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13/12/2008

Hans Freibach - Lalla des vestiges (à propos de Désert de J.M.G. Le Clézio

( Mon ami Hans Freibach vient de me communiquer ce texte sur Désert de J.M.G. Le Clézio. Ce texte avait été publié aporie-desert790 - copie.jpgdans la revue Aporie que dirigeait depuis Revest-les-eaux dans le Var, Jean-Claude Grosse. C'était en 1988.

Rappel:

D'Hans Freibach, on lira dans nos Archives:

- en novembre 2006: Du verrou à la clé (une réflexion sur la question du lieu en poésie)

- en décembre 2006: Les beaux chemins de Philippe Jaccottet )

 

 

Lalla des vestiges



« La philosophie n'a plus qu'une tâche : accuser partout l'occupation des lieux par la soldatesque. C'est de cela que nous mourons.» Ainsi parie Michel Serres.
Ailleurs, commentant le livre de Robin Clarke, La Course à la mort, il nomme « Thanatocratie » le gouvernement de ces forces qui nous dominent, depuis Hiroshima : instinct, ou claire décision du politique, ce sont des forces de mort.
Ailleurs encore, comme Girard et quelques autres, il suit, en amont, et jusqu'aux origines, la trace de ces conduites sacrificielles qui installent le pouvoir sur d'horribles offrandes.
Al’origine, nous les hommes, avons toujours su trouver des raisons pour tuer. Et nous, en Occident plus peut-être encore que les autres, nous qui possédons, comme les autres, cette arme imparable, l'argent, mais nous qu'inspire cette âme pervertie, lucide et raisonnante toujours, qui a son siège dans nos yeux : peut-être, oui, n'ayant jamais su regarder en vérité, avons-nous le regard qui tue ; le regard « qui ment ».
C'est tout cela que dit Désert, et plus encore. Car on doit bien se demander, fermé le livre, s'il ne faut pas modifier la formule de Serres. Dire « c'est de cela que nous mourons » ne suffit plus. Peut-être faudrait-il dire : « c'est de cela, de l'occupation violente du monde, que nous sommes morts », nos yeux, définitivement, étant aveugles.

