11/11/2008
Lu 28 - Philippe Jaccottet - Ce peu de bruits
Ce peu de bruits (NRF, Gallimard, 12 euros), dernier livre de Philippe Jaccottet s’ouvre sur un « obituaire », ce registre où l’on écrit le nom des morts. Entrer par la mort, faire d’elle le guide sombre de cet âge cassant dans lequel est entré le poète avec le siècle nouveau, c’est faire d’elle l’éclaireuse de ce qui reste. Comme c’est mettre sous sa lumière les pages qui suivent ces saluts aux ami(e)s disparus.
Suivent au fil des pages des brins d’existence comme de langue : « des bribes ultimes sauvées dans un ultime effort du désastre » par un survivant. Soit des miettes, des touches, des fragments de choses vues, des bouts d’images, autant de mots que l’on peut dire quand on revient des contrées de l’absence et de la perte, quand on remonte du « ravin » ces « notes » tirées de la mort comme de l’oubli et du silence pour, grimpant, se sentir encore un peu léger à parier toujours pour la transparence et le délié et « jusqu’au bout, dénouer, même avec des mains nouées ».
Ce peu de bruits est donc celui que fait cet ensemble de notes, de citations, de morceaux de poèmes, d’impressions de lectures. C’est un murmure que l’on entend. Quelque chose de rasant, une lumière de bas de porte mais qui insiste et trouve à passer, à faire encore danser les poussières. Un chuchotis endurant, cette musique même de l’âme quand elle défroisse ses plis sous les souffles des mots que tisse encore ce « vieux chinois anonyme » sous les traits duquel se peignait le jeune poète Philippe Jaccottet dans ses Remerciements pour le prix Rambert, toujours là, dans sa cave, à peindre des « riens », « débris » qui seraient comme d’un « nouveau livre des Morts » et tels que nous pourrions les brandir au moment de franchir le mince ruisseau de la fin. Et passer « sans peur ni regrets le seuil du très sombre espace qui (nous) attend pour nous engloutir ou nous changer ».
On est là, dans ce livre, comme sur un site archéologique, ces fragments épars ici rassemblés sont autant de témoignages que la fouille a arraché au silence et à la nuit de la terre des jours et qui, de façon terriblement intempestive à mesure que le pas se fait plus « caduc », comme le dit Luis de Gongora, affirment qu’il y a encore bien des occasions d’être surpris par cet insaisissable qu’est la beauté lorsque nous en faisons l’expérience dans une rencontre soudaine et hasardeuse.
Je ne me lasserai jamais de remercier Philippe Jaccottet de nous apprendre à « être ouvert » aussi bien à l’enfer et au malheur qu’à ce qui devant nous, persiste, dans le cours du monde, cette lumière qui coule comme l’eau d’un ruisseau inverse – « Cela ruisselle vers le haut », écrit Jaccottet - dans le chant du rossignol.
Mon ami Hans Freibach sait que « les beaux chemins » de Philippe Jaccotet – son étude parue dans le N°110/111 de la revue Sud en 1995, a été reprise sur le blog lapoesieetsesentours.blogspirit.com le 12/09/2006 - sont des chemins de vie. Mon salut au seuil de l’été pour lui. Et vous !
(article paru dans le Patriote Côte d'Azur N°2128 du 11-17 juillet 2008))
20:23 Publié dans Du côté de mes publications | Lien permanent | Commentaires (1)
Jean-Max Tixier - Les chants de l'évidence (entretien avec Alain Freixe)
Cet entretien devait paraître dans la collection "Visages de ce temps" que dirigeait Jean Digot chez Subervie. La mort de ce dernier remit tout en question. Thierry Renard et ses "Paroles d'aube" voulut reprendre le projet. Mais l'économie eut raison de cette maison d'édition. Les années passaient. Enfin, les éditions "Autre temps" accueillirent ce qui était devenu, au fil des lettres échangées, des questions posées, des réponses engrangées et discutées, un vrai livre. Il vient de paraître (Autre temps éditions, Parc d'activités de la plaine de Jouques,200 avenue de Coulins, 13420 Gémenos - 16 euros).
Je reproduit ci-dessous la quatrième de couverture signée par notre ami Jacques Lovichi:
"Pour qui croit vraiment le connaître, Jean-Max Tixier apparaît, poétiquement, politiquement, affectivement, comme le lieu privilégié d'un affrontement permanent, d'une inextricable et inconcevable mais féconde contradiction qui le fonde et le meut dans une effervescence continue dont il domine les sursauts et les apparentes incohérences par l'usage constant d'une implacable logique.
