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31/01/2007

Lu 9 - Les silences du passeur de Jean-Max Tixier

Après la métaphore du chasseur – Voir son précédent livre paru aux éditions du Cherche-Midi, Chasseur de mémoire en 2001 – que travaillaient déjà l’âge, le silence et le vide, celle du passeur s’est imposée à Jean-Max Tixier pour rendre compte de la position du poète pris entre écrire et vivre, aujourd’hui que « l’ombre attend sur le quai ».Aujourd’hui, l’autre rive se dessine. Approche dans les clapots. Les vents sont tombés, la clarté en est resté comme voilée. Tout a vieilli n jusqu’aux silences. C’est pourtant sur eux que va s’appuyer le passeur pour poursuivre tant sa passion est de passer, debout sur sa barque, les yeux jetés à l’avant comme pour le tirer jusqu’à lui.Que reste-t-il au final quand « la musique n’est plus / ce qui s’ajuste au cœur », quand «  à l’abrupt du vertige. Plus rien ne (nous) retient des images antérieures. Les sites traversés ont glissé dans l’oubli. Le visage des femmes aimées. Et leur sourire de brume. » ? Rien d’autre qu’à entrer dans l’oubli et risquer à partir de lui, du labyrinthe qu’il dessine quelques mots, choisis, posés et ajustés par cet artisan du verbe qu’est Jean-Max Tixier qui connaît leurs potentialités comme leur fonction poétique. Pris dans leur matérialité sonore et visuelle que ce soit dans des poèmes en prose ou en vers libres longs comme courts – on rencontre ces trois formes dans ce livre – ils s’ouvrent sur des strates – vers le bas – et des étages – vers le haut – de sens.Dire l’oubli, c’est faire venir sur le devant de la scène du poème, où les mots disent les absences, entre les mots l’absence elle-même. C’est dans cet acte que « le vide affronte le silence », en lui que « le courant emporte les images / à quoi s’accorde le regard », là vit le désir « qui survit au désir ».
C’est à partir de lui que jean-Max Tixier peut affirmer « parler pour n’être pas vaincu ». Car c’est ici que tout se passe. Ici qu’est l’autre rive. Ici et dans l’amour de la « femme de fin dernière », entrer dans la sérénité du froid mais « dans le soleil » et « épouser l’immobilité ». Et cela n’est pas se résigner mais « changer d’avenir ».
« Mes mots donnent la chair / à ce qui n’en a pas » écrit Jean-Max Tixier. À quoi je rajouterais volontiers qu’ils ouvrent des yeux dans la langue que tant de choses aujourd’hui ferme, replie sur elle-même, emprisonne dans une absence de sens coupable. Jusque dans ses « silences », le « passeur » nous assure encore que le feu de poésie peut prendre dans la langue et l’on sait, aujourd’hui comme hier, combien sa lumière et sa chaleur nous sont nécessaires.
 
 ( Jean-Max Tixier, Les silences du passeur, Le Taillis Pré, 17 euros )

17/12/2006

Turbulence 8 - À Grasse, une Maison de la Poésie? Oui!

Il était temps de le faire savoir! Sa naissance officielle date du 5 septembre 2006.medium_Maison_Poesie.jpg

On la trouve :rue de la Lauve 7-9 place du Rouachier 06130 Grasse (Tél :0493405640- lapoesie.aunvisage@laposte.net) Depuis peu de jours, elle est membre de la Fédération européenne des Maisons de la Poésie.

Il faut savoir que La poésie dans ce département des Alpes-Maritimes a un fonds de poésie contemporaine riche de quelques 30000 volumes. On l’appelle le « fonds Vendel », du nom de Monsieur Henri Vendel, inspecteur des bibliothèques pour le sud de la France qui, amoureux de poésie, décida qu’un des trois exemplaires du dépôt légal arriverait à Grasse à des fins de conservation et rayonnement. Cela dura entre 1953 et l’ouverture de la Bibliothèque François Mitterand. Et même si au passage la bibliothèque de Toulouse s’offrit quelques cartons, il y a ici de quoi faire !
Ce fonds est unique en France. Cette richesse culturelle entre Poésie et Patrimoine dépasse la ville de Grasse. Le département. La région. Je passe sur le rôle de l’éducation nationale, les stages qu’elle a pu y organiser. Je passe sur le rôle de l’association Podio, pour la défense et l’illustration de la poésie à Grasse – Bientôt 20 ans ! – que j'ai animée avec Jean-Marie Barnaud avant qu'Yves Ughes ne prenne le relais dont l’objectif était d’une part, d’animer du point de vue de la poésie la Bibliothèque Municipale de Grasse et faire rayonner ce fonds et d’autre part, de travailler à l’ouverture d’une Maison de la poésie qui gérerait et valoriserait ce fonds. Je n’insiste pas sur la manifestation La poésie à un visage, créée il y a maintenant neuf ans – Avant même la fameuse semaine du Printemps des poètes et qui d’ailleurs l’encadre sur tout le mois de mars – pour médiatiser encore plus l’existence de ce fonds.
 