*



Voici la jeune Lalla à Marseille, dans le quartier des immigrés, au Panier. Elle a cédé au chant des sirènes, au vertige de ces noms de villes européennes que le vieux Naman faisait rutiler comme autant de mirages.
Ce qu'elle découvre est, bien entendu, la misère : l'errance au long des rues hostiles, la faim, la solitude, graines de violence et de meurtre. Surtout : la peur de la mort. La ville tue. Impossible
d'échapper à cette logique. Ici, les immigrés sont prisonniers d'un système qui les broie. La ville est la figure du mal absolu.
Mais n'est-ce pas, déjà, ce que le jeune Nour, au temps de l'errance des ancêtres de Lalla, prophétisait, lorsque, dans son rêve, il voyait poindre ces villes issues d'un ordre nouveau où « régneront le froid et la mort » ?
Cependant il y a plus grave encore : la ville européenne tue d'une manière subtile et douloureuse : elle détruit l'essence des êtres. Elle fouille jusqu'aux racines secrètes des êtres, les arrache, les broie : lorsqu'elle arrive à Marseille, Lalla est encore habitée par la lumière du désert. Ses cheveux étincellent. Toute son origine rayonne en elle. Passés quelques mois, sa peau, ses cheveux qu'elle a coupés, ont terni. La voici maintenant invisible dans ce grand manteau marron. La voici vide, « comme si elle n'existait plus réellement », sœur en cela de tous ces immigrés
en mal d'eux-mêmes, morts à eux-mêmes : éternellement absents. « Bla Esm » est le nom qu'elle se donne, quand on l'interroge sur son identité : et cela veut dire « sans nom ».
Ainsi la ville européenne met-elle à mort.
Mais est-elle en cela d'une nature différente de celle de ces colons impérieux qui, à l'aube du siècle, ont anéanti les troupes de Ma el Aïnine ?
De vrai, c'est la même entreprise qui se poursuit, mais plus sournoise, moins tapageuse, moins « glorieuse ».
On a traqué le vieux « renard », on l'a forcé pied à pied, apparemment par les armes : en secret, par l'argent. Quel mépris, dans les propos du Général Moinier, lorsqu'il le traite de « faiseur de pluie », de « vieux sorcier ». Mais quelle candide erreur, chez le vieux cheik, qui croit encore mener une guerre de religion contre les chrétiens, alors que, déjà ses fils l'ont abandonné, achetés par les milliards que distribuent les banques européennes, endettés jusqu'à la moelle.
Du début à la fin de cette guerre de colonisation, dans le récit du « guerrier aveugle », dans ce qui se dit et se colporte dans les troupes de Ma el Aïnine sur le saccage des camps, sur la création de villes fortes où l'on conduit de force les enfants pour recevoir une éducation chrétienne, c'est toujours la même loi thanatocrate qui est appliquée et qui nous renvoie au passé de notre propre pratique coloniale depuis toujours, depuis l'entréeaux Indes occidentales dont Montaigne, grave témoin, avait
prédit la fin et la ruine. Non, il ne le sait pas. Ma el Aïnine, il l'ignore, que « leur vraie religion est celle de l'argent », et que cette foi là porte en soi la logique de l'estocade.
Voici, bras levé, le Colonel Mangin, prêt à donner l'ordre du dernier assaut, à Agadir, contre ce qui reste des troupes rebelles. Quand ce bras retombera, il en sera fini d'un peuple et de son histoire. Mais ce bras qui s'abaisse comme une massue, il est de la même nature, il porte en soi la même aveugle violence que la masse d'acier qui s'abat sur le jeune Radiez, le gitan égaré dans les rues de Marseille, vivant de rapine et de mendicité. Pas plus que celle des nomades, son étrangeté, son altérité, ne sont compatibles avec l'ordre européen. Ni l'un ni les autres ne sont visibles à nos yeux.
Lalla, Radiez, les nomades, n'ont d'autre conduite possible que celle de la fuite : fuite au long des rues de la ville mortifère, fuite hors de ces lieux où la mort vous transforme « en masque de cire », comme Ceresola ; fuite sans cesse, pour Lalla : fuite de chez Aamma, fuite de l'Hôtel Sainte-Blanche. La fuite, dit le texte, est chez eux tous un « instinct » qui les apparente aux « animaux sauvages ».
Oui, ce livre-ci est encore un « livre des fuites ».

