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05/03/2013

Turbulence 59 - A propos du poète qatari Al Ajami

 1 poème = 15 vers = 15 ans de prison

Démocratique, le Qatar ?

 Le Qatar, troisième producteur de gaz au monde, s’occupe d’à peu près tout ce qui peut s’acheter : club de foot (le PSG) ; immeubles (Il se murmure même que les magasins Printemps seraient les prochains sur une liste déjà longue comprenant par exemple le Palais de la Méditerranée à Nice!).

Drôle de régime que celui de Doha ! D’une main – la corde qui soutient le pendu ? – il soutient le « printemps arabe » ; de l’autre, il condamne le poète Mohamed Ibn Al Dhib Al Ajami pour un poème dans lequel il avait écrit : « nous sommes tous la Tunisie face aux castes répressives ». Celle du cheikh Hamad Ben Khalifa Al Thani qui dirige le Qatar a dû se sentir tout particulièrement visé. Le 29 novembre 2012, Al Ajami était condamné à la prison à vie pour critique contre l’émir et incitation à la révolte. Ce jugement a été ramené à 15 ans d’emprisonnement il y a quelques jours. Quelle mansuétude !

On aimerait voir nos dirigeants politiques se montrer moins timorés dans leur critique. Même Delfeil de ton dans son billet du Nouvel Observateur du 14 février 2013 qui dénonce le qatar et ses pratiques n’en souffle mot !

Rappelons ces mots de Serge Pey : « Dans un pays où l’on emprisonne les poètes , seules les prisons sont libres » ! Ne laissons pas le Qatar et son or se payer la vie d’un poète !

Il faut relaxer et libérer le poète Al Ajami injustement condamné !

07/01/2013

Turbulence 58 - Revenir au livre...

« Je représente l'humanité telle que ses maîtres l'ont faite. L'homme est un mutilé. Ce qu'on m'a fait, on l'a fait au genre humain. On lui a déformé ldroit, la justice, la vérité, la raison, l'intelligence, comme à moi les yeux, les narines et les oreilles ; comme à moi, on lui a mis au coeur un cloaque de colère et de douleur, et sur la face un masque de contentement. Où s'était posé le doigt, de Dieu, s'est appuyée la griffe du roi. Monstrueuse superposition. Évêques, pairs et princes, le peuple c'est le souffrant profond qui rit à la surface. Mylords, je vous le dis, le peuple, c'est moi. Aujourd'hui vous l'opprimez, aujourd'hui vous me huez. Mais l'avenir, c'est le dégel sombre. Ce qui était pierre devient flot. L'apparence solide se change en submersion. Un craquement, et tout est dit. Il viendra une heure où une convulsion brisera votre oppression, où un rugissement répliquera à vos huées. (...) Tremblez. Les incorruptibles solutions approchent, les ongles coupés repoussent, les langues arrachées s'envolent, et deviennent des langues de feu éparses au vent des ténèbres, et hurlent dans l'infini ; ceux qui ont faim montrent leurs dents oisives, les paradis bâtis sur les enfers chancellent, on souffre, on souffre, on souffre, et ce qui est en haut penche, et ce qui est en bas s'entrouvre, l'ombre demande à devenir lumière, le damné discute l'élu, c'est le peuple qui vient, vous dis-je, c'est l'homme qui monte, c'est la fin qui commence, c'est la rouge aurore de la catastrophe, et voilà ce qu'il y a dans ce rire, dont vous riez ! »

 Victor Hugo, L'Homme qui rit (1869)

 

31/12/2012

Turbulence 57- Vers 2013

Bonne année, feliç any nou, buona annada, bonne énergie à tous les passants du blog!

voeux Alain.jpg

07/11/2012

Turbulence 56 - Philippe Beck nommé!

Dans Libération de ce jour, 07 novembre 2012, éric Loret nous apprend que philippe Beck - poète qui avait signé avec Xavier Person, critique, une tribune libre dans ce même journal Redonnons sa place à la poésie le 17 août 2012 - prend la tête de la commission poésie du centre national du livre, nommé par la ministre de la culture Aurélie Filipetti, en accord avec le directeur du CNL, Jean-François Colisimo, "sur fond de crise" ajoute-t-il.