Son humour est celui du doute qu'il doit à son maître Montaigne, sa violence est celle de l'éternelle jeunesse domptée par un cartésianisme très relatif et spécifique, sa poésie - diverse et multiple en sa
somptuosité verbale - n'appartient qu'à lui. Refermant le présent livre, dans lequel Alain Freixe (il y fallait un autre poète) exerce une maïeutique serrée qui tente de cerner l'homme et l'œuvre, en saura- t-on davantage sur le phénomène Tixier ?
Oui, sans nul doute. Mais le cœur du mystère résiste à toute investigation. Dans cette « mise en scène » qu'organise subrepticement le principal intéressé, on frôlera parfois de si près la vérité (existe-t-elle
en ces matières, du moins n'est-elle pas multiple, insaisissable ?) que l'on croira avoir tout compris de la poésie, des poètes, et spécialement de celui-là.
Fort heureusement, il n'en est rien.
Peut-être même l'énigme s'épaissit-elle dans l'ambiguïté qui fouaille, constitue, détermine le funambule, lui tenant lieu de balancier.
Ci-gît l'éternel paradoxe.
Et c'est très bien ainsi."
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Lu 27 -"La poésie, c'est autre chose", sous la direction de Gérard Pfister
La poésie, mais qu'est-ce ? Une inconnue délaissée ? Il faut dire qu'elle joue perdant. Rebelle à tous les attributs dont on voudrait l'affubler, on ne peut la saisir. Les poètes ne se sont pas privés de lui proposer, parfois de manière péremptoire, des définitions. Mais voilà, elle est toujours autre chose !
Oui, Gérard Pfîster a raison de rappeler le mot de Guillevic : "la poésie, c'est autre chose » et d'en faire le titre de son anthologie où sont recensées « 1001 définitions de la poésie », publié dans la collection « Les Cahiers d'Arfuyen », éditions Arfuyen (15 euros). Bien sûr tout tient dans ce « 1000 + 1 » qui maintient la voie ouverte vers quelque soleil futur !
C'est ce vacillement que nous donne à lire Gérard Pfîster. On feuillettera ce livre comme on tournerait un cristal. Huit facettes, huit approches défînitionnelles : Affirmation, Connaissance, Emotion, Licorne, Musique, Objet, Révélation, Vie. Le tout réunissant quelques 650 citations de quelques 250 auteurs d'époques, de langages et de sensibilités très diverses.
C'est un sacré service que Gérard Pfîster rend à la poésie contemporaine tant il est vrai que ce livre aide à nous la faire comprendre et aimer. Les passionnés sont toujours passionnants ! Gérard Pfîster est de ceux-là !
Parce que nous fêtons cette année le centenaire de sa naissance dans un silence assourdissant, j'aimerais souligner ce chemin ouvert par René Daumal dans ce toujours fameux débat entre prose et poésie : « la prose parie de quelque chose, la poésie fait quelque chose par des paroles ». Le poète est celui qui fait. Que ce sens grec du mot reste à notre horizon et nous comprendrons que là où l'on a « rythmé la langue dans l'émoi », comme le rappelait Pierre Michon, à Mouans-Sartoux le 5 octobre dernier, là se trouve la poésie.
© Alain Freixe
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02/06/2008
Lu 25 - Coleridge, La ballade du vieux marin
( Vient de paraître, Samuel Taylor Coleridge, La ballade du vieux marin et autres textes, Poésie/Gallimard, Cat 7)
Oui, et pour plusieurs raisons. Dans une très éclairante préface Jacques Darras qui a assuré la traduction de ces textes – l’essentiel de l’œuvre poétique de Coleridge - s’attache à mettre en évidence ses errances de marcheur puissant – Il faut l’imaginer en « voyageur perdu au-dessus d’une mer de nuage », de dos, les yeux perdu au loin surplombant la nature sauvage du pays de Galles et des Lacs du côté de son ami le poète Wordsworth avec qui il composera durant l’année 1797 ces Lyrical ballads, publiées sans nom d’auteur, qui vont « révolutionner la sensibilité poétique » d’alors – ou de voyageur – Avant les deux années passées à Malte entre 1804 et 1806 d’où il reviendra profondément changé physiquement, ce sera l’Allemagne où il séjournera entre septembre 1798 et décembre 1799, année de rupture où il découvre les philosophies de Kant, Schelling et Hegel et d’où il reviendra profondément changé intellectuellement.
