07/03/2010
Béatrice Machet - Un poème venu des Etats-Unis
Béatrice Machet : Vit dans le Var, Sud de la France, depuis vingt cinq ans. Et désormais vit aussi quelques mois de l'année aux Etats-Unis. Après un détour dans les milieux de la danse contemporaine et de la science fiction française, elle rencontre Jean-Hughes Malineau (poète alors responsable chez Gallimard de la section Folio jeunesse ) qui le premier saura lui donner confiance pour "oser" proposer ses textes à la publication. B.Machet aime à collaborer avec les plasticiens, avec les compositeurs dont Michel Chaupin le bassiste de l'ex groupe STARSHOOTER avec qui elle a fondé le groupe HADZIIN pour faire tourner un certain répertoire sous forme de récital musical, ou autres pour des improvisations, ainsi qu‘avec des danseurs. Elle est régulièrement publiée dans les revues Françaises mais aussi à l'étranger. Depuis longtemps plongée dans l’univers des Indiens d’Amérique du nord, elle s'est mise en relation avec des auteurs Indiens contemporains dont elle traduit poèmes et romans. Fait partie de l'association Le Scriptorium de Marseille, animée par Dominique Sorrente.
Traduite en Albanais , en Anglais, en Anglo-Américain. et en Espagnol. Présente sur hadziin.canalblog.com, bribes-en-lignes.fr, la toile de l'un. Ses ouvrages récents, recueils poétiques comme traductions, sont édités par les éditions VOIX et par les éditions l'AmourierVanderbilt University, Women’s center
Pour Nora et son zèle
Ses poings souvent se sont abattus sur moi.
Je les ai faits glisser couler …………rien n’a pénétré dans ma chair.
Seuls les mots cognent ....
Contre les lèvres au plafond du palais de ma bouche.
Ma langue ne peut les ravaler.
Je n’avais pas de larmes mais des mots oui.
Des ecchymoses bleuies sur ma peau télégramme…
Des mots rapides et sûrs.
Des voix me disaient :
écris le poème celui qui s’adresse et celui qui appelle.....
Celui qui me parle est un poème en visite par les innombrables prisons tues… bien que devinées.
Les mots du poème disent le cœur des femmes pardonnant aux hommes humiliés qui ensuite les battent … et les hommes le lendemain pleurent et se confondent en excuses ...
J’écris les poèmes perdus que mon oreille par hasard recueille.
Ceux qui cherchent un toit. un abri au creux d’une guitare, d’un saxo, les égarés trompettés tambourinés …
J’écris le poème qui me cherchait comme on cherche une épaule les jours de cafard …quand l’urgence d’échapper aux coups fait voler....
Le poème du cœur où le rêve fait lever l’arc-en-ciel des mots. Il défie le soleil et embrasse le vent. … le poème n’aura ses ailes ……mais ce sourire.
© Béatrice Machet
20:13 Publié dans Mes ami(e)s, mes invité(e)s | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, béatrice machet
06/03/2010
Lu 51 - Rouge Rothko de Françoise Ascal
Poète, Françoise Ascal aime la peinture. C’est d’un compagnonnage qu’il s’agit. Non qu’il s’agisse de fréquenter, les préoccupations, les œuvres, l’atelier de tel ou tel peintre – en ce sens, il ne s’agit pas ici pour Françoise Ascal d’écrire sur l’art, de chercher le régime de paroles qui convient au silence qui coude les productions de l’art – mais de dialoguer avec ces images d’images, aussi diverses qu’images découpées dans des revues ou cartes postales achetées au sortir d’une exposition, que Françoise Ascal collectionne et qui sont comme son « atelier intérieur », un chantier ouvert sur le rêve. Pauvreté du support donc mais intérêt pour l’œil et la main car ces images secondes, elle va pouvoir les tourner, les retourner ; les approcher, s’en éloigner ; les faire jouer les unes avec les autres jusqu’à trouver la bonne distance, la bonne position qui en fasse comme autant de fenêtres ouvertes sur la peintures certes mais surtout dans la peinture sur la lumière.