02/11/2012

Turbulence 55 - Savent-ils ou ne savent-ils pas ce qu'ils font?

Mauvais temps sur la culture – malgré les ambiguités du mot, il nous faut l’utiliser encore comme ce dont les œuvres nous ouvrent à toute altérité – et tout particulièrement sur la poésie qui reste pourtant ce « foyer de résistance de la langue vivante contre la langue consommée, réduite, univoque » selon Bernard Noël.

Et peut-être pour cela même ?

Evoquons les nuages : D’abord, l’affaire de la commission Poésie du CNL que l’on envisageait de dissoudre dans une commission fourre-tout et la reculade de notre ministre de la culture fin juin. Nous attendons réunions, propositions, décisions…Ensuite, la baisse de fait de 60000 euros de la subvention que le ministère de l’Education Nationale accordait à l’association du Printemps des poètes. Enfin, la question de la nomination de la Maison de la Poésie à Paris (fondée en 1982 par Pierre Seghers et Pierre Emmanuel) qui changerait de nom…Rajoutons à cela la baisse des subventions que la ville de Marseille accordait au CIPM et à toutes celles qu’ici et là j’ignore,  la suppression ou le non-renouvellement – les effets sont identiques ! – pour la troisième année consécutive des subventions que la Drac et le Conseil régional PACA octroyaient  à l’association des Amis de l’Amourier que je préside !

Si Homère n’a pas menti (voir Sitaudis.com), Garcia Lorca non plus (voir ici même la Balise 64 du 03 avril 2011).

Oui, l’unité poétique du milieu poétique, celles de toutes ses composantes, (et à l’approche de Michel Deguy, Patrick Beurard-Valdoye a raison d’ajouter tout ce qui tourne autour de la poésie orale – voir sur Sitaudis.com)  est nécessaire pour éteindre tous ces mauvais feux !

Pour terminer et en hommage à Jacques Dupin (voir le In Memoriam ci dessous et la reprise de 2 anciennes notes de lecture ) ces mots à propos de la voix de la poésie :

« à fleur de terre ou sortant du puits, (elle) désigne le chemin de la vérité et de la vie. Elle est imprégnée d'enfance et de la révolte de ses aînés. Mais surtout, et c'est l'essentiel...surtout elle porte la langue. La langue la tient et se transforme par les anneaux de ses enchevêtrements ambigus et de ses élans imprévisibles. La poésie n'est pas le conservatoire de la langue mais tout au contraire le creuset de son renouvellement infini. »

 

04/10/2012

Turbulence 54:Après la commission Poésie du CNL dont on est sans nouvelle, c'est au tour du Printemps des poètes...et je ne dis rien de ce qui se passe chez nous!

Je relaie au plus vite l'appel du Printemps des poètes lancé par Jean-pierre Siméon.

Il a beau dire le social, il a beau faire, vient un moment où ceux qui travaillent à donner d'autres images que celles dans lesquelles il peut se reconnaître, vient un moment où il lâche! Je terminais une note sur le retour d'Orphée, la formidable collection initiée par Claude Michel Cluny et soutenue/publiée par les éditions de la Différence aujourd'hui dirigées par Colette Lambrichs et Claude Mineraud par ces mots: Ne laissons pas ces voix que "la poésie  fait résonner dans toutes les langues du monde, depuis l'origine des temps" n'être que "le versant occulté de la mondialisation". Portons-les jusqu'aux rivages de la lumière"!

Que Monsieur Vincent Peillon; Ministre de l'Education Nationale, réagisse! Qu'il fasse le saut arrière! Qu'il soit du bon côté du bond!Qu'il aide encore au "sommeil actif", à "l'inaction belliqueuse", selon les mots de Jacques Dupin, de la poésie. Il y va encore, sur ce versant là, de l'humain. De l'humain en formation.

AF

Nice le 04 octobre 2012 à 14h56

 

 

Chers Amis,

Le Printemps des Poètes est dans une situation critique : après 10 années de réductions constantes des moyens alloués à l'association, le ministère de l'éducation nationale nous a annoncé au cours de l'été la coupe imprévue de 40% de la subvention 2012. (60.000 € de moins).

Cela entraîne un défaut de trésorerie tel qu'il implique la disparition à brève échéance de la structure, et consécutivement de la manifestation.