Romantique, certes, mais avec un pied déjà dans la modernité comme en témoigne son amour pour les grandes villes, Londres notamment où il retournera toujours pour ses lieux de parole : cafés, salles de conférence.
Pour Jacques Darras, il est la figure exemplaire de « l’esprit européen (…) pionnier, découvreur de langues, de littératures et de sensibilités », figure malheureuse tant il eut à vivre la césure entre sensibilité et rationalité, poésie et philosophie. De fait, les grands poèmes de Coleridge sont tous d’avant son séjour en Allemagne. Tout se passe comme si à 26/27 ans il « s’opérait vivant » de la poésie comme Mallarmé le dira plus tard pour Arthur Rimbaud !
Il faut lire ces poèmes dont la célèbre Ballade du vieux marin, cette errance maritime d’un vieux marin coupable d’avoir tué un jour un albatros, « l’oiseau par qui le vent soufflait ». C’est dans ses mots qu’erre le vieux marin. Et nous avec lui, pris au filet de sa parole, renvoyés à notre propre errance de sujet sans place. À l’image d’un souffle sur la mer, ainsi allons-nous !
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20/01/2008
Lu 20 - Avec Guillevic sur le chemin des sèves
( cet article est paru dans une version abrégèe dans L'Humanité du jeudi )
Il s'agissait de fêter le centenaire de la naissance de Guillevic et de faire signe vers deux publications importantes:D'abord, Possibles futurs, Poésie/Gallimard, cat 2; puis, Relier, poèmes (1938-1996) NRF, Gallimard,29 euros.)
2007 : que de centenaires ! De René Char à Maurice Blanchot en passant par André Frénaud, Georges Schéhadée , comment pourrais-je oublier Eugène Guillevic dont s’est aussi le dixième anniversaire de la mort ? À côté de colloques, exposition, rencontres – j’écris cette chronique alors que se déroule bien loin de mes montagnes un Hommage à Guillevic à Saint-Arnoult-en-Yvelines, Maison Elsa Triolet et Aragon - des publications. Si je commencerai par signaler Du pays de la pierre aux éditions de la différence qui réunit le poète, Lucie Guillevic-Albertini et le sculpteur Boris Lejeune, les deux livres des éditions Gallimard retiendront mon attention. Le premier, c’est la réédition de Possibles futurs dans la collection Poésie/Gallimard ; le second, Relier est un fort volume – quelques 800 pages ! – que nous devons aux soins attentifs de son épouse qui a réuni les recueils ou poèmes parus entre 1938 et 1996.
17:55 Publié dans Du côté de mes publications, Inédits | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, poésie
11/10/2007
Vient de paraître : Alain Freixe - Dans les ramas
Aux éditions de l'Amourier, route du col Saint Roch, 06390 Coaraze vient de paraître dans la collection Grammages (19 euros) mon troisième livre après Comme des pas qui s'éloignent (1999) et Avant la nuit (2003). Je l'ai intitulé Dans les ramas.
J'ai demandé à mon amie Anne Slacik de m'accompagner au moyen d'un frontispice. Plus tard dans un tirage de tête.
J'ai risqué le mot « ramas » pour aller contre le sens péjoratif qui s’attache aujourd’hui à l’idée de « ramassis », amas informe, tas et pour valoriser au contraire l’idée d’ajustement qui préside à cet art de confectionner ces fagots de bois tombé à partir des brisées abandonnées au sol soit par les vents et les orages, soit par les bêtes de la nuit en leurs passées et qu’on laisse en forêt au pied de quelques arbres.
Histoire de faire signe vers ce bois partageable qui attend en nos forêts et sur lequel aucun pouvoir n’a de prise. Ici donc cinq ramas, passeurs de feu, de silence, de sens. Qu’un vent tisonnier avive.
*
Extrait de la note de Jean-Marie Barnaud mise en ligne sur le site remue.net:
On ne progresse pas, en écriture: on endure une expérience qui, peu à peu, apprend qui l'on est. Appelons ce creusement une fidélité, et acceptons qu'il donne quelque chose d'autre encore à endurer, s'il est vrai que le poème ne prétend à aucune solution mais enseigne simplement l'évidence d'une sorte de cogito de l'énigme. Le poème ouvre la parole à toujours plus d'incomplétude, en effet, à plus d'incertitude, dès lors qu'il se refuse aux plaisirs esthètes et qu'il accueille et fait entendre l'inquiétude d'une voix qui habite et interroge ses apories.
