31/03/2008
Lu 23 - Haiku - Anthologie du poème court japonais
Le mendiant –
Il porte le ciel et la terre
Pour habit d’été
Ce haiku d’été de Kikakou, je le prendrais volontiers pour emblème de cet art poétique que Corinne Atlan et Zéno Bianu résument dans le triangle suivant : Brièveté d’un souffle ; court-circuit de nos représentations ; pincement léger du cœur.
De quoi s’agit-il donc dans le haiku sinon de la chair même du monde quand elle palpite entre diastole et systole ? Que sont ses mots sinon des laisser-passer ? Poreux – véritable puits artésien ! – par où remonte ce « ah ! » des choses quand, étonnées, elles surgissent comme elles sont, moins peut-être dans leur être que dans les rapports qu’elles peuvent entretenir entre elles, tant elles sont ajustées et comme reposant dans une mesure qui les illumine.
L’originalité de cette anthologie du poème court japonais (Poésie/Gallimard, cat 2) tient d’une part à la traduction de Corinne Atlan et Zéno Bianu qui ont cherché à faire la part belle aux résonances plutôt qu’au sens, forts de ce que le même mot japonais « uta » désigne poésie et chant qui oblige pour ainsi dire à lire le haiku à voix haute. Et d’autre part, à côté de l’inévitable répartition des poèmes en ces saisons qui portent tout, privilégiant « les moments témoins d’une émotion saisonnière », Corinne Atlan et Zéno Bianu ont su faire place à un espace « hors saison », réservée aux « haikistes contemporains, soucieux de créer une esthétique moderne de l’instantané » tel que Hoshinaga Fumio par exemple qui écrit :
Dans le quartier des banques
Les navires de guerre
irradient
© Alain Freixe
11:05 Publié dans Du côté de mes interventions | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Poésie, Littérature
Commentaires
Ne penses-tu pas que les choses "surgissent comme elles sont" précisément "dans les rapports qu'elles peuvent entretenir entre elles" ? Que serait leur "être", sinon dans ces rapports ? L'être n'est-il pas la non-chose, le "ne-ens", le néant ?
Amicalement,
François Laur
Écrit par : François Laur | 01/04/2008
très beau, le haïku de la fin de ton post, Alain... est-ce que le haïku court-circuite la représentation? il me semble qu'au contraire il nous enseigne à en construire, et des représentations qui soient au plus bas niveau de traitement, juste à côté de la sensation. Un peu comme le sentiment du temps que l'on peut avoir si on touche un arbre.
Écrit par : Isabelle | 13/04/2008
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