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06/01/2009

Lu 32 - Georges Bataille - L'archangélique et autres poèmes

Georges Bataille poète ?
On pensait que l’auteur de L’érotisme, du Bleu du ciel, de L’histoire de l’œil, de Madame Edwarda, l’homme du Collège de sociologie et de  La part maudite, de La Somme athéologique qui regroupe L’expérience intérieure, Le coupable et Sur Nietzsche, bref l’inclassable, tout à la fois romancier, essayiste, philosophe, sociologue, ethnologue, penseur religieux… qui n’écrivait peut-être que toujours la même chose à propos de champs aux objets spécifiques, cet homme toujours sulfureux n’avait que dégoût pour la poésie !
On se souvient de ses polémiques avec André Breton à propos du surréalisme, de l’accusation d’idéalisme qu’il lui portait alors et de son livre de 1947, Haine de la poésie.
Mais on avait peut-être oublié l’épisode de Carpentras entre mai 1949 et juin 1951, années durant lesquelles, Georges Bataille, bibliothécaire à Carpentras, renforcera ses liens avec René Char, liens datant de 1946 alors que dans la revue IIIème convoi, il dédie à René Char sa suite d’aphorismes, Apprendre ou à laisser.
Bataille-Archangélique726 - copie.jpgOn avait peut-être oublié cet Archangélique que Bernard Noël nous avait donné à lire en 1967 au Mercure de France et qu’il reprend aujourd’hui dans la collection Poésie/Gallimard, augmenté « d’autres poèmes » et d’une préface, Le bien du mal, si éclairante à partir de la lumière qui émane des questions qu’il nous offre à méditer, la moindre n’étant pas que « la poésie (soit) le contraire de ce qu’annonce le mot qui la désigne » !
On avait oublié que cette expression si souvent citée aujourd’hui encore, Georges Bataille l’avait très vite trouvée obscure. C’est que c’est moins le poème qu’il entendait contester – poème en lutte contre lui-même, sacrifiant ce qu’il pourrait y avoir de poétique en lui – que cette tentation du lyrisme où il est toujours menacé de se complaire ; aussi il lui substituera, quelques années plus tard, en 1962, le titre « L’impossible », manière de faire signe vers « ce qui restera hors d’atteinte », hors explication, irreprésentable et qui cependant reste l’orient de toute littérature et de cette poésie qui est « le contraire de ce qu’annonce le mot qui la désigne ». Révolte dans la langue à partir du désir et de la mort en vue d’une vérité qui serait « représentation de   l’excès ».
Or l’excès n’est  pas médiatisable. Il ne saurait loger dans les mots. Les articulations du langage les assèchent. Les poèmes de L’archangélique sont marche forcée dans l’impossible. Déchaînement, délit, crime : « le couteau du boucher dans la langue (belle, noble, élevée), écrit Michel Surya dans son Georges Bataille, la mort à l’œuvre (Gallimard, 1992).
A la voie icarienne surréaliste, à son « signe ascendant », Georges Bataille oppose le creusement de la « vieille taupe » entre pierres, racines, vieux os et vers. Là où ça peut germer !
D’aucuns saluaient en l’animal aveugle, la révolution.
C’était hier . Et c’est demain !

(article paru dans le Patriote Côte d'azur du )

13/12/2008

Balise 37 - S'entretenir

N'oubliez pas Le quart livre! N'oubliez pas à propos des "paroles gelées" ce que Pantagruel répondit à Panurge: "Donner parolles estoit acte des amoureux"!

19:35 Publié dans Balises | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, poésie

Voix du Basilic - 28 entretiens conduits par Alain Freixe

Couv Voix du Basilic877.jpgDans leur collection Voix d'écrits, les éditions de l'Amourier  viennent de faire paraître ces Voix du Basilic. Il s'agit de donner à lire les entretiens qu'en l'espace de 10 ans j'ai pu mener avec 28 auteurs des éditions de l'Amourier:

Olympia Alberti, Marcel Alocco, Marie Claire Bancquart, Jean-Marie Barnaud, Daniel Biga, Serge Bonnery, Michel Butor, Michel Cosem, Daniel De Bruycker, Charles Dobzynski, Colette Deblé, Sylvie Fabre G., Claudine Galea, Michaël Gluck, Bernadetre Griot, Werner Lambersy, Henri Maccheroni, Jean MailIanJ, Anna Prucnal, Marcel Migozzi, Martin Miguel, Raphaël Monticelli, Bernard Noël, Florence Pazzottu, René Pons, Leonardo Rosa, Paolo Ruffilli, Fabio Scotto, Michel Séonnet, Yves Ughes, Martin Winckler.

