Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

02/02/2008

Lu 21 - Giacometti/Dupin -Eclats d'un portrait

( Est paru chez André Dimanche éditeur (39 euros) de Jacques Dupin, Alberto Giacometti Eclats d’un portrait avec des photographies de Ernst Scheidegger ) 2a428670285a56c9f067f5feeda51b7c.jpg



Dans ces Eclats d’un portrait, Jacques Dupin ne nous livre pas le simple compte-rendu, toujours lacunaire, d’un souvenir. Par delà l’anecdote qui concerne le 46 rue Hippolyte-Maindron à Paris (14ème), l’automne 1965 qui vit Giacometti accepter, par amitié pour Jacques Dupin, l’intrusion de la camera de Ernst Scheidegger et le hasard qui permit de retrouver à Zurich, dans les studios de Scheidegger,  une caisse remplie des photos du film, ce qu’on lit dans ce très beau livre est une relève.
Il ne s’agit pas pour Dupin de dire on ne sait trop quelle vérité sur ce qui s’est passé dans cet atelier mais dans le jeu entre les images reproduites ici et les mots de Jacques Dupin de dire au plus juste. De reprendre. Porter plus avant le souvenir, cela est relever. Porter hier dans un futur.
Le porter au plus près de cette avancée dans l’inconnu, après que le premier trait comme le premier pas ait introduit le porte-à-faux d’un déséquilibre. Et c’est alors comme un souffle toujours là à tisonner le feu qui à brûler toujours plus, s’effondre braise sur braise. Et c’est cet éboulement, celui d’une interrogation qui s’entretient interminablement elle-même, qui tient, trait à trait, comme tiré du vide et devant nous porté comme devant le regard perdu de Giacometti. Qu’il dessine ou sculpte – les deux séries de photographies sont superbes de complicité attentive – une tête – celle de Dupin, « tête d’un autre dans le regard d’Alberto » écrit-il – surgit moins qu’elle ne se déclôt, sur la toile ou dans le bloc de terre, trait pour trait, pétale de terre après pétale de terre, comme autant de saetas, flèches sonores qui déchirent le ciel vide,  à partir d’un tout perdu, ce fantôme de tête que Giacometti a perdu, explique Dupin, à peine s’est-il emparé du pinceau ou de la terre.
Il est ainsi très émouvant de suivre Giacometti et Dupin avancer dans l’ignorance de la fin sans souci d’arriver. Etrange voyage vers la figure ! Vers ce qui se dérobe toujours alors même qu’elle s’affirme, se cache alors qu’elle se montre, se détruit alors qu’elle se construit. Etrange construction dont le processus est de démolition ! Ici travaille la ruine. C’est elle qui édifie, trait contre trait ; coup de pouce contre coup de pouce. Ce qui élève abaisse, ce qui amoindrit relève.
Ce livre est l’autre scène d’une danse . Celle de mains funambules, amoureuses du vide.
 
© Alain Freixe 


Commentaires

Nous savons la fin du voyage, il est donc heureux et reconstituant de créer des territoires qui permettent d'avancer vers une fin non définie, à trouver pas à pas. dans cet imprévisible, l'amitié pour viatique.
yves ughes

Écrit par : yves ughes | 03/02/2008

Et tu sais Yves que pour moi "amitié" est l'autre nom de la littérature - de tout procès artistique - lorsqu'elle se pense comme question!

Écrit par : Alain Freixe | 03/02/2008

C'est bien l'amour du vide, en effet, c'est-à-dire l'attention au surgissement du surgissant. Serait-ce là ce que tu appelles "l'amitié", Alain?

Écrit par : François Laur | 03/02/2008

L'amitié, cher François, ce serait aussi l'autre nom de la traversée où se rencontrent ceux qui déplacent la douleur dans un remuement de signes. Ceux qui "(traduisent) du silence"!

Écrit par : alain Freixe | 04/02/2008

Peut-être, c'est vrai, la poésie est-elle "le plus court chemin d'une sensibilité à une autre", comme dit André Beucler.

Écrit par : François Laur | 04/02/2008

Les commentaires sont fermés.