On trouvera dans ce livre 16 reproductions, 16 vignettes et 16 textes où ce qui importe c’est moins de savoir s’il s’agit d’une lettre – à Joseph Sima par exemple – d’un poème où prose et vers se mêlent que de se laisser prendre par la pente de la rêverie qui suppose des accélérations, des sauts d’une image à l’autre, d’un bruissement à un autre jusqu’à vouloir « devenir torche ou tornade / qu’enfin tombe en cendres le trop qui m’entrave ». 16 vignettes qui s’ouvrent sur Rembrandt, Portrait de la mère assise à table que Françoise Ascal reconnaît comme sa « terre natale » et qui se terminent par Rothko, « toile de feu », « la plus rouge, la plus incandescente », celle qui appelle à « traverser les parois » jusqu’à un « là-bas, derrière les pigments », pays de la joie. Ce « dialogue secret » avec ces images où « l’intime et le collectif se rejoignent », Françoise Ascal le mène de façon non pas à nier « le noir de la peur, de la perte et du deuil », celui de la violence du monde, de la fureur des temps mais à « désencombrer la vue » afin de garder toujours vif cet « instinct de ciel » que la vie même exige.
J’aime que ces 16 cases jouent à partir d’une case vide, celle d’un « Bonnard perdu » alors que fument dans la nuit de la lucarne les bombes incendiaires et les balles traçantes sur « Bagdad, Bassorah, Nejma » - Rappelez-vous l’opération « tempête du désert » déchainée en janvier 1991 ! Manque un Bonnard « aux aubes lumineuses ». Et c’est heureux ! Comme au jeu de pousse-pousse, la case manquante permet la venue des mots possibles, c’est ici l’image perdue qui permet le libre jeu des images et que passe l’air qui au livre va donner sa respiration. Case vide comme « un interstice, une tangente », une poterne ouverte sur le dehors où il y aurait « de quoi (se) dissoudre dans les pigments colorés d’un maître en lumière ». C’est cela que cherche cette dormeuse éveillée qu’est Françoise Ascal : « abandonner son sac de peau », sortir, s’en sortir, trouver une issue ni par le bas, ni par le haut mais en se jetant à côté. Du côté où c’est toujours « de l’âme pour l’âme (…) de la pensée accrochant la pensée et tirant » selon la belle expression d’Arthur Rimbaud.
Françoise Ascal, Rouge Rothko, Editions Apogée, 12 euros
00:08 Publié dans Du côté de mes publications | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, françoise ascal
17/02/2010
Jeanne Bastide - La Vieille qui prie
(A propos de Jeanne bastide, nous renvoyons nos lecteurs aux Archives du 08 janvier 2008 et à notre rubrique "Mes ami(e)s, mes invité(e)s. Elle a publié depuis un silence ordinnaire, aux éditions de l'Amourier, collection Thoth en 2009 et des livres d'artiste dont Intimité de la lumière avec Yves Picquet aux éditions Double cloche en 2007; Le ciel n'a pas de peau, encres de Jean Millon, collection À côté des Cahiers du Museur en 2008; Un silence très clair, encres de Jean Millon aux éditions Des Cent regards en 2009.
mail : janine.bastide@club-internet.fr )
*
La vieille qui prie
Tous les matins – Debout - la vieille prie
C’est ce que tu voies
Elle prie à une fenêtre que tu ne voies pas
Elle prie, le front plissé – les yeux fermés - les mains cousues
Elle prie, tu crois qu’elle prie –
Les jours se répètent et elle prie
Tous les matins à sa fenêtre une vieille femme prie.
***
D’elle à toi, c’est une étendue longue à traverser – tu n’en vois pas le bout. Mais tu y arriveras. Le plus difficile, c’est le flou tout au fond. Tu entends sa voix de l’autre côté …
Ah oui, traverser.
Affronter la pente et cette force qui t’entraîne trop vite. Les jambes qui se mettent à courir avant que tu ne le veuilles.
Tu entends une voix… un mot que tu ne reconnais pas.
Le pays respire en toi – avec ses creux de souffrance - son balancement intérieur.
Il y a une joie sourde à savoir la terre immobile et constante.
Tu te surprends avec un désir de marcher ou de rire en plein vent. Tu veux voir vieillir l’arbre du chemin. Sentir les entrailles du sol sous tes pas.
Ta peau s’éveille.
Ton cri devient souffle. Le corps prend les rênes.
***
Puis il y a eu le jour de l’escalier.
La grand-mère n’était pas là.
