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11/11/2008

Lu 28 - Philippe Jaccottet - Ce peu de bruits

Couv Jaccottet707 - copie.jpgCe peu de bruits (NRF, Gallimard, 12 euros), dernier livre de Philippe Jaccottet s’ouvre sur un « obituaire », ce registre où l’on écrit le nom des morts. Entrer par la mort, faire d’elle le guide sombre de cet âge cassant dans lequel est entré le poète avec le siècle nouveau, c’est faire d’elle l’éclaireuse de ce qui reste. Comme c’est mettre sous sa lumière les pages qui suivent ces saluts aux ami(e)s disparus.
Suivent au fil des pages des brins d’existence comme de langue : « des bribes ultimes sauvées dans un ultime effort du désastre » par un survivant. Soit des miettes, des touches, des fragments de choses vues, des bouts d’images, autant de mots que l’on peut dire quand on revient des contrées de l’absence et de la perte, quand on remonte du « ravin » ces « notes » tirées de la mort comme de l’oubli et du silence pour, grimpant, se sentir encore un peu léger à parier toujours pour la transparence et le délié et « jusqu’au bout, dénouer, même avec des mains nouées ».
Ce peu de bruits est donc celui que fait cet ensemble de notes, de citations, de morceaux de poèmes, d’impressions de lectures. C’est un murmure que l’on entend. Quelque chose de rasant, une lumière de bas de porte mais qui insiste et trouve à passer, à faire encore danser les poussières. Un chuchotis endurant, cette musique même de l’âme quand elle défroisse ses plis sous les souffles des mots que tisse encore ce « vieux chinois anonyme » sous les traits duquel se peignait le jeune poète Philippe Jaccottet dans ses Remerciements pour le prix Rambert, toujours là, dans sa cave, à peindre des « riens », « débris » qui seraient comme d’un « nouveau livre des Morts » et tels que nous pourrions les brandir au moment de franchir le mince ruisseau de la fin. Et passer « sans peur ni regrets le seuil du très sombre espace qui (nous) attend pour nous engloutir ou nous changer ».
On est là, dans ce livre,  comme sur un site archéologique, ces fragments épars ici rassemblés sont autant de témoignages que la fouille a arraché au silence et à la nuit de la terre des jours et qui, de façon terriblement intempestive à mesure que le pas se fait plus « caduc », comme le dit Luis de Gongora, affirment qu’il y a encore bien des occasions d’être surpris par cet insaisissable qu’est la beauté lorsque nous en faisons l’expérience dans une rencontre soudaine et hasardeuse.
Je ne me lasserai jamais de remercier Philippe Jaccottet de nous apprendre à « être ouvert » aussi bien à l’enfer et au malheur qu’à ce qui devant nous, persiste, dans le cours du monde, cette lumière qui coule comme l’eau d’un ruisseau inverse – « Cela ruisselle vers le haut », écrit Jaccottet  - dans le chant du rossignol.
Mon ami Hans Freibach sait que « les beaux chemins » de Philippe Jaccotet – son étude parue dans le N°110/111 de la revue Sud en 1995, a été reprise sur le blog lapoesieetsesentours.blogspirit.com le 12/09/2006 - sont des chemins de vie. Mon salut au seuil de l’été pour lui. Et vous !

(article paru dans le Patriote Côte d'Azur N°2128 du 11-17 juillet 2008))

Commentaires

Un vrai merci pour cette belle lecture de "L'obituaire". Puis-je ajouter non, pas un commentaire mais deux annonces qui relancent notre émotion en face de Jaccottet ?
Aujourd''hui, mercredi 12 novembre, dans l'amphithéatre de la Cité du Livre d'Aix en Provence, Philippe Jaccottet donnera lecture en public de deux de ses textes parus chez l'éditeur La Dogana. D'abord "Le Bol du Pélerin", l'ouvrage qu'il consacrait voici quelques années à Giorgio Morandi, ensuite "Avec les frêles outils de l'art", les pages qu'il vient de rédiger à propos de sa compagne Anne-Marie Jaccottet. Il est très rare que Jaccottet accepte de lire en public, cette occasion est exceptionnelle.
Le lendemain, jeudi 13 novembre, dans un galerie située 30 rue du Puits Neuf à Aix, se déroulera le vernissage des aquarelles et des dessins d'Anne Marie Jaccottet.
Et puis je voudrais donner une autre nouvelle à propos de Jaccottet. En 2011, paraîtra un volume de la Pléaide/ Gallimard qui réunira l'essentiel de son oeuvre ; la préface sera vraisemblablement rédigée par un magnifique poète italien quadragnéaire qui vit à Lugano, Fabio Pusterla. Cet évênement modifiera merveilleusement la réception de l'oeuvre de ces deux écrivains. Fabio Pusterla est presque inconnu en France, on trouve ses recueils, traduits pour partie par Jaccottet, chez La Dogana et chez Cheyne
Avec toute ma sympathie pour la liberté d'Alain Freixe qui peut vivre à présent loin de l'école, A.P

Écrit par : Alain Paire | 12/11/2008

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