. La langue parce que reclose sur elle-même, figées dans ses notions prédéfinies. L’écriture de Char l’attaque, la malmène jusqu’à l’ouvrir sur cette jouissance secrète qui s’accomplit en un « merci » par lequel le poète donne congé à sa « fleur de gravité », « iris d’Éros, iris de Lettera amorosa ». Celle qui continue à « (accompagner) le retour du jour sur les vertes avenues libres. »
Cette édition présente l’intérêt de nous offrir non seulement les deux versions du texte, celle de 1952 sous le titre de Guirlande terrestre et celle de 1964 parue dans l’anthologie Commune présence, qu'on trouvera également dans la collection Poésie/Gallimard, mais également la reproduction des 16 collages de Jean Arp qui accompagnaient la première version et les 24 lithographies de Georges Braque qui allaient l’amble avec la deuxième. Quand on sait combien René Char fut attentif à ceux qui furent ses « alliés substantiels », ces peintres qui à l’instar de Picasso en 1939 lui offrirent – et continuent à nous offrir – « mille planches de salut », on mesure l’importance du dialogue ici offert.
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25/02/2007
Joë Bousquet / Simone Weil : une rencontre
« Je veux d’abord vous dire que vous rencontrer a été pour moi quelque chose de plus que précieux. Je pressentais vaguement qu’il en serait ainsi, mais je ne pressentais pas à quel point » Simone Weil
Si la source n’existe le plus souvent qu’au pluriel, perdue parmi divers points d’émergence, parmi les sources de notre Centre Joë Bousquet et son temps, il en est une, et ce sont les journées nationales Simone weil-joë Bousquet des 28 au 31octobre 2000 et la présence forte à cette occasion de Jean Capdeville par son livre Hommage à Simone Weil de 1971 qu’il nous avait confié durant l’été et ses grands papiers où il avait manuscrit quelques pensées comme autant de balises évoquant et soulignant l’importance que la philosophe à la pélerine avait eu pour lui, vie et œuvre mêlées.
Je ne vais pas vous parler de l’histoire de notre centre, je ne vais même pas vous parle de Jean Capdeville – encore que dans les détours, les plis de mon propos…- je voudrais plutôt parler à Jean Capdeville . Que cette adresse « à Jean Capdeville » soit ma manière de lui rendre hommage, de saluer le danseur de corde qui, de clocher à clocher, ces œuvres où chantent les poètes, invente toujours quelques nouveaux pas et trouve là de quoi entrer en résonance, ce bruit d’air sur fond de silence, avec leur paroles. Comment alors ne pas penser à ces mots de Simone Weil, à ces mots qu’il avait choisi de manuscrire sur la page de couverture de son livre de 1971 : « entendre les bruits à travers le silence ». Et bien c’est cela que nous entendons dans « les livres de dialogue », selon l’expression chère à Yves Peyré. Ceux de Jean Capdeville tout particulièrement.
Lui parler et vous parler de qui d’autre sinon de celle dont la lecture lui a « fichu » cette « secousse » qu’il aime à évoquer ; secousse qu’il traduisit en « couleurs, traits, moyens très simples, à plats cernés »…de Simone Weil donc et de celui qui s’est tenu de si longues années, à quelques pas d’ici, dans cette chambre bleutée et ocre, cette ancienne salle de musique avec son dallage si particulier, ces grands carreaux noirs et blancs, propices à quelques mystérieux jeux de dames…ou d’échecs. Joë Bousquet qui allait donc y accueillir Simone Weil en 1942 pour une rencontre qui promettait d’être mémorable. Et qui le fut. Ce dont je voudrais donner quelque idée.