18:26 Publié dans Mes ami(e)s, mes invité(e)s | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, poésie, jeanne bastide
Lu 50 - Et si le rouge n'existait pas (Anthologie poétique)
Et si le rouge n’existait pas…les poètes l’inventeraient ! Dans cette anthologie que publie Le temps des cerises, ce sont 67 poètes qui ont été réunis par Françoise Coulmin – impossible de les citer tous, vous l’imaginez ! 67 couleurs du rouge, 67 nuances pour 67 poèmes entre lesquels circule une belle énergie avec quelques sauts à pratiquer ici ou là pour maintenir vive la course.
Françoise Coulmin a eu la bonne idée de placer à la clé de cette anthologie cette affirmation de James Sacré : « le mot rouge convient parfaitement pour tout dire » qu’elle développe en ces termes : « C’est un rouge de tous les sangs : sang des vignes et des arts, sang des corps et des femmes et sang de la colère des rues. Bain de rouge : volcans, couchant, jardins et feux. Rouge cœur et violence, sang prisons, sang martyrs. Rouge amour, rouge exil, rouge histoire, un sang puissant de vie et mort est ici décliné. Rouge. »
Si Jean Métellus montre combien on peut prendre « littéralement et dans tous les sens » ce rouge comme disait celui du « i » tant il est « propre à servir toutes les opinions / à célébrer toutes les religions », « disponible pour toutes les causes », parce qu’il est mouvement, qu’ il se prête à toutes les métamorphoses, il est force.
Rencontre de la lumière et de l’obscurité selon Goethe, il a le tranchant de tout ce qui sépare. Nous jette à côté. Dans la confusion. La déroute.
Rouge, la surprise, le heurt, l’arrêt. Rouge du poème quand en lui de l’inconnu surgit. Rouge, rupture. Déchirure. Entame. Et déjà la fraîcheur.
( Et si le rouge n'existait pas, Anthologie poétique, Le temps des cerises, 10 euros )
© Alain Freixe
11:16 Publié dans Du côté de mes publications | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, poésie
08/02/2010
Lu 49 - Maïakovski, De ça (1923) traduit et précédé de L'adresse à Vladimir d'Henri Deluy
Empruntant cette parole à Maïakovski, l’attribuant à Henri Deluy, j’oserai un « (ils sont) poètes, c’est ce qui fait (leur) intérêt ». Je poserai cela d’entrée comme une borne, cette limite qui n’enclôt pas mais tient d’abord dans un rythme son propos.Henri Deluy fait précéder sa traduction du poème de Maïakovski De ça (1923) d ‘une Adresse à Vladimir dans laquelle au mépris de toute chronologie, il met son cœur à nu, laissant percer une tendresse crispée. D’une dette l’on s’acquitte, ce qui autorise quelques remarques. Ainsi passe-t-on d’un « je sais tout » (1946) à l’aveu d’un flottement, d’un « je ne sais plus quoi faire de toi », sous les coups de l’Histoire. C’est que l’on ne regardait pas du bon côté, du côté de la lecture des poèmes mais de celui du destin de ce nuage en pantalons. Lourd d’une double question : celle du poème et celle du communisme, c’est une vie, la trame de ses étoffes que nous offre Henri Deluy.
Choisir de traduire De ça, ce poème majeur de l’année 1923 ne saurait être pur hasard. Ce poème « sur des motifs personnels à propos du mode de vie en général » prend appui sur la situation amoureuse personnelle de Maïakovski et de Lili Brik et en écharpe, la situation politique de l’URSS, les débuts du conflit entre Staline et Trotzki … Comment continuer la révolution alors que les premiers effets d’embourgeoisement liés à la NEP commencent à se faire sentir ? Comment parler du quotidien, du byt , ce visage du temps épuisé, figé, solidifié, pétrifié, image en tout de la mort qui semble triompher à nouveau ? Comment poursuivre la marche forcée vers le haut ? Comment garder la tête dans les flammes ? Comment partir encore vers l’avenir et vivre son dû d’amour ? Maïakovski croisera toutes ces questions dans ce poème-fleuve au lyrisme toujours combattant, douloureux, tendu vers une sérénité future de visionnaire. Faire de la douleur, du mal d’amour un moteur pour filer dans les étoiles, les allumer les unes après les autres et entraîner dans son sillage l’humanité toute entière.
Choisir de traduire – Toucher à l’inconnu du texte, tenir la vibration, rendre la voix plus que le sens, « cette soustraction » dit Henri Deluy – De ça, c’est aller voir comment Maïakovski pouvait planterdans l’avenir – car c’est « dans l’œil entrouvert de l’avenir » que « brille le véritable amour humain » pour Maïakovski - le regard de ses images, rouler le rythme de ses vers, faire sonner ses mots-tocsins et y trouver non une leçon mais voir comment un poète se tenait au centre des choses et des événements, comme un homme debout.
