Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

13/12/2008

Hans Freibach - Lalla des vestiges (à propos de Désert de J.M.G. Le Clézio

( Mon ami Hans Freibach vient de me communiquer ce texte sur Désert de J.M.G. Le Clézio. Ce texte avait été publié aporie-desert790 - copie.jpgdans la revue Aporie que dirigeait depuis Revest-les-eaux dans le Var, Jean-Claude Grosse. C'était en 1988.

Rappel:

D'Hans Freibach, on lira dans nos Archives:

- en novembre 2006: Du verrou à la clé (une réflexion sur la question du lieu en poésie)

- en décembre 2006: Les beaux chemins de Philippe Jaccottet )

 

 

Lalla des vestiges



« La philosophie n'a plus qu'une tâche : accuser partout l'occupation des lieux par la soldatesque. C'est de cela que nous mourons.» Ainsi parie Michel Serres.
Ailleurs, commentant le livre de Robin Clarke, La Course à la mort, il nomme « Thanatocratie » le gouvernement de ces forces qui nous dominent, depuis Hiroshima : instinct, ou claire décision du politique, ce sont des forces de mort.
Ailleurs encore, comme Girard et quelques autres, il suit, en amont, et jusqu'aux origines, la trace de ces conduites sacrificielles qui installent le pouvoir sur d'horribles offrandes.
Al’origine, nous les hommes, avons toujours su trouver des raisons pour tuer. Et nous, en Occident plus peut-être encore que les autres, nous qui possédons, comme les autres, cette arme imparable, l'argent, mais nous qu'inspire cette âme pervertie, lucide et raisonnante toujours, qui a son siège dans nos yeux : peut-être, oui, n'ayant jamais su regarder en vérité, avons-nous le regard qui tue ; le regard « qui ment ».
C'est tout cela que dit Désert, et plus encore. Car on doit bien se demander, fermé le livre, s'il ne faut pas modifier la formule de Serres. Dire « c'est de cela que nous mourons » ne suffit plus. Peut-être faudrait-il dire : « c'est de cela, de l'occupation violente du monde, que nous sommes morts », nos yeux, définitivement, étant aveugles.

*

Lire la suite

11/11/2008

Jean-Max Tixier - Gloire et défaite

A l'occasion de la sortie de notre livre d'entretien Les chants de l'évidence, j'ai demandé à Jean-Max Tixier de me confier un texte inédit. J'en profite pour faire une rapide présentation de celui qui se définit parfois "par provocation" dit-il comme "polygraphe"!

tixier_jean_max.jpgJean-Max Tixier est né en 1935 à Marseille. Etudes de sciences et de lettres. Thèse de IIIè cycle : "Poésie et Mathématique". Poète, critique, romancier, il s'intéresse à l'écriture sous tous ses aspects et aux rapports entre la littérature et les sciences.
Il est l'auteur de plus de 70 ouvrages dans des genres divers (certains en collaboration ou sous pseudonymes), dont une quinzaine de plaquettes et recueils de poèmes.Grand prix Littéraire de Provence en 1994 pour l'ensemble de son oeuvre.
Il est membre du comité de rédaction des revues "Autre Sud" (après la revue "Sud" 1970-1996), "Encres Vives", "Poésie 1 Vagabondages".

 

 

GLOIRE ET DEFAITE

 

1-

Ce n'est pas le hasard si parti d'un lieu qui ne m'habite plus j'ai traversé la plaine d'une seule traite inspirée de l' aurore au couchant.

Je portais sur mon dos le fardeau de la nuit. La pesanteur impalpable du songe qui rend le pas hésitant. A l'heure de l'éveil.



2-

Maintenant debout au bord de la falaise. Dressé dans Fhypnose du ressac. Mon cœur qui se délite sous les coups. Dans le fracas me vient l'image lancinante de la roche. Dans l'unisson violente de l'assaut.



3-

Le vent surgit de tous les horizons. Son souffle sur mon souffle. Ah ! si belle la vie d'avoir atteint son terme ! Les phrases de tous les jours anciens s'écrasent dans l'éclatement de l'écume. Les basses nuées se déchirent au premier cri de démence sous le crâne.