ça y est, nous y sommes. On Y accueille des chercheurs et des curieux; des groupes et des classes. On Y organise des lectures, des conférences, des rencontres avec des poètes, des stages de formation à la poésie contemporaine...Cette structure municipale dépendant de la Bibliothèque Municipale est un lieu de vie (voir note du 21/11/06 sur André Frénaud ici même et celle du 30/09/06 sur le blog Les voix du Basilic, amourier.podemus.com).
 Alain Freixe

 

09/12/2006

Turbulence 7 - Jérôme Bonnetto, Vienne le ciel et le personnage de roman

Le 18 novembre 2006, à la Bibliothèque Municipale à Vocation Régionale Louis Nucéra de Nice, Jérôme Bonnetto après une très belle lecture, retenue et juste, d’extraits de son livre Vienne le ciel publié dans la collection Thoth des éditions de l’Amourier, a énoncé une idée bien intéressante concernant la création littéraire recoupant celle d’inspiration, de plan de travail, etc…La question était celle de savoir si Vienne le ciel était un roman. Jérôme Bonnetto a accepté l’idée que s’il y avait une chose dont on pouvait être sûr, c’était que le personnage était essentiel au roman – Y compris après les divers décapages du Nouveau Roman encore que nous ne lui ayons pas posé cette question – Du coup, il nous a présenté sa manière à lui – difficile et de type chantier entre décombres, gravats et matériaux divers– de chercher et de faire naître un personnage .Deux possibilités, a dit Jérôme Bonnetto , soit on part d’une structure préétablie, une architecture de récit et des personnages déjà à peu près définis, à l’armature psychologique forte…- Et avec quelque talent, on écrit – soit – et c’est la voie de Jérôme Bonnetto – la langue est première. Ainsi pour Jérôme Bonnetto il lui faut errer dans la langue et par tâtonnements, essais d’écriture, mots, tours syntaxiques, rythme, remuer la langue jusqu’à trouver une langue, celle du personnage, celle qui mettra au monde le personnage.
Le personnage comme être de langue, c’est là une voie de poète. Le personnage qui en sort ne peut qu’en demeurer marqué. D’où l’importance pour lui des monologues intérieurs. Ada est d’abord un phénomène de langue. Du coup les autres personnages de Vienne le ciel, le photographe surtout, Alexandre même ont moins de présence.
Pour les poètes, le langage n’est pas un simple instrument de communication, il est ce qui toujours naît au point de friction de notre conscience et du monde. Là, des images, un rythme qui s’habille de mots, naissent.
Dirais-je qu’une fois trouvée la langue et donc le personnage, le danger que court un romancier tel que Jérôme Bonnetto, c’est de tomber amoureux de son personnage. Pourquoi danger ? Parce qu’il risque de s’enivrer de sa musique et oublier le drame du sein duquel est né le personnage, non ?
© Alain Freixe

Daniel Mohen - La pratique du jardinier et la créativité artistique

medium_arbre_2.2.jpgC’est en fréquentant les jardins potagers de l’arrière pays niçois, peu après mon installation dans la région, que j’ai découvert un monde étrange, révélant peu à peu des pratiques étonnantes liées essentiellement à la culture des légumes et des fruits.        

A Lucéram, en plein hiver, mon regard avait tout d’abord été alerté par des chiffons multicolores suspendus aux arbres : de vieux vêtements qui n’avaient pas été accrochés là par hasard…Puis j’avais trouvé de véritables tissages fabriqués avec des bouts de ficelle, des filets, des morceaux de fil de fer, des vieux sacs en plastique. Peu à peu j’ai découvert un monde où l’imaginaire et les techniques de culture faisaient bon ménage.        