On peut commander l'ouvrage (25 euros) sur le site des éditions : amourier.com

Pour ceux qui l'ignoreraient le Basilic est la gazette que publient 3 fois par an l'Association des Amis de l'Amourier. Ces 8 pages sontdiffusées à 1800 exemplaires en France et à l'étranger. Animal mythologique, plante méditerranéenne, que sais-je encore...notre Basilic est mode d'approche de ce qui est en jeu dans la littérature et la poésie, espaces de vie, d'expression et d'expérimentation. Si vous souhaitez le recevoir, envoyez vos adresses postales à mon adresse mel.

Hans Freibach - Lalla des vestiges (à propos de Désert de J.M.G. Le Clézio

( Mon ami Hans Freibach vient de me communiquer ce texte sur Désert de J.M.G. Le Clézio. Ce texte avait été publié aporie-desert790 - copie.jpgdans la revue Aporie que dirigeait depuis Revest-les-eaux dans le Var, Jean-Claude Grosse. C'était en 1988.

Rappel:

D'Hans Freibach, on lira dans nos Archives:

- en novembre 2006: Du verrou à la clé (une réflexion sur la question du lieu en poésie)

- en décembre 2006: Les beaux chemins de Philippe Jaccottet )

 

 

Lalla des vestiges



« La philosophie n'a plus qu'une tâche : accuser partout l'occupation des lieux par la soldatesque. C'est de cela que nous mourons.» Ainsi parie Michel Serres.
Ailleurs, commentant le livre de Robin Clarke, La Course à la mort, il nomme « Thanatocratie » le gouvernement de ces forces qui nous dominent, depuis Hiroshima : instinct, ou claire décision du politique, ce sont des forces de mort.
Ailleurs encore, comme Girard et quelques autres, il suit, en amont, et jusqu'aux origines, la trace de ces conduites sacrificielles qui installent le pouvoir sur d'horribles offrandes.
Al’origine, nous les hommes, avons toujours su trouver des raisons pour tuer. Et nous, en Occident plus peut-être encore que les autres, nous qui possédons, comme les autres, cette arme imparable, l'argent, mais nous qu'inspire cette âme pervertie, lucide et raisonnante toujours, qui a son siège dans nos yeux : peut-être, oui, n'ayant jamais su regarder en vérité, avons-nous le regard qui tue ; le regard « qui ment ».
C'est tout cela que dit Désert, et plus encore. Car on doit bien se demander, fermé le livre, s'il ne faut pas modifier la formule de Serres. Dire « c'est de cela que nous mourons » ne suffit plus. Peut-être faudrait-il dire : « c'est de cela, de l'occupation violente du monde, que nous sommes morts », nos yeux, définitivement, étant aveugles.

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10/12/2008

Lu 31: Gaston Puel - L'âme errante et ses attaches

L’âme errante fut publié au Dé bleu en coédition avec Le Noroît en 1992. Dans L'âme errante & ses attaches que publie quelques quinze ans plus tard les éditions de l'Arrière-Pays (15 euros), Gaston Puel revisite son ancien livre et hormis quelques corrections de détail, une suppression Couv GP-âme errante785.jpgou autre, rien de bien notable.
Rien, sinon notre joie de lecteur de retrouver un texte aimé. Et le voir repris par son auteur comme amoureusement c’est en soufflant qu’on ravive les couleurs d’un objet aimé qu’on croyait perdu et qu’on retrouve d’une manière inattendue.
Rien de notable donc. Si ce n’est, et c’est l’essentiel, que l’homme-de-Veilhes a touché à sa composition. L’architecture du livre en est changée comme l’indique avec justesse le titre. Gaston Puel a regroupé dix-neuf poèmes de son livre de 1992 pour en faire « dix-neuf attaches » autant d’agrafes pour cette « âme » qui entre mémoire et parole demeure « errante ».
A la vilaine voix qui dirait que finalement il n’y a rien là de nouveau, j’opposerai la protestation de Pascal affirmant haut et fort « mais la disposition des matières est nouvelle ! ». Il est vrai que cela change tout !
Cette nouvelle économie du texte mais en évidence ces dix-neuf poèmes non seulement comme ensemble qui donne sens à ces fines terres des poèmes qui les précèdent, ensemble divisé en trois parties : « L’invivable ; La vie émiettée ; La nuit plus loin ». Mais encore comme ce qui nous attache au monde jusque dans sa finitude, qui nous assure de notre « lien mortel » avec la terre dans toutes ses déclinaisons, ainsi retrouve-t-on  les figures aimées du scarabée, du rouge-gorge ; du merle ; des ormeaux, des collines… Et enfin comme ce qui met en évidence ce vent du désir, « souffle d’énigme et d’évidence »  qui vient raviver le texte jusqu’à le rendre à sa fraîcheur première.
Dès lors que peut-on faire d’autre que d’accepter ce remuement auquel il se prête ? Je suis heureux de retrouver la poésie de Gaston Puel sous sa forme d’ « art des nuages », métaphore d’une création sans clôture, sans fin ni finalité, ouverture sur l’ouvert et n’en désignant jamais que l’ « insaisissable présence ». Ce vent de poésie pousse au devenir, à la série infinie de transformations infinies, élan perpétuellement renaissant.
Il faut lire Gaston Puel comme il regarde les choses du monde - le rouge-gorge, par exemple – d’un « regard vrai ». Cela « rend l’âme légère ». Revient alors l’espoir, cette « grâce de recommencer ». Et donc de poursuivre. Homme debout sous les coups du dehors.
C’est cela que l’on entend dans les poèmes de Gaston Puel, cette voix de l’espoir qui sait acquiescer au temps comme il vient, qui nous délie, nous brasse, nous fait gerbes. Cette voix de l’espoir vient d’où vient le vent et qui souffle entre les attaches que nous offre le monde, elle est l’âme errante qui hante le poème.