4-

La terre tremble. Imperceptiblement. Une longue déchirure entame le silence. Quelque chose en moi s'ouvre et vomit de l'obscur. Le vide
attend un geste qui ne vient. Exaltation des limites, le bonheur fut dur sous mes pas.

© Jean-Max Tixier

Jean-Max Tixier - Les chants de l'évidence (entretien avec Alain Freixe)

Cet entretien devait paraître dans la collection "Visages de ce temps" que dirigeait Jean Digot chez Subervie. La mort de ce dernier remit tout en question. Thierry Renard et ses "Paroles d'aube" voulut reprendre le projet. Mais l'économie eut raison de cette maison d'édition. Les années passaient. Enfin, les éditions "Autre temps" accueillirent ce qui était devenu, au fil des lettres échangées, des questions posées, des réponses engrangées et discutées, un vrai livre. Il vient de paraître (Autre temps éditions, Parc d'activités de la plaine de Jouques,200 avenue de Coulins, 13420 Gémenos - 16 euros).Couv Tixier-Evidence789.jpg

Je reproduit ci-dessous la quatrième de couverture signée par notre ami Jacques Lovichi:

"Pour qui croit vraiment le connaître, Jean-Max Tixier apparaît, poétiquement, politiquement, affectivement, comme le lieu privilégié d'un affrontement permanent, d'une inextricable et inconcevable mais féconde contradiction qui le fonde et le meut dans une effervescence continue dont il domine les sursauts et les apparentes incohérences par l'usage constant d'une implacable logique.
Son humour est celui du doute qu'il doit à son maître Montaigne, sa violence est celle de l'éternelle jeunesse domptée par un cartésianisme très relatif et spécifique, sa poésie - diverse et multiple en sa
somptuosité verbale - n'appartient qu'à lui. Refermant le présent livre, dans lequel Alain Freixe (il y fallait un autre poète) exerce une maïeutique serrée qui tente de cerner l'homme et l'œuvre, en saura- t-on davantage sur le phénomène Tixier ?
Oui, sans nul doute. Mais le cœur du mystère résiste à toute investigation. Dans cette « mise en scène » qu'organise subrepticement le principal intéressé, on frôlera parfois de si près la vérité (existe-t-elle
en ces matières, du moins n'est-elle pas multiple, insaisissable ?) que l'on croira avoir tout compris de la poésie, des poètes, et spécialement de celui-là.
Fort heureusement, il n'en est rien.
Peut-être même l'énigme s'épaissit-elle dans l'ambiguïté qui fouaille, constitue, détermine le funambule, lui tenant lieu de balancier.
Ci-gît l'éternel paradoxe.
Et c'est très bien ainsi."

04/11/2008

Les errances de l'écouflé

Un oiseau ami traverse la toile, c'est l'écouflé. Cet oiseau de proie proche du milan entend "partager (ses) découvertes quelles qu'elles soient". Ainsi vole-t-il entre entre in formations sur la littérature - présentation de la collection Métive des éditions Tipaza - , la peinture - présentation du site artvif et du travail de Patrick Lanneau - et la gastronomie - recettes que la plume de l'écouflé aère de sesbattements nerveux.

Rendez-vous à http://ecoufle.unblog.fr

12/06/2008

Bruno Thérasse à Coaraze, le 6 juin 2008

2137bcc65161b26a1597fffce483e19b.jpg ( Bruno Thérasse est né en Belgique en 1961. Formation de comédien à Bruxelles, à Paris.  Films, Courts métrages, Pièces de théâtre, et l’écriture qui en est à ses débuts …
Ce texte a été écrit dans le cadre d’un atelier d’écriture dirigé par Jeannine Bastide, à l’occasion de la 10ème Fête des Amis de l’Amourier : Voix du Basilic, à Coaraze. C'est là que je l'ai rencontré ce vendredi soir 6 juin, entre deux averses et trois éclairs. )

 Derrière la porte


J’ai pourtant choisi d’être là,
de vivre dans une pièce,
avec une table, une assiette, une cruche,
un couvert … avec moi, je suis sur une chaise.