*


Et c'est dans cette fuite que Lalla, seule de sa race, et renouant avec la démarche de ses pères — celle de Nour repartant avec les restes de l'armée défaite pour le désert, celle du Hartani disparu derrière les dunes, trouve peut-être son salut. «Apparaître », « disparaître » : ce sont les deux verbes qui ouvrent et ferment le livre.
Il y a donc en elle un pouvoir de résister à l'entreprise d'écrasement, et qui s'exprime tout au long du livre dans sa constante volonté de remonter, au long de traces à peine lisibles, vers l’origine, vers son origine.
C'est ce sursaut de bête qui la sauve de la mort lente et sournoise : ayant quitté Sainte-Blanche, où elle côtoie la plus grande déchéance humaine, elle renaît à elle-même : la voici à nouveau pleine de cette lumière du désert, de cette beauté dure qui étonne les passants et trouble un photographe.
D'où lui vient cette ferme audace, d'où cette certitude, cette rigueur, qui sont toute son âme ?
Dur labeur, pour une âme solitaire, que de se frayer un chemin vers son origine, à travers ces bribes, ces paroles pleines de trous et qui jamais ne forment un discours : celles que la tanta Aamma prononce sur son père, sur sa mère. Longue patience de cet enfant qui quête sur les dunes, près de la mer,
la présence maternelle : comme nous tous, Lalla est en exil, orpheline du commencement, exsulis filia Evae. Elle est exemplaire de ce qui fonde en humanité tout désir : elle attend.
Et cette attente reçoit en don la grâce d'une Visitation et la chance d'une initiation. Dès l'enfance, son regard voit justecomme si, contrairement à ce que déplore Rilke à propos de l'enfance trahie, le regard de Lalla n'avait jamais été « retourné », ou, du moins, comme si quelque chose demeurait encore en elle, comme la marque d'une ancienne alliance susceptible de la sauver du « retournement ».
Certes, elle sait un certain nombre de choses sur son origine : elle sait qu'elle est la fille d'une chérifa, elle connaît ses liens avec le saint du désert Al Azraq, avec le cheik Ma el Aminé, sa naissance dans les montagnes du Sud, là où commence le grand désert. Mais ce sont là paroles sur l'origine. Or, le propre de l'origine, ce n'est pas tant ce qu'on en dit que ce qui vient de l'intérieur de soi, et qui s'impose : « C'est seulement ce qu'onveut dire, tout-à-fait de l'intérieur, comme un secret, comme une prière, c'est seulement cette parole-là qui compte». Telles sont ces voix du désert qu'elle « entend réellement, à l'intérieur du bruit de la mer et du vent », voix qui répètent leur douce complainte.
Si fortes sont ces voix qu'aucune éducation n'a étouffées,
qu'elles prennent pour Lalla consistance et forme humaines. Si prégnante est cette présence, où elle reconnaît le « guerrier bleu du désert », qu'il lui faut la nommer : El Ser, le secret. Et c'est vers ce secret qu'elle marche.
Lorsqu'El Ser apparaît sur le plateau, c'est son regard qui l'enveloppe et la pénètre. Alors lui est rendue son identité lointaine. Ce regard est victorieux de l'espace et du temps : il la rejoint jusque dans la jungle marseillaise où elle se croyait abandonnée, jusque dans cette boîte de nuit à la mode où elle
danse comme autrefois les guerriers de Ma el Aïnine devant Smara. Il la libère de toute pesanteur, de toute la lourdeur de la vie. Il la rend au commencement du temps. Voix de la terre et des éléments, de la lumière et du vent, ce « regard » est « voix » de l'origine, venue de ce tombeau de l'homme saint,
véritable Axis mundi, véritable source de la geste nomade, « centre du désert peut-être, le lieu où tout avait commencé, autrefois quand les hommes étaient venus pour la première fois», lieu où toute parole est vaine, où le silence met en contact avec l’ordre originaire du monde.
N'est-ce pas à cette naïveté des commencements que, de son côté, l'initie Le Hartani ? Le berger est sourd-muet. Mais quel prodigieux savoir est le sien, et que ses mains seules communiquent : lui aussi révèle à Lalla qu'il est une manière d'être au monde qui suppose le libre jeu des sens, l'abandon de soi, corps et âme, aux secrets de la terre : odeurs, paroles du vent et des oiseaux, présence du minéral, des bêtes, de toute la vie sauvage miraculeusement préservée ; paroles du monde, là encore, à son commencement. Sous l’influence du Hartani toute l'intériorité de Lalla se révèle à elle et se révèle en accord avec l'intériorité du monde lui-même. Car le Hartani peut « donner et recevoir cette parole » si proche de la prière, qui relie les êtres et les choses. Ne sait-il pas, en effet, « des choses que les hommes ne savent pas » ? Il « les voit avec tout son corps, pas seulement avec ses yeux ». Et Lalla a besoin de lui pour entrer dans le silence : c'est qu'avec lui, les mots sont comme mis à mort, ces mots auxquels elle est encore attachée et avec lesquels elle essaye de nommer la « mouette blanche » : « Elle cherche tous les noms, dans l'espoir de dire le vrai, celui qui peut-être lui rendra sa forme première »
Mais la grande mouette blanche ne répond à aucun d'eux. Indifférente, elle se fond « dans le bleu du ciel et de la mer ». L'ouvert échappe aux mots. Et cependant Le Hartani s'y meut, entraînant Lalla sur ses pas.
Mieux encore, et de façon plus essentielle, c'est lui qui initie Lalla à son propre mystère féminin, lui donnant et l'amour et l'enfant qu'elle mettra au inonde. Et il n'est pas indifférent que Lalla décide un jour de reprendre le nom de sa mère, « Hawa » : c'est qu'Hawa retournée à la source, Hawa qui perpétue la race est bien ce que son nom dit d'elle : Hawa est Eve.
Qui sommes-nous, nous qui cherchons désespérément notre origine, qui sommes-nous, dans cette quête-là, sinon des êtres divisés, déchirés, en mal d'identité ? Des êtres doubles : voués à la contradiction de vivre, habités de lacunes, de terreurs, d'inquiétude, et, en même temps désireux de retrouver l'unité, quelque part en amont ? Remonter les traces jusqu'à la sourceest le vœu que réalise Lalla : « C'est un peu comme s'il y avait deux Lalla », dit le texte, avant qu'elle ne voie « devant elle les signes, les traces perdues » qui la conduiront jusqu'à l'origine où tout est un, immobile, irrécusablement au centre.
L'expérience est si forte qu'elle résistera à toutes les forces négatives qui, plus tard, en Europe, s'occuperont à défaire, à déstructurer l'âme de Lalla. Expérience « belle » et « terrible » à la fois. Le désert la prend, et « c'est comme si quelque chose, au fond d'elle, se déchirait et se brisait, et laissait passer la mort, l'inconnu. » Et cependant, il lui faut assumer cette mort là, celle qu'inflige la lumière du désert, pour que, dans le silence de l'origine, naisse l'autre Lalla, celle dos vestiges, celle qui sait mettre ses pieds nus dans « les traces anciennes que le vent et le soleil n'ont pu effacer », celle qui va décider de fuir la « cité » et de prendre, avec Le Hartani, la « route du désert, la route où l'on se perd, celle d'où jamais personne ne revient. »