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j'ai trouvé, dans ces jardins, un écho à certaines de mes préoccupations plastiques, un climat de créativité qui m’a séduit. J’y ai découvert les indices d’une pratique riche, débordante, spontanée, liée à deux notions-clef dans l’art contemporain : la récupération et la réutilisation. La récupération, en effet, est une des activités première du jardinier : matériaux divers, objets, ustensiles, récipients, glanés à droite et à gauche, rangés, stockés avec le plus grand soin, à l’abris. La réutilisation montre l’ingéniosité, la

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rationalité, l’organisation du travail, mais aussi l’astuce, et même l’humour du maître des lieux.        

Depuis quelques années, j’ai gardé des photos, témoins de mes découvertes et de mes réflexions. Je propose ici quelques feuillets de ce carnet de notes.

© Daniel Mohen

Madame venue dans le travers de mon travail sur Jacques Dupin,le 17 novembre 2006

Madame s’est heurtée au jour. Madame , à portée d’air, robe arrachée, dessous déchirés, écartelée entre les pierres du torrent dans le silence cousu par le soleil. Madame, ce liseré bleu de vierge qui jubile  sur la montagne quand le ciel fait la halte.


24/11/2006

Dominique Sorrente - Hypothèses du feu (extrait de Mandala des jours - à paraître)

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Dominique Sorrente est né en 1953 à Nevers. Enfance vécue sous le signe d'une double influence, arrière-pays celtique et présent méditerranéen. 
Il vit aujourd'hui à Marseille. Il

écrit depuis l'âge de 16 ans, époque où il se lie d'amitié avec le poète Christian Guez-Ricord (1948-1988). 
Il participera à la vie de la revue SUD jusqu’ en 1998. 
Il a fondé et anime aujourd’hui l’ association de poésie Le Scriptorium.

Ses principales publications
se trouvent dans la collection verte de Cheyne Editeur.:
La Lampe Allumée sur Patmos (1982)
La Combe Obscure (1985)
Les Voix de Neige (1988, Prix Louis Guillaume 1988)
Petite Suite des Heures (1991, Prix Antonin Artaud 1992)
Une Seule Phrase pour Salzbourg (1994)
La Terre Accoisée (1998) 
Le Petit Livre de Qo (2001)

 

 

 

Fougères d’amnésie. Se souvenir est comme un bruit de porte. L’ancien monde du bois.

                     *

Air disséminé, toujours en lisière de ce qui candidate au langage. Tout un monde autour de la peau, muet encore.

                       *


Aléatoires, les fuites du temps. Où nous passons sans retenir, cela crépite.

                       *


Dire qu’il suffit d’un oiseau de feu pour réfuter l’épaisseur sans horizon des choses.

 

 *

On donne des mots en pâture au maître intérieur qui les broie peut-être ou les ingurgite. Quand on les récupère, ils ont un drôle d’air d’introuvables.                       

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21/11/2006

André Frénaud, poète métaphysique?

(Texte remanié d'une conférence prononcée à La Maison de la poésie de Grasse le vendredi 17 novembre 2006 à l'invitation de l'association Podio qui travaille pour "la défense et 'illustration de la poésie à Grasse.

J'invite ceux qui souhaiteraient prendre connaissance des poèmes lus lors de cette intervention à se procurer les livres. L'oeuvre poétique d'André Frénaud se trouve maintenant disponible sous la forme de 5 volumes dans la collection Poésie/Gallimard)

                               

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« Oublions les choses, ne considérons que les rapports"

Braque 

 

 

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Et d’abord pourquoi André Frénaud ?

Peut-être à cause de ces mots de Bernard Noël rencontrés dans son article sur jacques Dupin paru dans Strates, volume collectif dirigé par notre ami Emmanuel Laugier : « Peut-être Jacques Dupin a-t-il des frères en Pierre-Jean Jouve et en André Frénaud, il n’a pas de semblable », mots qui font signe vers une voix, un  timbre singulier, une manière unique de remuer la langue et de la faire sonner de manière tantôt assourdie et tantôt agressive…

Peut-être à cause de cette solitude dans le paysage poétique des années 50/80 qui le voit persister alors que s’imposent fragments et dis-jonctions à écrire de longs poèmes qui sont  autant de vastes méditations, autant « d’affrontements de la nuit qu’il avait en lui », selon les mots d’Yves Bonnefoy.