(photo Roger Guion)

Le seul contact humain qui ouvre la porte de mon alcôve, c’est une dame sans visage.
Elle a une robe noire de la tête aux pieds.
Elle m’apporte deux ou trois bouchées, cela me suffit amplement.
En fait, je ne cherche plus à savoir.
J’ai perdu la notion du temps,
mais pourtant, j’ai l’impression d’avoir grandi.
Je suis sûr d’avoir été plus gros.
J’avais du mal à m’asseoir sur cet espace à quatre pattes que l’on glisse sous la table.
Je me souviens de mon souffle laborieux,
j’avais des difficultés à mettre un pas devant l’autre.
« Espèce de gros patapouf. Attends ! …  On va chercher une aiguille … On va te péter !»
Le jour où j’ai senti la peau sur mes os, je n’ai plus été le même.
J’étais devenu marcheur, mes yeux étaient plus forts que tout,
et je transperçais les murs épais de ma chambre.
Depuis, je marche beaucoup, au dehors.
Tous les jours, je sors.
Et aujourd’hui, la campagne est habillée de blanc.
Depuis combien de temps ?

© Bruno Thérasse 

02/06/2008

Jo Falieu - Jeu d'ombres / je d'autres

bbf0e1f432c40a9e2b7176a017526e01.jpg(Jo Falieu est né à Claira, près de la côte catalane, e, 1944. Il enseignera la philosophie puis se fixera dans un mas de montagne, qu'il rebâtira avec  ses proches, au pied du Canigou. Art de vivre un chemin de poète - paysan-philosophe. Art de guetter dans le jeu d'ombres de l'homme-caverne quelques traces d'une semblance d'autres où se joue le je. Il publie Jeu d'ombres / je d'autres aux éditions Itaca, 66360 Nyer - http://editions.itaca.fr), 12 euros.)

Lui et moi savons des orties la lumière de feu sur la chair sur ces chemins de campagne où le consentement ne prend pas mais donne!

 

 

l'ortie


toute tendre
            quand elle vient
                                surgissant d'un nid de feuilles
bondissant sous la couverture automnale
                                                    encore là
fragile
        avec ses rares petites feuilles qui se balancent
avec ce vert naissant
                sirotant la douceur           appelant la caresse
pourrait-on seulement imaginer que l'ortie
                                        au bout de quelques semaines
    aura bond! avec fureur
                enflammant les pudeurs de celui qui s'y risque
qui s'y prend par mégarde
                                qu'elle prend dans sa rage
développant sa tige comme une hampe de soldat
                            carapaçonnée de poils ardents
        comme autant de cisailles
d'écailles de combat             pour défendre son antre
                empêchant toute approche
        développant ensuite ses graines urticantes
                        en un amas disgracieux
                                            repoussant foute étreinte
pourtant vous la domptez
                            Utilisant sa force
                                        dans une combinaison secrète
        qui transfère aux autres plantes
                                            un élan de croissance
                en un purin puissant
                            mettant en transe sa subtile alchimie
plus tard vous l'aimerez aussi
    si douce sous le palais          velouté de rocaille
                    comme une amie farouche
            elle surveille son monde et vous tient à l'écart
étrange gardienne des talus
                            à ['affût de la moindre étourderie
        véritable Don Quichotte                  des pas perdus


  © Jo Falieu

01/06/2008

Sophie Braganti et la mémoire des corps

30b65fb53801e090a84545a7efd4c9ae.jpgIl neigeait sur Nice en janvier 63 lorsque Sophie Braganti est venue au monde.  Des études en Sciences du langage puis un métier peu aimé; préparatrice en pharmacie. Puis l’écriture comme vrai laboratoire, champ d’expérimentations et de recherches des autres comme de soi. L’écriture comme quotidien au plus près de tout ce qu'elle voit, touche, entends…
Elle publie ces jours-ci aux éditions de l'Amourier - son récit Silvia Baci datait de 2000 - Chambres vides dans la collection Thoth. Ce sont 13 récits qui ont la chambre pour lieu commun. Et secret!9ad3339559d4375f41029eecf3dd7deb.jpg
Par amitié, elle m'a confié sa neuvième chambre, celle d'Yvette.