Je me suis redit cela, lisant ce dernier livre d'Alain Freixe, et y retrouvant une telle inquiétude dans le frémissement si particulier que procure chez lui la rencontre du halètement des phrases, de leurs coupes brutales, de leurs intermittences, avec la surprise d'images violentes ou complexes, et que soutiennent plus particulièrement tout au long de ce texte-ci le jeu insistant de couleurs opposées (...)
*
On lira une présentation et quelques larges extraits de Dans les ramas sur le site de l'écrivain Claude Ber: http:/www.wmaker.net/claudeber2/
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27/06/2007
Salah Stétié - Lampe du sens sur le sentier obscur
( Cet entretien que j'ai mené en février 2004 avec Salah Stétié est paru au printemps de la même année dans le N° 86 de la revue Friches, Cahiers de poésie verte, Le gravier de Glandon, 87500 Saint-Yrieix, que dirige mon ami Jean-Pierre Thuillat. Daniel Aranjo avait participé à la mise sur pied de ce dossier. )
Alain FREIXE. - Vous me pardonnerez, mais je ne puis commencer cet entretien sans vous poser la même question que celle que vous posait, en 1995, Daniel Leuwers, dans la revue Europe: « Salah Stétié, comment vivez-vous cette "question arabe" dans ses développements récents les plus tragiques ? ».
Salah STÉTIÉ. -Question pour moi douloureuse –plus douloureuse encore qu'elle ne se posait en 1995. Jamais le monde arabe, sous l'apparence calme qu'en donnent certains Etats, sous celle, ô combien tumultueuse, qu'en fournissent d'autres, n'a été aussi fragile, aussi peu maître de son destin, aussi réduit à l'impuissance, aussi livré à l'autodestruction et aux macérations amères qui en découlent. J'avais, aux divers postes de responsabilité où je m'étais trouvé par la force des choses (Ambassadeur à l'UNESCO, aux Pays-Bas, au Maroc, Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères à Beyrouth), très mal vécu sur plus de quinze ans la guerre « civile » libanaise. On appelle « civile » la guerre la plus incivile qui soit, c'est là l'une des dérisions du sens dont je n'ai pas fini d'épuiser le non-sens. Il est vrai que la guerre libanaise, à part quelque soixante mille hommes recrutés et armés par des puissances extérieures, n'avait de libanais que le fait d'avoir pour théâtre le territoire qui lui servait de scène au quotidien: meurtres, violences de toute nature, attentats, assassinats, bombardements aveugles, tout ce que le monde devait voir par la suite se reproduire dans l'ex-Yougoslavie, au Rwanda, en Iraq, et, par-ci, par-là, sur le inode mineur, dans d'autres régions du monde. Mon pays avait pourtant le privilège d'avoir derrière lui une longue, très longue histoire, et il a de ce fait réussi, au bout de quinze ans de délires et d'exactions de toute sorte qui lui ont été imposées, à retrouver sa sagesse millénaire et, dans la mesure du possible, se reprendre en main et réorganiser son système politique qui doit gérer, dans l'équilibre, le destin commun de dix-huit communautés différentes sur le plan religieux et, jusqu'à un certain point, culturel. Pour le reste, à savoir la question arabe en général, j'ai - tout en me félicitant de l'élimination de l'affreux Saddam Hussein - le plus grand mal à accepter l'occupation, par la coalition créée autour des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne, d'un pays de vieille civilisation comme l'Iraq. J'attends aussi avec impatience et colère, oui: colère, la fin de ce qui se passe actuellement en Palestine: il faut que ces deux peuples, le palestinien et l'israélien, trouvent enfin le chemin du dialogue, du respect mutuel, du droit international, que justice soit rendue au dépossédé et que le bon voisinage remplace la méfiance et la haine réciproques: « Si tu veux la paix, prépare la paix », dit Platon.AF - « Satah Stétié, poète arabe », c'est là le titre du livre que Daniel Aranjo vous a consacré aux éditions Autres Temps (l septembre 2001). Le substantif dit un droit, droit à l'exil de tout homme qui, parce qu'il parle, perd le monde et tente obstinément d'y reprendre pied, souffle et sens; I'épithète un fait, difficile à cerner. Existe-t-il un « pays arabe », une patrie linguistique et culturelle arabe ?SS - Il existe une langue arabe, une culture arabe, une civilisation arabe, complexe, qui a produit, à travers et au-delà du fait religieux, une littérature, une philosophie, une architecture, une poésie, une musique, un art de vivre, que sais-je, et c'est tout cela qui alimente la conscience et l'inconscient collectifs. Je suis le fils de cet héritage-là comme je suis le fils de ma culture française. J'ai la chance-je l'ai souvent écrit d'être un métis intellectuel et spirituel, un homme à cheval sur deux mondes. C'est cela que Daniel Aranjo a compris et c'est cela qu'il met en évidence dans son livre aussi renseigné qu'intuitif.