Rencontre brève qu’en d’autres temps j’avais essayé de circonscrire au plus près. – on trouvera plus de détails dans les N°s des Cahiers Simone Weil de décembre 1987 et de septembre 1988 car il fallu apporter un correctif. En effet, s’il est à peu près acquis que Simone Weil débarqua par le train avec Jean Ballard, Directeur de Cahiers du Sud, sur le coup de 2 heures du matin, venant de Marseille, dans la nuit du 29 au lundi 30 mars, si l’on peut être sûr qu’elle se rendit tout de suite chez Bousquet, que Ballard les laissa discuter, qu’elle dormit quelques heures à même le sol, sur la natte qu’elle emportait toujours avec elle, en revanche on ne peut plus affirmer avec Simone Pétrement, le Chanoine Sarraute qu’ils ne se virent qu’une fois. Le témoignage que je reçus de Charles-Pierre Bru, professeur de philosophie et peintre, qui par la suite joua un rôle si important dans la mise sur pied de notre Centre, via le chanoine Sarraute m’obligea à une précision, ce que je fis dans le N° de septembre 1988. Il fallait se rendre à l’évidence Simone Weil s’était rendue deux, voire trois fois ici même, chez Bousquet, avant de partir pour l’abbaye d’En calcat, à Dourgnes dans le Tarn, où elle voulait entendre les chants grégoriens pour pâques qui cette année là tombait un 5 avril.
J’ai dit mémorable pour l’amitié aussi brève – Simone Weil n’avait plus qu’un an à vivre entre l’Amérique et Londres où elle mourut le 24 août 1943 au sanatorium d’Ashford - que définitive qui naquit de ces paroles et des quelques lettres qui s’ensuivirent – correspondance qu’on ne trouve plus aujourd’hui et que notre Centre se propose de reprendre dès qu’il le pourra augmentée notamment des deux lettres de Simone Weil à Joë Bousquet retrouvées par Florence de Lussy (une du 12 mai 1942, l’autre postée de Casablanca) et publiées dans Les Cahiers Simone Weil de juin 1996.
Amitié dont je voudrais d’une part, donner quelques signes et d’autre part, tenter de fonder.
Dès sa première lettre du 13 avril 1942, elle mettra Bousquet au même niveau que le Père Perrin avec qui elle entretenait une correspondance serrée sur les questions du baptême et de la foi. C’est qu’avec Bousquet, elle rencontrait un homme auquel, loin de toute référence religieuse, l’écart entre l’être et l’existence était chose familière ; l’homme qui, selon elle, pouvait penser l’état actuel du monde dans la mesure où « pour penser le malheur, il (fallait) le porter dans la chair, enfoncé très avant, comme un clou, et le porter longtemps, afin que la pensée ait le temps de devenir assez forte pour le regarder ». Ainsi à ses yeux, Bousquet, blessé depuis plus de 20 ans, « cloué aux mots », selon l’expression de Bernard Noël, était, à ses yeux, infiniment privilégié pour accéder à la connaissance du réel, celle de « l’harmonie pythagoricienne », celle de l’unité des contraires car il portait la guerre logée en lui, ainsi pouvait-il connaître la réalité de la guerre, « la réalité la plus précieuse à connaître parce que la guerre est l’irréalité même » et même si elle recoonnaît qu’il n’est pas encore tout à fait prêt ce que Bousquet acceptait bien volontiers, lui qui affirmera après sa mort à Hélène et Pierre Honorat le 26 janvier 1945 : « Je n’oublierai jamais notre amie. Ses pensées étaient les miennes mais elle se reposait dans les pensées qui m’ôtaient le repos » ou encore à Jean Ballard : « Vous ne sauriez croire combien j’ai été heureux de causer un peu longuement avec Emile Novis. Il n’y a rien à reprendre en elle. J’accepterai volontiers de vivre dans sa peau, sauf quelques substantielles réformes côté ascétisme et plus de complaisance envers le mal. »
Parmi ces signes, celui-ci que je vais privilégier. Lorsque Bousquet lui demande « j’aimerais lire de vous des impressions mystiques », c’est bien qu’au cours de leurs conversations quelques allusions avaient été faites au fait qu’elle avait connu de telles « impressions » et en un abandon qui n’est permis qu’à l’amitié la plus vive, elle lui avouera, le 12 mai 1942, comment se récitant à elle-même le poème Love du poète anglais George Herbert (1593-1633) « pour la première fois, le christ est venu (la) prendre » , aveu qu’elle n’avait fait à personne, qu’elle redira, quelques jours plus tard, au seul Père Perrin…
Voyons, finalement qui se rencontre ?
23:05 Publié dans Du côté de Joë Bousquet, Du côté de mes interventions, Inédits | Lien permanent | Commentaires (0)
31/01/2007
LU 10 - Clarté sans repos d'Antonio Gamoneda
22:56 Publié dans Du côté de mes interventions, Inédits | Lien permanent | Commentaires (2)