 

 Dernière chambre d'Yvette

 La maison est souvent fermée les framboisiers bien soignés les framboises abondantes. Roses vertes rouges noires. Certaines à terre. Mûrissent. Pourrissent. Pour les vers les fourmis les oiseaux la terre.
Le vent agite les rideaux en vichy bleu il y a des courants d’air c’est mauvais pour l’arthrose cervicale les portes claquent je les ferme.
Mon chalet c’est notre maison de retraite une vraie bonbonnière j’aime bien y venir avec mon mari mais pas l’hiver trop froid trop long trop lent trop de silence. C’est drôle comme des fois le silence il fait mal aux oreilles surtout quand il y a trop de neige. On hésite à sortir quand même si jamais on glisse c’est mauvais pour l’arthrose on sait jamais le col du fémur s’il casse c’est embêtant. Si on est bloqué après on peut plus monter jusqu’au Col de la Couillole celui qui va vers Beuil les pistes de ski et l’épicerie.
Des fois quand on part de la ville il fait beau et quand on arrive ici il fait mauvais. C’est capricieux le temps. Dans ce chalet on a toujours quelque chose à faire surtout de l’entretien ça occupe ça entretient. Des fois on fait l’aller et le retour dans la journée on fauche l’herbe on la brûle avec un peu d’essence on enlève les cendres je ferme bien les fenêtres pour la cendre sinon ça vole partout puis avant la nuit on plie bagages on redescend dans notre quartier. Mon mari faut toujours qu’il revienne sur ses pas vérifier qu’il a bien fermé à clef.
Ce qui est pratique c’est de pouvoir garer le quatre-quatre devant l’entrée de la maison pas la peine de marcher en portant nos sacs. On gare la voiture devant la porte on décharge on bricole et le soir on rentre en ville. Ici je dois faire ma poussière secouer mes draps c’est pas la peine de les changer ils restent propres longtemps un petit coup de balai le matin il me reste bien deux heures avant de préparer le repas. On mange toujours à l’intérieur derrière les rideaux comme ça personne nous voit et nous on voit personne puis le soleil c'est mauvais pour la peau. Après on fait un brin de sieste.
Jeannot il bricole. En ce moment par exemple il revernit les volets et moi pendant ce temps je fais ma vaisselle je l’essuie je la range je remets le napperon sur la table propre et dessus la composition de fleurs séchées que j’ai eu pour la fête des mères. J’adore les fleurs artificielles. Après j’ai bien trois heures à attendre avant de préparer le repas du soir. Le soir on mange léger pour mieux dormir un bouillon de légumes un bout de fromage un fruit. Si on reste ici la nuit c’est comme ça que ça se passe que ça passe.
 
L’après-midi je m’assois à ma table et je regarde un peu dehors je regarde Jeannot très affairé à travers la moustiquaire. C’est fatigant de le regarder il rabote un volet quelle poussière. De le regarder ça me fait dodeliner il dit que je parle seule et hop dodo. J’ai devant moi de la couture à faire Jeannot il use beaucoup les chaussettes trop je lui dis à cause de ses ongles des pieds longs et durs et moi je reprise au fait où sont mes lunettes j’espère que je ne suis pas assise dessus.
Il aime pas trop que je lise il veut bien que je fasse des mots croisés ça oui il est d’accord mais il faut pas lui parler de Guy des Cars ou de Françoise Sagan ou de comment il s’appelle l’autre qui est académicien il dit que ce sont des parleurs. Tout ça parce qu’il est jaloux ils sont plus intelligents que lui. Les mots croisés il comprend il veut souvent  m’aider mais si on remplit les cases ensemble on se dispute pour l’orthographe. Comme je lui explique moi ça me viendrait pas à l’idée de mettre mon nez dans sa boîte à outils et de lui proposer de scier les planches de toutes façons il supporterait pas et en plus je sais pas faire.
Hier on a eu la visite des voisins de la maison d’en face ils sont pas contents c’est des jeunes. Chaque fois qu’on monte ici ils disent vous faites tout le temps du bruit un coup la tronçonneuse un coup la débroussailleuse un coup la perceuse un coup la tondeuse et la radio baissez un peu le son ils disent vous êtes un peu sourd ou quoi. Je comprends pas qu’ils rouspètent à leur âge j’étais plus souriante moi à leur âge plus respectueuse. Leur faudrait une bonne petite il leur en faudrait une comme on l’a connue en 40 ils comprendraient pourquoi ils rouspètent au moins. Faut bien l’entretenir la maison comment ils font eux chez eux.
Le soir on se couche à huit heures mais à sept les volets sont tous fermés été comme hiver les rideaux tirés on dérange personne on voit personne ils peuvent même pas nous entendre tellement ils sont loin. Le soir on allume un peu la cheminée on se met en peignoir tous les deux je sais ça semble bizarre mais été comme hiver on les porte c'est l'habitude. C’est à l’étage qu’on se couche à l’étage où il y a les toilettes c’est-à-dire que le peignoir on le quitte jamais depuis qu’on est petit c’est une deuxième peau nos parents ils nous avaient habitués à nous déshabiller à la maison pour garder les habits propres longtemps et pas froissés ils nous donnaient la robe de chambre avec la ceinture moi une rose lui une bleue on enlevait les chaussures pour enfiler les pantoufles on s’est jamais posé de question j’y pense parce que les jeunes qui passent devant chez nous avec leur voiture le matin sur la piste de terre ils nous regardent avec insistance nous font un bonjour de politesse et je vois bien qu’à peine tournée la tête ils s’esclaffent mais qu’est-ce qu’il a mon peignoir.
 