Le ministère de la culture, qui maintient son soutien, ne peut compenser ce retrait ; la seule solution est pour nous de récupérer auprès du ministère de l'éducation nationale la somme qui manque avant la fin 2012.

Vous pouvez nous aider en écrivant personnellement au Ministre de l'éducation nationale, pour lui dire votre attachement au Printemps des Poètes et témoigner de l'importance de son action auprès des acteurs éducatifs et culturels.

Ce peut être une lettre brève, mais vous comprendrez que plus le ministre recevra rapidement de nombreux courriers l'alertant sur la gravité de la situation et l'inquiétude qu'elle suscite, plus nous aurons de chances d'obtenir gain de cause.

Adressez votre courrier à : Monsieur Vincent Peillon
                                     Ministre de l'éducation nationale
                                     110 rue de Grenelle
                                     75357 Paris SP 07

Merci par avance pour votre soutien, je vous tiendrai bien sûr informés des suites.
Bien amicalement à tous,


Jean-Pierre Siméon, directeur artistique
et l'équipe du Printemps des Poètes :
Maryse Pierson, Céline Hémon, Célia Galice et Emmanuelle Leroyer

ps : Nous préparons néanmoins la manifestation 2013 : "Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent" Victor Hugo
 
   
N'hésitez pas à nous contacter pour plus d'informations :
avec@printempsdespoetes.com
01 53 800 800
Le Printemps des Poètes
6 rue du Tage
75013 Paris
CENTRE NATIONAL DE RESSOURCES POUR LA POÉSIE

04/08/2012

Turbulence 53 - Réforme du CNL: Le pas suspendu du Ministère...

Par communiqué de presse publié le 18 juillet, le Ministère de la culture suspend la réforme engagée par le Président du Cnl:

"La ministre de la Culture et de la Communication réaffirme son ambition pour le livre et la lecture en France. Depuis sa prise de fonctions, elle a tenu à rencontrer les professionnels du secteur, et à échanger en particulier avec les libraires, les éditeurs et les auteurs. Les enjeux qui touchent à ce secteur sont en effet majeurs et supposent un pilotage renouvelé de la politique du livre et de la lecture.
Le Ministère assumera aussi si nécessaire une fonction de médiateur entre les auteurs, les éditeurs, les diffuseurs et l'ensemble des acteurs de la filière. Dans ce contexte, la réforme des commissions et des dispositifs de soutien du Centre national du Livre, définie il y a quelques mois et qui devait entrer en vigueur au 1er janvier 2013 ne peut être mise en oeuvre sans prendre en compte les nouvelles orientations du gouvernement. Cette réforme étant par ailleurs contestée, une concertation préalable s’avère nécessaire.
La Ministre a donc demandé au président du CNL de suspendre cette réforme. Des réunions de travail et une concertation seront organisées en septembre sous l’égide du ministère de la Culture et de la Communication.
Paris, le 18 juillet 2012"

Affaire toujours à suivre donc8

15/07/2012

Turbulence 52 - Le CNL et la poésie, affaire à suivre

DEMANDE D'ASSISES DU LIVRE A MADAME LA MINISTRE DE LA CULTURE

Ci-après une lettre d'un "collectif d'écrivains" qui demande des "Assises du livre" au ministre de la Culture, suite à la réforme projetée par M. Colosimo, président du CNL, et qui vise, pour résumer, à faire disparaître "la commission poésie" entre autres et toutes formes d'aides à la Littérature et aux Écrivains en général.