AF- Je ne me souviens plus dans lequel de vos articles consacrés à la poésie vous rappeliez ce mot de Flaubert: « la civilisation est une histoire contre la poésie ». Cette guerre, de quoi est-elle fondatrice à vos yeux ?
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15/06/2007
Lu 13 - André Velter et la "fée des glaciers"

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02/04/2007
Lu 11 - La lettera amorosa de Jean-Pierre Siméon
( Jean-Pierre Siméon, Lettre à la femme aimée au sujet de la mort, Cheyne Editeur, 2005, 13, 50 euros)
Et voilà que m’arrive cette Lettre à la femme aimée au sujet de la mort de Jean-Pierre Siméon. Une lettre d’amour, cela s’ouvre un peu à contre jour. À l’abri, dans le calme et le repos. Pour une joie.
Les poèmes de Jean-Pierre Siméon « (ôtent) la pierre sur (nos) souffles ». oui, dans l’excès de leurs coups de vent – ce lyrisme qui « (sait) être dans le cri / sans le cri » - ils nous aident à déchirer l’asphyxie qui nous menace. Avec eux, l’air accourt, la fraîcheur, la tendresse de « cet autre cœur / qui n’est pas un muscle ». Oxygéné de cet air autre qui fait claquer les mots des poèmes, il s’ouvre « au sens inexprimé des choses ».
Lyrique, Jean-Pierre Siméon ? Oui, c’est un grand remueur et rumineur de mots. En images, ils remontent des quatre coins : Amour, révoltes, mort, vie. Saturés de richesse, ils se clarifient au feu de l’effusion. Alors la verdeur du chant se prend à eux. On reconnaît bien là le directeur artistique du Printemps des poètes, sa fougue mise au service de la poésie, cette manière bien à lui de traverser le monde avec étonnement et générosité, ferveur et fermeté. Poésie qui sous toutes ses formes « mets les pieds dans le plat de l’existence » !
22:03 Publié dans Du côté de mes interventions, Du côté de mes publications | Lien permanent | Commentaires (0)
26/03/2007
Turbulence 10 - Clermont-Ferrand-1987/2007- Vingt ans de poésie, et au-delà
René Char
Je reviens de Clermont-Ferrand. Invité par la Semaine de la poésie pour son XXème anniversaire, fêtant pour l’occasion son fondateur, notre ami Jean-Pierre Siméon.
Se faire passeur de poésie est affaire de patience. L’autre rive n’est jamais très visible et la lenteur préside à la traversée. Celle qui n’évite pas l’errance, les doutes, parfois même les chutes mais sait se garder de celles, mortelles, dont on ne se relève que dos maçonné et regard rayé de mauvaise nuit.
Oui Jean-Pierre a raison : « Si l’écriture du poème nous apprend quelque chose, c’est d’abord ceci : il faut du temps pour faire sens et le chemin vers le sens implique les risques du chemin, tâtonnements, fatigues, impasses, éternels recommencements… »
Oui, Françoise Lalot et sa « brigade de fées organisatrices» de la Semaine de la poésie de Clermont-Ferrand ont raison, « il faut que le chemin perdure »
Oui, nous avons raison, nous autres d’ici, Yves Ughes, Raphaël Monticelli, Jean-Marie Barnaud, sophie Braganti d’animer qui La poésie a un visage à Grasse -10 ans en 2008 ! – qui La poésie des deux rives dans les pays du paillon – 7 ans déjà ! – qui les Rencontres des Ecritures Poétiques et leur Lézard amoureux – www.ac-nice.fr/daac/lézard -qui le printemps des poètes à Nice, avec tous ceux enseignants, poètes, bibliothécaires, éditeurs, artistes, enfants, adolescents, élus, bénévoles... dont le compagnonnage est nécessaire pour que rencontrer la poésie d’aujourd’hui, cette langue qui ne se soumet pas à être privé de sens, soit possible de la maternelle au lycée et plus généralement, dans les institutions et la cité.