Jeannot me dit toujours bonne nuit Yvette. S’il ne le disait pas ça me manquerait. Même quand il est patraque il me dit bonne nuit Yvette et des fois il me dit même dors bien fais de beaux rêves. C’est beau tout de même cinquante ans que ça dure et que c’est pas si dur. Parce qu’au début je n’avais pas trop de sentiments la première année je voulais faire plaisir à mes parents qui l’aimaient comme leur fils ils l’admiraient parce qu’il était travailleur dans l’atelier de mécanique fallait voir comment il soulevait les voitures moi ça m’avait impressionnée son paquet de muscles. On a presque grandi ensemble je le voyais comme un frère un grand frère parce qu’il a deux ans de plus que moi puis je m’y suis habituée c’est pas un mauvais garçon loin de là bon mari bon père jamais manqué de rien très réglo toujours payé ses dettes toujours travaillé jamais d’arrêt maladie sauf un pour des problèmes qu’ont les hommes mais ça il veut pas que je raconte il a sa pudeur.
Quand je repense à nos tout débuts que je m’étais convaincue que ça serait dur et puis vous connaissez la chanson les enfants et tout le toutim quand j’y repense et bien finalement j’en changerais pas pour tout l’or du monde et qu’est-ce que j’en ferais moi de tout l’or du monde j’ai même pas de fille pour hériter de ma médaille et de mon alliance en or même pas eu envie d’un solitaire.
Quand on monte à la montagne c’est toujours pareil même programme et le lendemain on recommence sauf qu’il faut changer de décor c’est toujours pareil aussi je sais mais j’en changerais pas pour tout l’or du monde j’en changerais pas et qu’est-ce que j’en ferais moi de tout l’or du monde.
 
La dernière fois qu’on s’est mis tout nu oh lala si Jeannot savait que je parle de ça il se fâcherait tout rouge il a sa pudeur la toute dernière fois je m’en rappelle plus. Moi ça ne m’a jamais trop intéressée et lui non plus. On a fait le tour de la question depuis longtemps et maintenant on a de l’affection. Le soir quand on se couche on a bien rangé nos affaires les chaussons qui dépassent un peu dessous le lit nous attendent au réveil des fois je leur parle à mes chaussons je leur dis soyez bien sages mes petits ne bougez pas. On a tiré les rideaux en vichy rose il y a des courants d’air c’est mauvais pour l’arthrose les fenêtres claquent je les ferme on boit une infusion avec deux cuillères de miel pour avaler le somnifère on se met les boules dans les oreilles et jusqu’au matin on oublie tout.
 