Un homme seul, « oursifié », qui crie sa haine de la médiocrité petite-bourgeoise avec ses journalistes criticailleurs et les romances sucrées de ses bouffons-lyriques.. Un homme capable de fouetter le temps pour le faire filer en imagination loin des « cérémonies du thé » et des « chausettes reprisées » vers ce « trentième siècle » qui devrait « (dépasser) l’essaim / des mille riens qui déchiraient le cœur ». Un homme déchiré de poésie qui en appelle à une langue nouvelle.
Un vivant parlant à des vivants, voilà ce que la traduction d’Henry Deluy nous rend. Un poète, porteur de l’amour, seul garant de l’Histoire, même et surtout parce qu’il manque. Encore.
Vladimir Maïakovski, De ça (1923), Henri Deluy, L’adresse à Vladimir, Inventaire/Invention, 11 euros
(Note parue dans L'Humanité du jeudi 07 janvier 2010 )
19:09 Publié dans Du côté de mes publications | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie
Ménaché - Mahmoud Darwich, palestinien planétaire
À « l’Autre Salon » de Grigny, le 6 novembre 2009, un hommage au poète palestinien Mahmoud Darwich, disparu au cours de l’été 2008 aux USA, a fait revivre cette grande figure de la poésie arabe d’aujourd’hui. J’ai eu le privilège d’ouvrir cette soirée et j’en reformule pour la revue Décharge la présentation avec le poème dédié à l’auteur et publié une première fois dans la revue Lieux d’être.
Je suis né la même année que Mahmoud Darwich. Cela devrait-il suffire pour que je le considère comme un frère ? - Fraternité de poètes !
Dans l’anthologie CENT POEMES POUR LA PAIX (Cherche-Midi éditeur - Appel des cent contre l’arme nucléaire, 1987), son nom prestigieux précède le mien. Nos poèmes sont imprimés sur deux doubles pages, dans la proximité des thèmes (Rita et le fusil de Mahmoud Darwich ; L’école du cadavre et Beyrouth 10 ans après de Michel Ménaché). Ce voisinage de papier et d’encre m’honore. Je le reçois comme un signe…
Son poème autobiographique, Rita et le fusil, évoque une rencontre amoureuse avec une juive, rencontre saccagée par la guerre. La blessure à vif, jamais cicatrisée, déchire la page : « entre nous, mille oiseaux mille images / d’innombrables rendez-vous / criblés de balles… »
La tragédie aujourd’hui continue ! Face à face, deux réalités : juive israélienne / arabe palestinienne. Aucune ne peut ni ne doit éradiquer l’autre. La voie est étroite, semée d’embûches.
Ces deux légitimités mal évaluées, baignées de sang et de larmes, témoignent de deux destins historiques que ne doit justifier ni le mensonge religieux ni l’exclusive communautariste, voire pire, le critère biologique absurde (ADN !), dernière infamie avancée par l’extrême-droite israélienne !
Le discours de M. Darwich est un appel à la sagesse, contre tous les intégrismes, sans concession. Le peuple palestinien est bafoué dans ses droits élémentaires : « le présent se noie dans la tragédie… » Mais, en poète, il célèbre la vie et la beauté. Il affirme que « le seul véritable ennemi de la poésie, c’est la haine ! » Ou encore, défendant sa culture en danger : « la poésie est un combat en Palestine pour désoccuper la langue. »
Dans une lettre ouverte, Hystérie du poème, écrite suite aux turbulences provoquées en Israël par son poème Passants parmi des paroles étrangères dont quatre traductions différentes en hébreu ont été publiées au cours de l’année 1988, son art du pamphlet se révèle, la provocation fait mouche : « Le poème, c’est la guerre, le danger, la peste […] Nous leur proposons un marché : qu’ils suppriment les colonies et nous supprimerons le poème… »
(Hystérie du poème, in Palestine mon pays, introduction de Simone Bitton, éd. de Minuit)
Mahmoud Darwich parlait l’hébreu et l’arabe, deux langues sémitiques, deux langues sœurs. Là est la condition du dialogue, sinon la voie ouverte pour que deux peuples apprennent enfin à se parler, à faire tomber les murs de béton ou de haine, à se reconnaître pour ce qu’ils sont et non pour ce qu’ils croient ou voudraient être….