À Eliot,
Aux femmes et aux hommes – jeunes encore ! - que j’appelais – Dix ans déjà ! – les enfants-du-pied-des-tours de la ZEP La Charme,
À mon sens, l’immense mérite de cette Semaine de la poésie est de donner chance à la rencontre.
Seule, la rencontre est fécondante. Son « angle fusant » ne se résume ni dans la présence du poète, cet intervenant extérieur supposé en savoir plus que les autres sur ce dont il s’agit , dans une classe, ni dans la manière dont cette classe a été préparée par l’enseignant. Encore que pour se rencontrer, il convient que l’on se soit donné rendez-vous et quelque peu apprivoisé, et en ce sens le travail de l’enseignant est tout à fait important - Dirais-je qu’au cours de mes nombreuses interventions, au fil des ans, il n’a pratiquement jamais été pris en défaut? - Il lui appartient de préparer la venue du poète, de soigner cette attente, de la nourrir et la creuser d’interrogations, de lectures, etc...
Mais, ce qui importe ce n’est pas encore cela. Ce qui importe ce n’est ni le poète, ni la classe elle-même, mais leur rencontre, soit cet entre-deux, cette dimension à chaque fois neuve et inouïe d’un je et d’un tu, cet espace tiers entre un toi et un moi, espace autre par où passer est possible.
C’est dans cette rencontre que je définirais volontiers par ses qualités, soit ce sens des entours - timbre, tons, résonances, couleurs... - que se joue la transmission.
Et n’est -ce pas de cela dont il s’agit dans cette Semaine de la Poésie?
Ne s’agit-il pas d’être des passeurs de poésie?
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24/03/2007
Lu 11 - René Char, Lettera amorosa

C’est ce mouvement là qui anime cette Lettera amorosa que nous donne à lire aujourd’hui Poésie/Gallimard. L’érotique est ici éthique de la parole. Femme et langue sont là comme absentes. La langue parce que reclose sur elle-même, figées dans ses notions prédéfinies. L’écriture de Char l’attaque, la malmène jusqu’à l’ouvrir sur cette jouissance secrète qui s’accomplit en un « merci » par lequel le poète donne congé à sa « fleur de gravité », « iris d’Éros, iris de Lettera amorosa ». Celle qui continue à « (accompagner) le retour du jour sur les vertes avenues libres. »
Cette édition présente l’intérêt de nous offrir non seulement les deux versions du texte, celle de 1952 sous le titre de Guirlande terrestre et celle de 1964 parue dans l’anthologie Commune présence, qu'on trouvera également dans la collection Poésie/Gallimard, mais également la reproduction des 16 collages de Jean Arp qui accompagnaient la première version et les 24 lithographies de Georges Braque qui allaient l’amble avec la deuxième. Quand on sait combien René Char fut attentif à ceux qui furent ses « alliés substantiels », ces peintres qui à l’instar de Picasso en 1939 lui offrirent – et continuent à nous offrir – « mille planches de salut », on mesure l’importance du dialogue ici offert.
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25/02/2007
Hommage à Jacques Dupin à Privas


Ami avec des écrivains dont Maurice Blanchot, André Frénaud, Francis Ponge, Pierre Reverdy, il est l'un des fondateurs de l'importante revue L'Ephémère en 1966, avec Yves Bonnefoy, Paul Celan, André Du Bouchet, Louis-René des Forêts , Gaétan Picon. Il en assuré la coordination.
Ami avec des artistes, il organise des expositions, écrit des articles ou des préfaces pour les catalogues, ou encore avec lesquels il crée avec eux des livres singuliers, des livres d'artistes : Constantin Brancusi, Victor Brauner, Georges Braque, Alberto Giacometti, Jean Hélion, Wifredo Lam, André Masson, Joan Miro, Henri Michaux, Pablo Picasso, Nicolas de Staël, Bram van Velde, et plus près de nous, Valérie Adami, Pierre Alechinsky, Francis Bacon, Jean Capdeville, Eduardo Chillida, Colette Deblé, Joan Mitchell, Raquel, Paul Rebeyrolle, Jean-Paul Riopelle, Antonio Saura, José Maria Sicilia, Antoni Tapies, Gérard Titus-Carmel, Raoul Ubac, Jan Voss.