 

01/03/2008

Béatrice Bonhomme - Courbe de calligraphie silencieuse

5a7673f80d8bd67b2845c3fb8ab83aa9.jpg ( Béatrice Bonhomme, poète, a publié des livres de poèmes dont Les Gestes de la neige04b0413f899806557d2bf291bbbe4d0d.jpg (L’Amourier), Le Nu bleu (L’amourier) Cimétière étoilé de la mer (Mélis) et La Maison abandonnée (Melis, 2006).  Elle a également réalisé  plusieurs livres avec des peintres.
Parmi les titres à paraître en 2008 peuvent être signalés une biographie sur Pierre Jean Jouve aux éditions Aden et un livre sur la poésie contemporaine : Mémoire et porosité aux éditions Melis.
Elle a fondé avec Hervé Bosio la Revue Nu(e), qui édite des poètes contemporains depuis 1994.Son dernier numéro est consacré à Jacques Ancet (Au numéro, 20 euros; Abonnement 50 euros auprès de ASSOCIATION NU, 29 Avenue Primerose 06000, Nice)

 

 Courbe de calligraphie silencieuse

La terre rouge, une déchirure de nuit, les grands grumeaux de terre éclatant dans les vignes. La sueur rousse écartelée. Un prieuré sévère en pierres de sable s’écoulant dans les chênes, les vignes comme une rose non encore ouverte au prisme de verdure. Le vert et le rouge échangent des provocations d’amour. Le silence éclate au cœur.

Les dédales d’un labyrinthe brûlant dans le vent des pierres, comme un marché au désert, et parfois une oasis de platanes à l’ombre d’un jardin retiré, la brûlure d’une traversée silencieuse dans les ruelles de la ville, puis l’ombre recueillie d’une maison offerte au sable. La fresque porte la lumière, trois fois ourlée des cordelettes de prière.

Sur  les murs de la maison qui va être détruite, les taches de couleur, les oiseaux, les marques du désir ont laissé une colle rose. Les couleurs éclaboussent le matin, dans les formes enfantines d’un trait mal défini. Le sabre entre les cuisses, la fresque viole la lumière dans une fin  d’après-midi qui doit mourir.

Une fontaine est posée entre les murs, sa pluie avive les couleurs projetées dans la lumière.
Dans la maison abandonnée, une petite pièce bleue a reçu un trait de pinceau piaillant et des oiseaux sont nés qui hurlent leur rougeur innocente entre les becs des lustres oubliés.

La maison abandonnée est devenue la proie de l’arbitraire. Des oiseaux ont été dessinés sur les murs  comme des nappes de couleur avec des fleurs à la Matisse, utilisant les motifs déjà existants d’une ancienne tapisserie ; çà et là on découvre la tendresse désuète, presque chinoise d’une plume posée avec le mousseux d’un flocon.

La fraîcheur inattendue d’un jardin et les dédales de la maison abandonnée comme des enfants auraient joué de quelques flaques de lumière et posé sur le mur leurs doigts imprégnés de couleur mais pas encore assez défaite. Pourtant une petite chambre bleue, peinte à la va-vite, par touches jetées sur la tapisserie, garde le silence des enfants, laissé pour compte, oublié. Et brusquement se découvre le couple de la fresque dessiné avec son désir en bataille.

Le couple dessiné à la va-vite comme grossièrement, ressemble aux graffitis d’enfants. Il a gardé l’innocence des choses simples au milieu des taches d’oiseaux et de fleurs qui croisent sur la tapisserie un silence bleu déposé là par hasard.

Un vieux rideau vert, inattendu dans cette nudité garde le plissé d’une chasuble. Son bord touche l’esquisse d’un ciel, puis un miroir taché d’éclaboussures renvoie l’image d’une fresque dorée avec la présence d’un personnage.

Sur le mur s’étale vif et clinquant, le désir, désir de vivre et de jouir, désir de procréer des fleurs et des oiseaux.

Le dessin ne bouge pas d’un cil même sous le vent léger. Il est comme arrêté dans le temps, avec le bleu foncé d’une nuit de juillet, une pierre posée, sans érosion.

Des graffitis entrelacent des noms et des corps très matériels qui sont peints à la va-vite, mal définis et l’on distingue juste le sexe de l’homme qui devient une fleur de couleur violente avec des oiseaux dans ses nids.

Il y a un recueillement car le miroir de l’ancienne salle d’eau a pris du moucheté et dans une encoignure se précipitent quelques oiseaux qui ont poussé leur force dans le sexe de l’homme.

Une fleur criarde étale sa vulgarité sur la tapisserie peinte à la hâte. Le soleil la frappe et la fait hurler au bord d’une fenêtre qui baille.

Toutes les fenêtres, les portes battantes mais dans le dédale des pièces demeure un lieu secret où le bleu se bat avec le rouge. Il reste une odeur d’enfance.

