Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

24/03/2007

Lu 11 - René Char, Lettera amorosa



medium_lettera_amorosa224_-_copie.jpg« Marcheur puissant » aux « poudreuses enjambées » capables de « (lever) un printemps derrière elles », c’est sur les mots que marche René Char qui « savent de nous ce que nous ignorons d’eux ». Ainsi des chemins – les vrais, les libres . Ainsi « (errons-nous) autour de margelles dont on nous a soustrait les puits ». Oui, des mots manquent. Mots de passe pour le réel tandis que la parole de poésie reste là à disloquer la réalité de la langue pour laisser battre quelques portes. Il y a dans cette tension, cette énergie qui traverse et tient les mots du poème dans l’ouvert, cette violence retenue du poème comme la ligne de vol de toute caresse, comme le mouvement même de l’amour : amour de la langue, amour d’une terre, amour de la femme.
C’est ce mouvement là qui anime cette Lettera amorosa que nous donne à lire aujourd’hui Poésie/Gallimard. L’érotique est ici éthique de la parole. Femme et langue sont là comme absentes. La langue parce que reclose sur elle-même, figées dans ses notions prédéfinies. L’écriture de Char l’attaque, la malmène jusqu’à l’ouvrir sur cette jouissance secrète qui s’accomplit en un « merci » par lequel le poète donne congé à sa « fleur de gravité », « iris d’Éros, iris de Lettera amorosa ». Celle qui continue à « (accompagner) le retour du jour sur les vertes avenues libres. »
Cette édition présente l’intérêt de nous offrir non seulement les deux versions du texte, celle de 1952 sous le titre de Guirlande terrestre et celle de 1964 parue dans l’anthologie Commune présence, qu'on trouvera également dans la collection Poésie/Gallimard, mais également la reproduction des 16 collages de Jean Arp qui accompagnaient la première version et les 24 lithographies de Georges Braque qui allaient l’amble avec la deuxième. Quand on sait combien René Char fut attentif à ceux qui furent ses « alliés substantiels », ces peintres qui à l’instar de Picasso en 1939 lui offrirent – et continuent à nous offrir – « mille planches de salut », on mesure l’importance du dialogue ici offert.

© Alain Freixe

Les commentaires sont fermés.