*

« L'Esprit aime la colonie », écrit Hôlderlin : sans doute parce que rien n'est jamais vraiment à soi, rien n'est jamais son « propre », tant que l'esprit n'a pas supporté l'épreuve de l'étranger. Et c'est bien cette épreuve que subit Lalla. Que, dans un premier temps, lors de la fuite au désert avec Le Hartani, le désert n'ait pas voulu d'elle, qu'il l'ait rejetée entre les bras de la Croix-Rouge, que tout cela se soit terminé si lamentablement, c'est qu'il lui fallait: l’altérité de l'Europe, et supporter ce qui est le plus
étranger à sa nature : la cité et sa fureur mercantile ; la représentation - si contraire aux lois de l’IsIam - de son corps sur des magazines ; il fallait l’agression de tous ces « mensonges » pour
que, au plus loin de sa dérive, les voix les plus secrètes viennent à nouveau habiter Lalla et lui inspirer ce « Vaterlàndische Umkher » dans lequel Hôlderlin voit le salut de toute âme.
Mais qu'en est-il vraiment de cette origine ? Qu'en est-il de toute origine ? Rien, ici, n'a le parfum un peu mièvre de ces retours mythiques à l’enfance édénique. Point de « vert paradis ».
Dès l’origine, en effet, la violence est à l'œuvre, la mise-à-mort en route. L'origine, nous le savons, est un tombeau, dans ce livre. Un tombeau au milieu du désert. Au commencement, même sainte, est la mort. Au commencement est la terre aride du désert « qui ne veut pas des hommes », qui les lance, démunis, dans Fimmense étendue des territoires hostiles, semés d'ossements secs. Pour lumineux qu'il soit, le regard d'EI Ser, aussi, est « terrible et fait mal ». Il parcourt un espace où « déferlent » la peur, la mort, la souffrance.
Or, vivre suppose qu'on accepte cette terreur-Ià. Vivre suppose la tragédie : l’évidence atteint Lalla de plein fouet, l'abat à terre, lui tire des larmes. Mais Jusque là l’amène l’initiation : pour hostile qu'elle soit, cette terre est la seule où elle veuille vivre. On dira que c'est parce qu'elle est terre de liberté : « le seul, le dernier pays libre peut-être, le pays où les lois des hommes (ont) peu d’importance », pays qui dispense à la fois la terreur et la j'oie, la souffrance et le plaisir, la brûlure du soleil et la paix, la nuit, sous les tentes. Et qui donc niera que vivre soit vivre la contradiction ? Sans doute. Cependant, si Lalla retourne au pays, c'est peut-être avant tout parce qu'il est, simplement, le sien. Parce qu'il est son «propre»; parce que, là, elle cesse d'être «heimatlos ». Il n'y a pas d'autre vocation pour l'origine que de rendre à chacun son unité, dure comme un minéral, ce à partir de quoi chacun peut devenir ce qu'il est.