Des larmes d’eau suintent dans la cour avec des fleurs qui saignent dans les murs recouverts de signes rouges.

Le bulldozer, lorsqu’il viendra, fera éclater les murs, appuyant trop vite sur des tubes de gouache comme un enfant pressé et tout aura cet  air à la fois désolé et festif d’un gachis de couleur.

Il a fallu longtemps laisser couler le bleu de l’encre pour réparer le gris des choses.

Une résistance de velours laisse glisser son feu sur le mur posé de la chambre.

© Béatrice Bonhomme 

05/02/2008

Jacques Ancet - Je reviens (extrait d'un travail en cours)

( Jacques Ancet  est né à Lyon en 1942. Longtemps professeur d’espagnol en classes préparatoires, il vit près d’Annecy. c30ab010146fd929e92105459d927b3e.jpg
Il est l’auteur d’une trentaine de livres (poèmes, romans, essais) dont, récemment, Diptyque avec une ombre (Arfuyen, 2005), Prix Charles Vildrac 2006 de la SGDL et prix Heredia 2006 de l’Académie Française, La ligne de crête (Tertium éditions, 2007), Entre corps et langage, anthologie d’Yves Charnet, (L’idée bleue/Ecrits des forges 2007) et Journal de l’air (Arfuyen, 2008).
Traducteur de langue espagnole (Jean de la Croix, Aleixandre, Cernuda, Valente… ) il  vient de publier  Clarté sans repos (Arfuyen), Cecilia (Lettres Vives), d’Antonio Gamoneda,, L’homme et le divin de María Zambrano (José Corti), Lettres aux hirondelles et à moi-même, de Ramón Gómez de la Serna (André Dimanche) et L’opération d’amour de Juan Gelman (Gallimard).
Il a obtenu le Prix Nelly Sachs en 1992,, le prix Rhône-Alpes du Livre en 1994 et la Bourse de traduction du Prix Européen de Littérature Nathan Katz en 2006.)

J'écrivais à propos d'un morceau de lumière (Voix d'encre) que c'était un livre d’encre et de chair dont on tournait les pages et qu'entre elles, une lumière filtrait et passait vibrante pour aller rayonner plus loin. Que cette lumière, on la retrouvait dans La dernière phrase (Lettres Vives)comme celle qui nous restait, nous manquant toujours. Elle passe dans les poèmes de Jacques Ancet, rayonne comme un fil de jour s’obstine à accompagner « ce qui s’en va », cette vie qui passe sans se retourner, » comme un passage d’oiseaux » éclaire le ciel, « comme le jour commence ».

 

 Je reviens
 
 


    Je reviens, j’ai été absent des semaines, le vent pourtant n’a cessé de souffler & la lumière d’éclairer les visages

    je reviens le ciel retombe sur mes yeux avec une lenteur d’enfance, je ne sais plus si c’est bien moi

    qui parle ou si de moi ne reste que ce peu de paroles éparpillées que je ne reconnais plus

    mais je reviens, écoutez, le monde me traverse toujours, il a des flaques de sang, des mouches, une douleur trop grande pour     être dite    

    le monde est noir & il fait mal, le monde, il a des petits yeux méchants, ils vous regardent, vous épient

    vous entrez dans une histoire sans queue ni tête, on dit c’est la vie, elle vous regarde de loin déjà, elle vous mange

    alors comment revenir comment dire c’est moi regarde c’est moi encore je suis là

    pour la montagne et pour l’herbe, pour le cri de la corneille, le chêne & la clôture

    pour tout ce que j’ignore, mais qui réclame un peu de place entre mes mots, un fil luisant entre feuille & pierre

    un peu de terre sous la semelle, ce numéro de téléphone sans visage & sans voix, trop de feuilles sèches pour la saison

    je reviens, mais qui m’a attendu, les pièces sont vides, quand j’y entre, je ne trouve qu’un peu de poussière au bord des fenêtres

    & les taches pâles des tableaux absents sur les murs, le jour est un désert trop encombré de phrases & d’objets

    les vaches broutent dans nos chaussures

    leur souffle chaud fait une buée où nos yeux s’évaporent

© Jacques Ancet

02/02/2008

Jeanne Bastide - L'intimité de la lumière

e2f05452944985b5ae34add0489b6d1a.jpgVient de paraître L'intimité de la lumière avec des sérigraphies de Yves Picquet aux éditions Double95727e2be5d3086969a2f5120c3ed120.jpg cloche (contact: edition.double.cloche@orange.fr).
24 exemplaires sur vélin d’arches 250g au format 26x18 cm ont vu le jour. Ils sont présentés dans un emboîtage réalisé par Jeanne Frère. (prix unitaire T.T.C :330 euros).