Madame la Ministre,

« Là où croît le danger, croît aussi ce qui sauve », écrivait donc Hölderlin. L’inquiétude que soulèvent dans la communauté des écrivains les réelles menaces pesant sur les commissions du Centre National du Livre ne nous laisse pas indifférents. (La presse s’est fait un large écho de la pétition unanime lancée par sitaudis.com, s’agissant de la Commission Poésie.) La récente manière de réformer l’instance a choqué : nulle concertation, nul débat de fond, n’ont eu lieu, qu’a remplacés un simple vote en Conseil d’administration, daté du 12 mars 2012. Présentée au motif d’une « remise à plat » comptable, la réforme générale ainsi engagée a omis de se poser la question de ses possibles effets notamment dans un champ à l’économie spécifique et peu coûteuse tel que celui de la poésie. S’efforçant d’interroger le cœur même du langage et d’agencer les données du monde, la poésie a souvent joué un rôle essentiel dans l’aventure de la modernité, et non seulement dans l’histoire de l’art. La réforme générale du CNL n’implique pas seulement la confusion des commissions Théâtre, Roman et Poésie, mais encore la fin même des commissions dites thématiques, la dilution et la concurrence des décisions prises par un « cabinet fantôme » d’experts contractuels chargés de dire la valeur des dossiers et de la prescrire au nombre affaibli des représentants de chaque discipline dispersée ; d’un mot, la réforme en question laisse entrevoir le pire concernant l’avenir des aides vitales accordées notamment à ce laboratoire de la littérature de demain que constitue le plus souvent l’édition de la poésie d’aujourd’hui. Il ne s’agit naturellement pas de défendre un domaine parmi d’autres, serait-il plus exposé ; tous les domaines de l’écriture sont en vérité menacés par l’esprit et la lettre d’une réforme imposée et non proposée, à laquelle les éditeurs, les libraires, les auteurs, et les lecteurs finalement perdraient beaucoup. Ce que subit la poésie est simplement ici à l’avant-garde des épreuves que risquent de subir les écrits dans leur ensemble. Les réformes seront bienvenues si elles permettent une meilleure adaptation du Centre National du Livre (anciennement Centre National des Lettres) aux enjeux du champ des écrits maintenant.
Dès l’origine, le CNL a prouvé son importance. Lieu de dialogue démocratique pour l’ensemble des professionnels, comme vous le savez, il s’est illustré par son fonctionnement exemplaire, opérant une juste répartition des aides publiques dans toutes les aires de l’écrit, de la création à la diffusion. Vous-même, Madame la Ministre, évoquiez récemment la nécessité de « réfléchir à la réforme du rôle et des attributions du CNL ». Ne pensez-vous pas que, sans avaliser une réforme trop rapidement décidée, les missions du Centre, organisme précieux entre tous, mériteraient d’être pensées à neuf dans le partage et l’échange des acteurs du champ des écrits ?
Il y a bien matière à discussion, car la réforme dans sa forme actuelle éloigne les professionnels de la gouvernance du Centre, et nuit à son rôle de plateforme de l’interprofession ; c'est ainsi qu’il a été conçu historiquement, au même titre que le CNC, du reste. La réforme entraîne de façon subreptice un radical changement de nature de l'institution, qui ne peut pas avoir lieu sans de réelles discussions avec les professionnels de la chaîne du livre. Plus généralement, ces derniers éprouvent le besoin de faire le bilan de plus de deux années de fonctionnement autonome du CNL. Quelle est la ligne stratégique de l’établissement? Elle n'apparaît plus clairement, et les éventuels bénéfices de son autonomie ne sont pas très sensibles, à dire le moins. D'autres questions que celle des Commissions se posent d’ailleurs et certaines touchent les collectivités territoriales. Quelle relation le CNL entretient-il avec les territoires, avec les DRAC et les Régions ? En quoi le Centre participe-t-il à la décentralisation ? Convaincus que l’action publique décide de l’avenir du livre et de la littérature dans la vie des citoyens, nous vous prions de remettre le CNL au cœur des débats qui nous traversent, au cœur de nos inquiétudes et de nos espoirs. Nous formons le vœu que la réforme ne soit pas élaborée avant une réflexion générale souhaitée et profondément souhaitable. Cette réflexion pourrait prendre la forme que vous jugerez efficace et qui ressemblerait en somme à des Assises nationales du livre et de l’écrit. Votre programme fait du reste mention d’un tel projet, nous en avons conscience.
Voilà pourquoi, Madame la Ministre, nous vous redisons toute notre confiance et vous demandons de bien vouloir considérer la situation critique où écrivains, éditeurs et libraires se trouvent désormais ici et maintenant.

Nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre très haute considération,

Florence Delay, Maylis de Kerangal, Jacqueline Risset, Jean Bollack, Frédéric Boyer, Patrick Chamoiseau, Jacques Darras, Michel Deguy, Patrick Deville, Jean Echenoz, Guy Goffette, Yves Mabin Chennevière, Jean-Luc Nancy, Bernard Noël, Yves Pagès, Jacques Roubaud, Alain Veinstein, André Velter...