A cette « ferme demeurance » sous les lois d'un « Dieu sec », dont les dons sont « parcimonieux », il faut ajouter autre chose. C'est que, pour qu'elle ne soit pas castratrice, il faut que l'origine ouvre à l'histoire ; que le regard qui la contemple, qui fait d'elle son siège, soit tourné vers l'avenir. Or, avec Lalla, et contre la mort qui guette, se manifeste quelque chose de plus, quelque chose que la terre ne peut donner : cette parole d'amour dont la jeune fille est le signe. L'enfant qu'elle met au monde, comme l'a fait sa mère, sous un figuier, se dressera en promesse contre toute violence, celle de la terre et celle des hommes. Ainsi, le retour de Lalla-Hawa est la plus belle preuve d'amour dont on puisse témoigner. Elle a nom « fidélité ».

*     

Et nous qui lisons ce livre, nous pour qui « partir pour la colonie » a toujours eu un autre sens, quel sera notre partage ?
Serons-nous capables de lire, dans le destin de Lalla, une conduite exemplaire ?
La conception du récit fait illusion : nous voici, comme les dieux, en possession de l'amont et de l'aval de l'histoire. Nous possédons les clés de l'origine, nous pouvons décoder le processus historique qui mène à cette cité de toile et de goudron où une jeune-fille cherche les traces de son passé. Position confortable ! Celle du spectateur d'une tragédie, dénouant les fils, fondant en discours ce qui est vécu dans l'inquiétude et l'inconfort, approuvant et bénissant benoîtement la sainte fidélité de Lalla...
Prenons garde toutefois de ne pas écraser à nouveau ces vestiges d'une culture. Laissons à Lalla la liberté de disparaître, comme Nour, autrefois, derrière les dunes. Laissons-lui le libre choix de son parcours.
Qui sommes-nous, face à ce livre, hommes de rationalité, de science, de puissance ? Avons-nous encore un regard pour aimer la terre ; saurions-nous fuir le pouvoir des armes et des mots pour, en silence, remonter vers nos sources ?
Et pour y découvrir quoi, en vérité ? La puissance en gésine ? Le bras levé qui commande l'attaque ?
Ce livre ne le dit pas ; pas tout-à-fait...
Mais je propose simplement que nous soutenions l'éclair d'un instant le regard de Ma el Aïnine : ce regard qu'il pose, dans un long silence sur l'explorateur Camille Douls, « le premier voleur d'images ».
Si l'explorateur est « le premier », qui donc est le suivant, sinon le photographe sans nom, amoureux du secret de Lalla, et impuissant à le saisir ? Cette impuissance le renvoie, et nous à sa suite, à cette misère spirituelle dont suent les rues de nos villes, et toutes nos machines à dominer. Non contents d'avoir, par le passé, mis à mort la culture de Lalla, nous voulons, fétichistes, capter son image, et la prostituer sur nos murs. Mais l'objectif fait écran. L'objectif encore est un pouvoir. Doucement, il met à mort.
Cesserons-nous d'être des touristes et des carnassiers sur cette terre ? Adopterons-nous quelque jour les chemins de fuite les sentiers du retour ?

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