© Alain Freixe

Lu 30: En présence...de Bernard Noël


CouvEnPresence.jpgEn présence... que publient les éditions de l'Amourier dans leur collection Voix d'écrits (30 euros) est un livre d’entretiens de Bernard Noël avec Jean-Luc Bayard auquel est joint le DVD d’un film réalisé par Denis Lazerme, En présence d’un homme, tourné à propos du livre géant que Bernard Noël a réalisé avec le peintre Geneviève Besse et le sculpteur Olivier Seguin pour la maison Rabelais à la Devinière.
Jean-Luc Bayard parle volontiers de voyage à propos de ce projet : voyage dans une vie de création, traversée du temps de la vie d’un homme qui fait surgir aussi bien le passé que ce que ce que l’on pourrait faire si l’on croyait à l’avenir mais voilà si l’on est bien en présence d’un homme – et les questions de Jean-Luc Bayard n’y sont pas pour rien tant elles cherchent moins le renseignement, les anecdotes qu’à se joindre au propos par où s’affirme une solidarité entre questionneur et questionné-  c’est que l’homme y est au présent !
Vous ne trouverez dans ce livre ni inventaire, ni somme, ni un Bernard Noël empaillé au passé, ni un Bernard Noël  ennuagé de futur, soucieux à mourir de son œuvre !
Le poète Bernard Noël – et c’est là à mon sens la grande leçon de ce livre – s’efforce d’être moins poète et toujours plus homme. Un homme que « l’écriture engage gravement », un homme ouvert dans sa division, toujours rendu à ce qui le dessaisit de toute prise et le jette au présent sur les routes où écrire désespère certes dans le présent des mots tant il sait ne pouvoir sauver le vif mais qui d’un autre côté s’offre comme la seule voie possible où poursuivre jusqu’à ce qu’arrive la fin avec pour moteur un désir, inventeur de chemins, et une soif qui ne peut s’étancher que dans de nouvelles fièvres. Un homme que toujours quelque chose pousse dans l’inachevé, le vouant à l’interminable, dimension ouverte par la désertion des noms en lieu et place de Dieu, « vide vivant » dirait Jacques Dupin, vide germinatif où naît le vent qui anime la traversée. L’impossible traversée. Pour que ce soit « la fin qui signe ». Un homme au “non” résistant qui sait que “c’est la guerre”, “guerre avec la société dans laquelle nous vivons. C’est la guerre de continuer à écrire. C’est la guerre de ne pas se plier au commerce, à la consommation”. Un homme pour qui “la poésie est le foyer de résistance de la langue vivante contre la langue consommée, réduite, univoque”, poésie qui ne seprend jamais les pieds à ses propres miroirs. Un homme engagé en tant qu’écrivain moins par les sujets de ses textes que par son engagement dans l’écriture, engagement grave du côté de la vie.

( Article publié dans le Patriote Côte d'Azur du 17-23 octobre 2008 )

Balise 36 -

N'oubliez pas ces mots de Al-Mutamar Ibn Al-Farsi, poète soufi de Cordoue (1118-1196):

« Les émissaires qui frappent à ta porte, c’est toi même qui les as appelés et tu ne le sais pas. »

18:53 Publié dans Balises | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : poésie, littérature

01/04/2008

Lu 24 - Eugénio De Andrade, Matière solaire suivi de Le poids de l'ombre et de Blanc sur blanc