Nommer l’Etat d’Israël, Etat hébreu et non « Etat juif » serait un grand pas vers la paix. L’hébreu n’est-elle pas la langue commune à toutes les composantes de l’Etat d’Israël ? Les frontières de 1967 restent une base de négociation même si la discontinuité des territoires palestiniens pose un problème redoutable de coexistence et d’administration.
Deux passeports pour deux peuples, est-ce un rêve irréalisable ?
Le choix du chef d’orchestre israélo-palestinien Daniel Barenboïm est exemplaire, lui qui, muni de quatre passeports dirige un orchestre constitué de musiciens arabes palestiniens - ou des Etats voisins - et juifs israéliens. Israéliens et Palestiniens ont beaucoup à apprendre ensemble, beaucoup plus à gagner qu’à perdre.
La poésie de Mahmoud Darwich est lue en Israël. Un ministre de l’éducation avait même proposé qu’elle soit étudiée dans les classes israéliennes. Ehoud Barak s’y est opposé en aveugle…
J’ai publié dans la revue EUROPE une note de lecture sur le recueil MURALE - traduit par Elias Sanbar pour Actes Sud en 2003 -. Mahmoud Darwich a écrit ce long poème après qu’il a vu la mort de près, victime d’un anévrisme de l’aorte, en 1998. Dix ans avant de mourir à Houston, en Amérique…
Il écrivait : « Comme le christ sur le lac, / j’ai marché dans ma vision. / Mais je suis descendu de ma croix / Car je crains l’altitude. »
Il était à Grigny ce soir-là parmi nous.
« J’habite dans une valise, » affirmait cet exilé universel, ce palestinien planétaire.
Cette expression m’a inspiré le poème qui suit : Toujours ailleurs…
à Ernest Pignon-Ernest
Toujours ailleurs
J’habite dans une valise
disait-il
L’ailleurs nous porte
hirondelle d’oubli
l’ailleurs fumée de rêves
l’ailleurs aux gonds de nostalgie
l’ailleurs partout où n’être pas
l’ailleurs comme renaître
l’ailleurs d’errances et de dérives
l’entre-deux où se perdre
attente de l’autre rive
Ici toujours penche vers l’ailleurs
ici incline ou élève à ciel ouvert
chemin à bascule
sables mouvants de l’espoir
Confort étroit de l’ici
risque consenti de l’ailleurs
l’ici et l’ailleurs
frères à tout rompre
Ailleurs moulin à tire d’ailes
ailleurs aux ailes de nuages
Ailes d’exil et de tempêtes
soulevant des voix si fragiles
si fortes
J’habite dans une valise
disait le poète galiléen
pollen de larmes
mouvement perpétuel
paroles ivres de jasmin
J’habite dans une valise
disait Mahmoud Darwich
l’espace pas à pas
l’ailleurs en archipel
Palestinien planétaire
Mahmoud Darwich
est mort à Houston en Amérique
sa valise reste ouverte
aux mains fraternelles…
© Ménaché
19:02 Publié dans Mes ami(e)s, mes invité(e)s | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littÉrature, poÉsie, mÉnachÉ, darwwich, pignon ernest
France Burghelle Rey -2 poèmes
( France Burghelle Rey est membre de l'Association des Amis de Jean Cocteau, de l'Association Hélices Poésie fondée en 1994 par Emmanuel Berland, du P.E.N. Club français et de la Nouvelle Pléiade. La poésie semble bien son mode privilégié d'expression car elle a toujours recherché la concision et l'ellipse à la limite du silence. Mais le besoin impératif de musique, règle d'or, à son sens, de l'émotion poétique, explique la rédaction récente de douzains qui tentent de chanter. Publie dans une quinzaine de revues.