On trouvera dans la catégorie "Mes ami(e)s, mes invité(e)s de Janvier 2008 un extrait du texte de Jeanne Bastide: La lumière arrive.

08/01/2008

Martin Miguel – Peindre / Perdre – Galerie de la Marine du 13 deécembre 2007 au 09 mars 2008 à Nice

d751140a97c2b67494ad6e564c146009.jpgPeinture ? Sculpture ? interroge Michel Butor tant il est vrai qu’avec Martin Miguel, « l’histoire de l’art sort de2f86a250bbe98f340eef1df02e93e0e6.jpg son cadre pour nous indiquer les passages secrets » ; qu’avec lui, « l’art fait le mur » selon les mots de Raphaël Monticelli, en quoi ses œuvres sont « sources de poésie car « elles créent à l’intérieur de nos discours habituels, des trouées, des absences ou des pertes que nous devons apprendre à combler ». A quoi je rajouterai qu’ici peindre n’est pas couvrir une surface mais mettre à nu un vide. Avec la couleur noire, Martin Miguel fait le vide : « noir de source, ai-je écrit dans le catalogue aux côtés des textes de Michel Butor et de Raphaël Monticelli et des photographies de François Fernandez, pour les yeux qu’il ouvre en nous. Contre tout ce qu’il y a de mort dans le monde. »
6244912bc2c4fa8e9a5bc76ce4de441f.jpg

Jeanne Bastide - La lumière arrive

e2d9f99f1fe55d1b4c2ec914e05d6800.jpg( Méditerranéenne, Jeanne Bastide est née à Montpellier en 1947, “…dans les faubourgs. Pas le Montpellier de la ville – celui de la campagne. Un berceau de pierre dans un écrin de vignes ”.
Psychologue de formation, elle a été un temps enseignante avant de se consacrer à l’écriture, la sienne et celle des autres. Elle propose l’écriture dans des structures institutionnelles, des associations, des librairies ou des médiathèques… depuis plus de dix ans.
 Elle participe à l’animation de « La belugo », l’étincelle en occitan. Cette association a pour but de promouvoir l’écriture sous toutes ses formes en organisant des ateliers d’écriture, des lectures, des « écuries d’écrits », des stages…(contact : Belugo, 95 avenue Azema – 34530 – Montagnac – 0467240233  beugo@club-internet.fr)
Elle publie régulièrement en revue.
Lucarnes aux éditions de L’Amourier, collection Thoth, est son premier récit.
Elle m'a confié cet extrait de L'Intimité de la lumière, à paraître aux éditions Double cloche avec des peintures d'Yves Pïcquet (Contact : edition.double.cloche@orange.fr ou http://perso.orange.fr/yves.picquet)
 
 
La lumière arrive 
 
 elle plie le jour à une mesure sans mesure / la lumière n’a pas de bord / ne borde pas / remplit ce qui n’a pas de forme / on la reconnaît à sa texture dans la gorge ou sur la peau /  il y a des jours où on ne supporte plus son poids ni son regard trop profond / on va alors dans un intérieur et on rêve d’hirondelles sans envol / on plonge dans une ombre apaisante pour la parole et seul l’évitement a lieu / il ne reste que l’ivresse du ciel extérieur et la ligne d’horizon de la porte fermée / le jour grince et la mémoire s’affole  / impossible de voyager / trop lourde  la monnaie d’étincelles n’est plus qu’argent sans éclat / il faudrait un peu de silence gratuit / de la simple présence pour que le jour se lève  et que ce soit l’aurore / il faudrait / il faudrait / on ne sait pas tous les désormais qui sommeillent en nous / comme nous ne verrons jamais la lumière en face sans peur de disparaître dans sa violence 
 
© Jeanne Bastide