Peut-être à cause de ces mots anciens de Montale qui en 1953 écrivait : « La poésie est appréhendée par lui comme un acte vital qui porte et résout en soi toutes les contradictions par le fait même de les vivre (…) c’est le seul monde où puisse évoluer u !n homme comme André Frénaud, poète de grande culture, mais qui ne croit pas à « la littérature », individualiste, sinon anarchiste, disons un esprit réfractaire qui ressent pour les hommes une « piété » infinie et qui ne pense pas qu’on puisse les racheter à coups de trique, comme on le fait des brebis égarées. »

Ou ceux de mon ami Gaston Puel qui dirigea en1981 un N° spécial de la revue Sud sur André Frénaud et qui écrivait dans sa préface que ce dernier « se (présentait) à nous comme l’un des poètes français les plus nécessaires à notre survie d’homme de 1981 »

Peut-être à cause des paradoxes que souligne Gaston Puel: -    homme qui commence par la fin. Ainsi le poème Epitaphe qui date de 1938 et ouvre son livre Les rois mages paru en 1944 chez Seghers

Lecture de Epitaphe, Les Rois mages, Poésie/Gallimard, p.15 (30 ‘’)

-    homme qui aime les hommes mais qui écrit un ‘je me suis inacceptable » !


-    athée qui ne cesse de revisiter la tradition chrétienne


-    révolutionnaire tôt revenu de ses rêves mais qui pas de son idéal de justice


-   amoureux de la nature qui déclare que « toujours les grandes villes (l’)ont troublé plus que la nature qui est trop claire et qu’elles seules donnent « le sentiment de ce que l’on n’atteint pas »

- amoureux de son « vieux pays » de Bourgogne mais qui avoue s’être épris définitivement de l’Italie et peut-être à un degré moindre de l’Espagne.

On pourrait continuer...


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15/11/2006

Marcel Migozzi - Vers les fermes, ça fume encore (Extraits)

À Jean-Loup Trassard

1


J'aurais d'une passion très lente aimé garder les vaches ( en chemins creux
et près en douce qui s'en vont courber la terre verte ) aimé
pour ne pas oublier l'odeur surtout des grosses à lait cru
déchets sacrés et encollés poils
de déesses.

Et le purin comme un étang
avec son job des profondeurs :
amant délivré des matières.

2


Un soir d'hiver ça fume à l'ombre
d'une brouette paillée.
Etable d'or et de fumier pour les oiseaux.
Et l'écriture mieux respire
à des poèmes qui survivent à l'enfance.

3


Dans les feuillées, un ange
passe et s'accroupit,
comme autrefois à la vidange dans les herbes,
( puits perdu, fosse ) on s'abandonne.

Viennent les délivrances, odeurs
des restes à soupirs.


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01/11/2006

L'oeil dans la main - à propos du travail de Frédéric Lefeuvre

medium_Vers_le_non-lieu_originale.4.jpgCes images cherchent à saisir le monde à son point le plus vivant. Là où ses frappes nous touchent. En ce point de vie qui fait trou dans la réalité.La technique n’a pas changé. C’est toujours de développement dont il s’agit. Mais là où il y a changement, c’est que dans les images de Frédéric Lefeuvre, Le développement se montre en tant que tel. Il vient sur le devant de l’image. Occupe son avant-scène. En propre.Chez Frédéric Lefeuvre, la photographie n’est pas art de la répétition. Retour à l’identique de ce qui a été. Tel quel. Privé de son champ de possibles, de cette banlieue du sens, de ces terrains vagues où demain se prépare dans les fumées. Cette mauvaise image qui rabat le fait sur lui-même, l’enferme sur lui-même par soustraction, lui retirant ce cortège de possibles qui l’accompagnait, on ne la rencontre pas chez Frédéric lefeuvre.    Ces images à lui sont parfois déroutantes, c’est qu’elles s’arrachent à leur narrativité, à leur pouvoir de représentation et d’illusion. Elles sont travaillées de l’intérieur par cet arrachement.medium_FL-Romance-Juillet_2002_.2.jpg
 
 
 Du coup, c’est bien l’image qu’on voit et pas seulement ce qu’elle était  sensée nous donner à voir.
 