Comme avec les écrivains, la compagnie et l'accompagnement des artistes sont déterminants pour le travail de Jacques Dupin, dans la lumière de l'autre qu'il recherche ardemment, dont il devine la tension. Ses écrivains et artistes contemporains, qui ont tous marqué l'histoire de la littérature et de Fart, sont ses « alliés substantiels ».
De Cendrier du voyage (GLM, 1950, réédition Fissile en 2006) à Coudrier (POL, 2006), en passant par Gravir (Galllimard, 1963), Dehors (Gallimard, 1975), Les Mères (Fata Morgana, 1986), Echancré (POL, 1991), Eclisse (Spectres Familiers, 1992), Ecart (POL, 2000), cinquante-six ans et de très nombreux livres. A côté des livres courants , il y a aussi ces livres d'artistes importants : La Nuit grandissante, avec Antoni Tapies ( Erker Press, 1968), Proximité du murmure, avec raoul Ubac (Maeght, 1971), L'Issue dérobée, avec Joan Miro (Maeght, 1974), Matière du souffle, avec Antoni Tapies (Lelong & T, 1991), Nacelle, avec Jan Voss ( Leiong, 1995), Impromptu, avec José Maria Sicilia (Michael Woolworth,1995), Combe osbscure , avec Jean Capdeville (Ecarts, 1999).... qui jalonnent l'histoire des livres d'artistes.
En 1988, Jacques Dupin reçoit le Grand Prix national de Poésie.
En 1998 , les éditions Gallimard reprennent plusieurs de ses livres dans Le Corps clairvoyant: 1963-1982.
Le n° 20 / 21 de la revue faire part est une reconnaissance, au sens de reconnaissance d'une œuvre forte, intense, « lieu hors de tout lieu » pour reprendre les mots de Claude Esteban, reconnaissance au sens aussi de gratitude, tant nous sommes reliés à l'œuvre de Jacques Dupin et lui sommes redevables. Quelque chose comme un exercice d'admiration.
« Matière d'origine, Jacques Dupin » vient parcourir et reconnaître son travail, après d'autres reconnaissances : les expositions à V Ecole des Beaux-Arts de Quimper (1986), au Musée de Gravelines (1996), au Cipm à Marseille (1988 et 1992), à la Cité du Livre/Ecritures croisées à Aix-en-Provence (2001), ainsi que des cahiers et numéros de revues ; Revue des Belles Lettres n°3-4 (1986), Le Cahier du Refuge n°22 (CIPM, 1992), L'Injonction silencieuse, cahier Jacques Dupin (La Table ronde, 1995), Prétexte n°9 (1996), Cahiers de la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet n°2 (1998), Strates, cahier Jacques Dupin (Farrago, 2000), Méthode ! n°8 (Vallongues, 2006). Ainsi que les livres de Michael Brophy, Maryann De Julio, Valéry Hugotte, John E. Jackson, Seiji Marukawa,
Nicolas Pesquès, Georges Raillard, Dominique Viart.
Le n° 20 / 21 de la revue faire part paraît au même moment qu'un livre « Mélanges pour Jacques Dupin » aux éditions POL, sous la direction de Nicolas Pesquès : de nombreux écrivains et artistes d'aujourd'hui y affirment la présence forte de cet écrivain, qui est plus que jamais notre « extrême contemporain ».
Jacques Dupin écrit dans « le bonheur de vivre à l'affût d'être touché par l’infime », il «écrit ce qu'il ignore », il « attend très bas la première goutte d'eau souterraine qui décomposera la lumière. L'éparpillement dans la terre des lettres d'un nom éclaté ». Il écrit, dans l'un éclaté, et s'adressant à l'autre, inventant sa présence, « à l'inconnu de tout lecteur».
Il écrit l’abrupt, l'aride, d'une lettre à l'autre, d'un mot à l'autre, d'un livre à l'autre, il laisse toujours un mot, dehors, une « matière du souffle », une « matière d'infini », pour ainsi dire une matière d'origine, de commencements, il reprend le fil, il revient à la ligne, comme au seuil de l'autre. La poésie et la pensée s'y défient dans l'attrait et l'affront proche du silence, tout à leur extrême solitude et à l'empoigne du réel, dans la recherche, coûte que coûte, de la lumière.
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