Derniers recueils parus:
Odyssée en double, Encres Vives, coll. Encres Blanches, avril 2009
La Fiancée du silence, Encres Vives, coll.Encres Blanches, décembre 2009
Le Marcheur bouleversé, Jacques André, 2010 ( à paraître )
Derniers livres d'artiste publiés:
L'or de ma mémoire en collaboration avec le peintre Georges Badin, Livre pauvre, coll. Aboli bibelot , Daniel Leuwers)
*
De l'autre côté des fenêtres dans la lumière
les oiseaux fuient leur nid pour mettre
leurs livrées pardessus noirs et jabots blancs
jusqu'aux écharpes rouges
Les grands paons dévalisent les marchands de couleurs
les rayons de Noël de la Belle Jardinière
pour devenir amis avec les arcs-en-ciel
Quand ils se battent entre eux
ils s'arrachent leurs plumes
les maîtres en découpent les ocelles
et en font des gommettes qu'ils offrent à
leurs meilleurs élèves
*
à Claude Vigée,
Ma jeunesse dans sa perte est présente
j'ai retrouvé les gommettes du paon sur
les peintures de Mondrian - Palais d'un grand musée -
où je cherchais le sang la musique rouge-sang
J'hésite est-ce l'angoisse ou la joie?
ma bouche ouverte pour l'aleph
il faut se prosterner devant la fiancée
De l'aurore du silence à l'aube d'une parole
Mozart je te salue plus que notre Seigneur
flammes transmuées en musique
je prends mon élan pour mieux vous traverser
© France Burghelle Rey
18:29 Publié dans Mes ami(e)s, mes invité(e)s | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, poésie
Balise 57 - Tchouang-Tseu et la transmission
(...) Le duc de Houan lisait dans la salle, le charron Pien tallait une roue au bas des marches. Le charron posa son ciseau et son maillet, monta les marches et demanda au duc : Puis-je vous demander ce que vous lisez ? - Les paroles des grands hommes, répondit le duc. - Sont-ils encore en vie ? - Non, ils sont morts. - Alors ce que vous lisez-là, ce sont les déjections des Anciens ! - Comment un charron ose t-il discuter ce que je lis ! répliqua le duc ; si tu as une explication, je te ferai grâce ; sinon tu mourras ! - J'en juge d'après mon expérience, répondit le charron. Quand je taille une roue et que j'attaque trop doucement, mon coup ne mord pas. Quand j'attaque trop fort, il s'arrête (dans le bois). Entre force et douceur, la main trouve, et l'esprit répond. Il y a là un tour que je ne puis exprimer par des mots, de sorte que je n'ai pu le transmettre à mes fils, que mes fils n'ont pu le recevoir de moi et que, passé le septantaine, je suis encore là à tailler des roues malgré mon grand âge. Ce qu'ils ne pouvaient transmettre, les Anciens l'on emporté dans la mort. Ce ne sont que leurs déjections que vous lisez là.
18:15 Publié dans Balises | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, pédagogie, tchouang-tseu
04/02/2010
Turbulence 44 - Le temps des liquidateurs!
Les liquidateurs sont toujours à l'oeuvre! Après la suppression de la direction du livre et de la culture (voir Turbulence 39 ) voilà que le Monastère de Saorge changerait de vocation: un hôtel! De luxe, on imagine! Ceux -la qui disent avoir le souci des créateurs sont prêts à brader x lieux dont le Monastère de Saorge au tourisme - "culturel" bien évidemment!!!
Je relaie de toute mon énergie mes ami(e)s Michaël Glück et Hélène Sanguinetti qui viennent de m'informer de ces menaces.Faites savoir tout cela autour de vous! Signez la pétition! Faisons-nous entendre! Ici, ailleurs. Partout!
22:53 Publié dans Dans les turbulences | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature, poésie
Fabienne courtade, un poète, un poème
( Fabienne Courtade vit et écrit à Paris. Participe à des revues et à des ouvrages collectifs.
Table des bouchers, éditions Flammarion, 2008
Il reste... éd. Flammarion, 2003
Ciel inversé ( II ) , Cadex éditions, 2002 - Ciel inversé ( I ) , Cadex éditions, 1998
Nuit comme jours , éditions Unes, 1999
Lenteur d’horizon , éditions Unes, 1999
Entre ciel , accompagné d’aquarelles originales de Frédéric Benrath, éditions Unes, 1998
Quel est ce silence , éditions Unes, 1993
Nous, infiniment risqués , éditions Verdier, 1987
Livres d’artistes (poésie / peinture), avec notamment Frédéric Benrath, Gilbert Pastor, Joël Leick, Thierry le Saëc, Jean-Michel Marchetti, Jean Brault, Philippe Guitton. ).
Elle m'a confié ce poème extrait d'un Cahier Ö - numéro 13, accompagné d'une peinture originalle de Philippe Guitton.
Quinze exemplaires ont été fabriqués en collaboration avec la galerie de peinture l'Espace Liberté, à Crest et la maison d'édition, les Ennemis de Paterne Berrichon.