 

06/05/2012

Turbulence 51 - Questions...

En quel dehors trouver la force qui rendrait possible un devenir soit ce qui intéresse non notre avenir mais notre présent? Quelles pratiques revisiter, inventer pour participer à sa construction? Que peut la poésie?

Turbulence 50 - Face à son époque, Flaubert...

"Du jour où je ne serai plus indigné, je tomberai à plat, comme une poupée à qui on retire son bâton."

Gustave Flaubert à George Sand, le 12/06/1867

 "Je sens contre la bêtise de mon époque des flots de haine qui m'étouffent. Il me monte de la merde à la bouche comme dans les hernies étranglées. Mais je veux la garder, la figer, la durcir ; j'en veux faire une pâte dont je barbouillerai le dix-neuvième siècle. »

Gustave Flaubert

 

12/02/2012

Turbulence 49 - Et la culture? Mais qui en parlerait et comment?

 

Discours de Federico Garcia Lorca à la population de Fuentes Vaqueros (Grenade), en septembre 1931

"Quand quelqu'un va au théâtre, à un concert ou à une fête quelle qu'elle soit, si le spectacle lui plaît il évoque tout de suite ses proches absents et s'en désole: "Comme cela plairait à ma soeur, à mon père!" pensera-t-il et il ne profitera dès lors du spectacle qu'avec une légère mélancolie. C'est cette mélancolie que je ressens, non pour les membres de ma famille, ce qui serait mesquin, mais pour tous les êtres qui, par manque de moyens et à cause de leur propre malheur ne profitent pas du suprême bien qu'est la beauté, l a beauté qui est vie, bonté, sérénité et passion.
C'est pour cela que je n'ai jamais de livres. A peine en ai-je acheté un, que je l'offre. j'en ai donné une infinité. Et c'est pour cela que c'est un honneur pour moi d'être ici, heureux d'inaugurer cette bibliothèque du peuple, la première sûrement de toute la province de Grenade.
L'homme ne vit que de pain. Moi si j'avais faim et me trouvais démuni dans la rue, je ne demanderais pas un pain mais un demi-pain et un livre. Et depuis ce lieu où nous sommes , j'attaque violemment ceux qui ne parlent que revendications économiques sans jamais parler de revendications culturelles: ce sont celles-ci que les peuples réclament à grands cris. Que tous les hommes mangent est une bonne chose, mais il faut que tous les hommes accèdent au savoir, qu'ils profitent de tous les fruits de l'esprit humain car le contraire reviendrait à les transformer en machines au service de l'état, à les transformer en esclaves d'une terrible organisation de la société.
J'ai beaucoup plus de peine pour un homme qui veut accéder au savoir et ne le peut pas que pour un homme qui a faim. Parce qu'un homme qui a faim peut calmer facilement sa faim avec un morceau de pain ou des fruits. Mais un homme qui a soif d'apprendre et n'en a pas les moyens souffre d'une terrible agonie parce que c'est de livres, de livres, de beaucoup de livres dont il a besoin, et où sont ces livres?
Des livres! Des livres! Voilà un mot magique qui équivaut à clamer: "Amour, amour", et que devraient demander les peuples tout comme ils demandent du pain ou désirent la pluie pour leur semis. - Quand le célèbre écrivain russe Fédor Dostoïevski - père de la révolution russe bien davantage que Lénine - était prisonnier en Sibérie, retranché du monde, entre quatre murs, cerné par les plaines désolées, enneigées, il demandait secours par courrier à sa famille éloignée, ne disant que : " Envoyez-moi des livres, des livres, beaucoup de livres pour que mon âme ne meure pas! ". Il avait froid ; ne demandait pas le feu, il avait une terrible soif, ne demandait pas d'eau, il demandait des livres, c'est-à-dire des horizons, c'est-à-dire des marches pour gravir la cime de l'esprit et du coeur. Parce que l'agonie physique, - biologique, naturelle d'un corps, à cause de la faim, de la soif ou du froid, dure peu, très peu, mais l'agonie de l'âme insatisfaite dure toute la vie.
Le grand Menéndez Pidal - l'un des véritables plus grands sages d'Europe - , l'a déjà dit: "La devise de la République doit être la culture". la culture, parce que ce n'est qu'à travers elle que peuvent se résoudre les problèmes auxquels se confronte aujourd'hui le peuple plein de foi mais privé de lumière. N'oubliez pas que l'origine de tout est la lumière.