L’image chez Frédéric Lefeuvre s’avoue image. Support qui n’entend pas passer derrière. Disparaître. Au profit dont ne sait quelle scène se donnant toute entière à voir.Ainsi les images de Frédéric Lefeuvre sortent de la dimension représentative, mimétique. Elles ne sont pas non plus seulement choses mentales. Elles se construisent au fond des cuves comme les anciennes potions dans les chaudrons de nos sorcières.Elles s’inventent. A la main. A travers les caresses de la main. Ses saccades. Ses heurts. Frottages. Raclages. Où c’est le grain du papier qui s’ouvre. Déplacements. Effets de bougé. Pertes des appuis. Comme sous vent claquent des voiles ou frémissent des feuillages.L’ image chez frédéric Lefeuvre défini cet entredeux entre l’oeil qui a saisi aux griffes de ses appareillages divers les choses de la terre et la main qui développe moins un négatif, comme on dit, qu’elle ne rend à la vie ce que le regard avait serré. De là ces éclats. Ces tournoiements de lumière poreuse. Ces réserves de formes possibles. Cette quête d’apparitions.Le travail de la main chez Frédéric Lefeuvre prolonge celui du regard. La main vient au secours de l’oeil. Toujours trop bandé. En risque de perte. La main ne fait pas confiance à l’oeil : « quelque chose était à voir que tu n’as pas vu et que je vais te montrer », semble-t-elle lui dire. La main va fouiller ce que le regard a capté. Capturé. Elle va l’apprivoiser. Et sommera à comparaître cela qui se cachait dans le visible. Cela qui tremblait entre terre et ciel. Se retenait entre eau et branche. Brûlait entre air et nuages.La main va chercher à faire apparaître en fouillant jusqu’aux signes de l’image quelques traces de cet inconnu. Ce non-connu d’à côté. Pas cet invisible de derrière. Elle va chercher à lui donner chance comme à ce lointain toujours soufflé sous les coups du dehors. C’est lui qu’elle va tâcher d’essouffler medium_Errance_rouge-09-02.5.gifau travers des sels et des acides. Dans la cuve. Jusqu’à le ramener sinon tel quel du moins tel qu’il se donne dans  son effacement. C’est cela qui reste.  La trace d’un retirement, d’un en-aller.La question reste bien toujours celle de savoir comment produire des images en photographie qui ne soient pas redondantes par rapport à la réalité. Qui donnent toujours sa chance au réel comme celles de Frédéric Lefeuvre.Répétons. D’abord, il y a eu ces paysages. Ces choses de la terre sous le ciel. Regardées longtemps. très longtemps.
Ensuite, il y a eu leurs traces dans les yeux. Sillons plus qu’empreintes. Moins caractères qu’entames.Et sur leurs devers a glissé la mémoire jusqu’à ce que ce soient comme deux trois pousses qui du fond des solutions ont remonté. Comme deux trois mots sur la page peuvent lever.En avant du poème.medium_Pont_du_diable_12.02.jpg
Quelque chose vient d’ailleurs. Quelque chose n’en finit pas de remonter du fond des images de Frédéric Lefeuvre. Quelque chose qui les éclaire de l’intérieur.Loin de tomber sur ses images, la lumière en émane. Comme si elle provenait de lampes habitant depuis longtemps leur fond obscur. C’est elle que Frédéric Lefeuvre fait lever depuis la cuve. Les images qui y bouent sont des corps de lumière blanche. Corps de lune. Ils rayonnent.
 
Autour, il y a le gris d’une brume légère qui souvent tournoie, tourbillonne. Comment savoir si elle met les choses au fond d’une transparence ou derrière un voile? Les images de Frédéric Lefeuvre sont une réserve de formes . Un  lieu possible de surgissement. Ce sont des aérolithes. Elles se suivent. Et voyagent. Entre perception, mémoire et imagination. Elles secouent les trois. Et quelque chose du ciel s’en trouve comme descellé. Et passe. En coup de vent.
medium_L_Atalante_06.2003.jpg
 
 
 
 
 
L’ombre se fait en nous tandis que dehors les mots éclairent encore tout un pan de ciel. Leurs souffles font bouger les feuilles des branches. Suspendues dans la tourmente d’un ciel en flammes.
Ce pourrait être la nuit. Un clair de lune exangue chercherait après son âme. Cette tournure, les doigts dans la cuve et le silence qui racle. Avant le couteau des sels. Et pour tout prix ce feu dont il rêve.
Cette vibrée d’un moment, combien a-t-il fallu de caresses acides pour qu’elle s’engouffre dans nos chemins et se rue jusqu’à nous?
 
© Alain Freixe

18:00 Publié dans Inédits | Lien permanent | Commentaires (0)