*
28 juin de l’année précédente
quelqu’un dit violence noire
sombre
poudrée
point de douceur, un peu de couleurs
sorti des ruines se déplace aussi
ciel gris je ne vois pas
même en ouvrant
le corps des aveugles
avec de petits saignements
alors nous allons en somnambules sont allées de somnambules
sa main se pose juste au-dessus de ma tête
sorte de battement d’ailes
il s’éloigne très vite
la lumière de la fenêtre
se déplace lentement
on ne voit plus
que poussières, débris de peau
Parfois du bleu en ruine
© Fabienne Courtade
22:27 Publié dans Mes ami(e)s, mes invité(e)s | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, fabienne courtade
31/01/2010
Lu 48 - Figures d'Haïti, 35 poètes pour notre temps de Jacques Rancourt
( C'était en 2005. Les éditeurs Le temps des cerises/ L' Ecrit des forges publiaient dans la collection Miroirs de la Caraïbe du Temps des Cerises ces
Figures d'Haïti, ces 35 poètes pour notre temps présentés par Jacques Rancourt (16 euros).
Que la reprise de cette note ancienne soit vu comme un signe d'amitié et de solidarité à l'égard des haïtiens après le désastre que l'on sait. )
Se lancer dans la mise sur pied d’une anthologie, c’est forcément prendre parti. Et à moins d’une neutralité pour le moins désobligeante si ce n’est coupable, il le faut ! Mais toute prise de parti ne tourne pas forcément au parti pris avec ce que ces mots supposent d’arbitraire et surtout d’esprit borné et obtus. Prendre parti, c’est choisir une certaine logique d’exposition, la justifier dans une préface et s’y tenir, ce que fait Jacques Rancourt pour les Figures d’Haïti .
Les 35 poètes présentés sont « 35 poètes de la modernité », 35 figures de la poésie Haïtienne - l’une des plus vives et fécondes de la poésie du monde francophone – Dans cet ouvrage, la poésie en langue créole n’est pas prise en compte – que Jacques Rancourt fait se succéder chronologiquement en distinguant trois grands moments sur la ligne du temps . « La révélation de l’identité » de l’âme haïtienne regroupe les poètes de la première génération de Léon Laleau à René Depestre. « Le déploiement du lyrisme personnel », second temps, commence dans les années soixante au sein du mouvement « Haïti littéraire ». Les voix originales de Antony Phelps, Serge Legagneur, Roland Morisseau, René Philoctète…se retrouveront dans la revue « Semences ». Celle de Jean Metellus restera proche de celles de la première génération continuant à interroger la mémoire et l’âme « pareille / à la mer tropicale » selon les mots de Roussan Camille et à invoquer « les dieux d’Afrique ». Tous auront à s’inquiéter des « hommes en noir » de François Duvalier, les 40000 tontons macoutes du sinistre papa Doc. Tous connaîtront prisons et exil. « Libres parcours » est le moment actuel partagé entre ceux qui pratiquent une poésie d’expérimentation et ceux qui, au plus près d’eux-mêmes, manifestent le désir de « fixer le lyrisme mouvant et émouvant de la réalité » selon les mots de Pierre Reverdy.
La francophonie est l’affaire des poètes. Eux seuls remuent la langue française de tout l’insolite de leur imaginaire, l’engrossent de tout le lointain de leur mémoire. Les poètes francophones la tisonnent à l’aide de vents inconnus d’ici. Ils entretiennent ses feux. Puissent nos lectures attiser leurs braises !
15:30 Publié dans Du côté de mes publications | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, haïti
29/01/2010
Turbulence 43 - Haïti
En pensant à Haïti, aux haïtiens et tout particulièrement aux enfants,
En pensant à la simplicité meurtrière de la nature, à sa "force qui va", ni bienveillante, ni hostile... ces quelques lignes de Marguerite Duras:
"Tout est devenu BLEU.
C'est bleu.
C'est à crier tellement c'est bleu. C'est du bleu venu des origines de la Terre, d'un cobalt inconnu. On ne peut pas arrêter ce bleu, ces traînées de poussières bleues des cimetières des enfants.
On souffre. On pleure. Tout le monde pleure.
Mais le bleu reste là. Acharné.
Le bleu des enfants comme celui d'un ciel."
15:12 Publié dans Dans les turbulences | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, haïti