 

 

 

Turbulence 48 - Apropos des Tarahumaras

( Pierre Le Pillouër m’envoie cet Appel de Nelly Maurel pour les TARAHUMARAS, ethnie originaire du Mexique installée dans le territoire de l'Etat de Chiuahua, dans un milieu montagneux très sauvage.

Certains se souviendront du texte d’Antonin Artaud, d’autres du film de Raymonde Carasco, Artaud et les Tarahumaras , peu importe les raisons, l’important est de faire circuler cet appel.)


*


Je me permets d'attirer votre attention sur la famine récurrente qui guette les Indiens Tarahumaras de la Sierra Madre.  L'an passé, avec une bourse de l'Institut Français, j'ai vécu deux mois au Mexique pour essayer de comprendre ce qu'avait vu Antonin Artaud en 1936. Au bout d'un mois de recherches à Mexico j'ai rencontré Bianca, une linguiste qui m'a aidée à être accueillie dans une famille indigène, avec laquelle j'ai passé un mois. La Sierra Madre est située à 1300 kms de la ville de Mexico. J'ai vu ce qu'il en est aujourd'hui. Au mois d'avril il n'avait pas plu depuis septembre et les Indigènes vivaient dans des conditions de survie de plus en plus difficile à assurer. Beaucoup vivent isolés dans des habitations troglodytiques ou des habitats de terre crue. Les Raramùris (nom que se donnent les Tarahumaras) vivent sans argent, en autosubsistance et se nourrissent exclusivement de ce qu'ils cultivent. Ils ne cultivent pas plus que le strict nécessaire à leurs besoins, ils ne vendent rien. Aujourd'hui plusieurs facteurs amplifient leurs difficultés. Tout d'abord la sècheresse, les changements climatiques étant largement accentués par la déforestation massive à l'œuvre dans la région depuis des dizaines d'années. Ensuite les plantations illégales et imposées sur leur territoire les poussent ou les forcent à abandonner leurs traditions pour servir de main d'œuvre. Ce peuple vit aujourd'hui dans une situation catastrophique, ils sont, comme beaucoup de populations indigènes, délaissés, envahis et ignorés à la fois. Bianca, la linguiste, m'a fait suivre une alarmante rumeur de suicides collectifs. Des femmes accablées par la faim chronique se seraient jetées des falaises avec leurs enfants. Cette rumeur n'a pas été prouvée ni démentie, mais la famine est quant à elle bien réelle. Bianca déménage dans la ville de Chihuahua, située à 200 kms de la Sierra Madre, à la fin du mois pour poursuivre sa thèse et vivre au plus près de son engagement humanitaire. Elle pourra donc relayer des informations recueillies sur le terrain. En attendant, elle essaie de réunir des fonds pour le compte d'une association humanitaire avec laquelle elle collabore : Fundación San Ignacio de Loyola, AC., de la Universidad Iberoaméricana.
Je me propose donc de centraliser les dons de mes amis, et des amis de mes amis, ici en France, pour lui remettre la somme collectée d'ici la fin du mois. Nathalie Quintane m'a suggéré de faire passer plus largement cette annonce, voilà pourquoi je me permets de la publier sur ce site. Bianca est une jeune femme très engagée dans la cause tarahumara, elle travaille avec une anthropologue mexicaine sur le terrain, et cela fait plus de 10 ans qu'elle fréquente la région. Elle y est très bien reçue, j'ai ainsi pu bénéficier de la bienveillance qu'elle inspire.
Des millions de personnes sont victimes de malnutrition dans le monde. J'ai maintenant des amis qui en font partie. J'ai envoyé ce matin un mail à Bianca afin qu'elle m'envoie des exemples concrets des achats et des dépenses qui seront faits avec l'argent de la collecte. Nous aurons régulièrement de ses nouvelles.


Paris, lundi 6 février 2012