6e687ec904ebbd34390cab823968b88f.jpgNul besoin d’être spécialiste. À parler de poésie portugaise le nom de Pessoa et des hétéronymes qui lui font cortège s’impose. C’est une montagne avec plis et replis, sommets et fonds de vallée creusés par les terreurs de l’identité et du manque d’être. C’est un paysage d’ubac.
À l’adret, se tient la poésie d’Eugénio De Andrade.  Poésie du désir, du « soleil de la peau ». Poésie du corps réhabilité, libéré de toute crainte aussi bien celle de « l’insurrection de la chair » que celle de la mort qui « n’a pas de prise sur le corps / quand on tient le soleil endormi dans ses bras ». Toujours une douce lumière éclaire depuis un fonds réservé, retenu dans l’épaisseur du corps les mots, les images de la poésie d’Eugénio De Andrade. C’est elle qui invite l’âme à la fête des sens.
Lisez Eugénio De Andrade Lisez ces trois recueils, traduits par Michel Chandeigne, Patrick Quillier et Maria Antonia Camara Manuel et publiés entre 1980 et 1984. Ils sont la ligne de crête de sa production poétique. L’homme qui était né en 1923 à Povoa de Atalaia, près de la frontière espagnole s’est éteint à Porto en juin dernier.
Quitte de tout, un soleil a replié ses rayons. Ainsi, même dans la mort, « il y a une rumeur qui ne dort pas / une manière pour la lumière de se poser, la trace / d’une larme brûlante ». C’est cette lumière rasante que l’on entend dans la poésie d’Eugénio De Andrade. Si elle n’efface pas le poids du monde, elle l’allège ; si elle ne dissout pas                           les ombres, elle les tient à distance.
© Alain Freixe

31/03/2008

Lu 23 - Haiku - Anthologie du poème court japonais

Le mendiant –
Il porte le ciel et la terre
Pour habit d’été

Ce haiku d’été de Kikakou, je le prendrais volontiers pour emblème de cet art poétique que Corinne Atlan et Zéno Bianu résument dans le triangle suivant : Brièveté d’un souffle ; court-circuit de nos représentations ; pincement léger du cœur.
De quoi s’agit-il donc dans le haiku sinon de la chair même du monde quand elle palpite entre diastole et systole ? Que sont ses mots sinon des laisser-passer ? Poreux – véritable puits artésien ! – par où remonte ce « ah ! » des choses quand, étonnées, elles surgissent comme elles sont, moins peut-être dans leur être que dans les rapports qu’elles peuvent entretenir entre elles, tant elles sont ajustées et comme reposant dans une mesure qui les illumine.169f39b8ab1000c746917725ebcd4055.jpg
L’originalité de cette anthologie du poème court japonais (Poésie/Gallimard, cat 2) tient d’une part à la traduction de Corinne Atlan et Zéno Bianu qui ont cherché à faire la part belle aux résonances plutôt qu’au sens, forts de ce que le même  mot japonais « uta » désigne poésie et chant qui oblige pour ainsi dire à lire le haiku à voix haute. Et d’autre part, à côté de l’inévitable répartition des poèmes en ces saisons qui portent tout, privilégiant « les moments témoins d’une émotion saisonnière », Corinne Atlan et Zéno Bianu ont su faire place à un espace « hors saison », réservée aux « haikistes contemporains, soucieux de créer une esthétique moderne de l’instantané » tel que Hoshinaga Fumio par exemple qui écrit :

Dans le quartier des banques
Les navires de guerre
irradient

 © Alain Freixe

20/01/2008

Lu 20 - Avec Guillevic sur le chemin des sèves

( cet article est paru dans une version abrégèe dans L'Humanité du jeudi )
Il s'agissait de fêter le centenaire de la naissance de Guillevic et de faire signe vers deux publications importantes:D'abord, Possibles futurs, Poésie/Gallimard, cat 2; puis, Relier, poèmes (1938-1996) NRF, Gallimard,29 euros.)

2007 : que de centenaires ! De René Char à Maurice Blanchot en passant par André Frénaud, Georges Schéhadée , comment pourrais-je oublier Eugène Guillevic dont s’est aussi le dixième anniversaire de la mort ? À côté de colloques, exposition, rencontres – j’écris cette chronique alors que se déroule bien loin de mes montagnes un Hommage à Guillevic à Saint-Arnoult-en-Yvelines, Maison Elsa Triolet et Aragon -  des publications. Si je commencerai par signaler Du pays de la pierre aux éditions de la différence qui réunit le poète, Lucie Guillevic-Albertini et le sculpteur Boris Lejeune, les deux livres des éditions Gallimard retiendront mon attention. Le premier, c’est la réédition de Possibles futurs dans la collection Poésie/Gallimard ; le second, Relier est un fort volume – quelques 800 pages ! – que nous devons aux soins attentifs de son épouse qui a réuni les recueils ou poèmes parus entre 1938 et 1996.

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