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12/02/2012

Lu 75 - Patricia Cottron-Daubigné, Croquis-Démolition, Editions de la différence

«  Non, je n’étais pas sous un autre ciel,

 cottron-daubigné,usine ksf,délocalisation,littératureprotégée sous une aile étrangère ;

 j’étais alors avec mon peuple,

 là où il était pour son malheur »

 Anna Akhmatova, Requiem

 

 

 

Il est des faits que les temps que nous vivons – toujours plus sombres, non ? -  lorsqu’ils surviennent et nous touchent prennent alors l’aspect d’une apocalypse . Tant qu’ils n’étaient que des  mots :  chômage , délocalisation , mépris , humiliation ,… leur violence passait au large dans les brumes des jours.  Et puis soudain tout devient clair. Et le malheur brille de toutes ses dents dont la pointe nous déchire alors.

 C’est alors qu’il nous faut trouver des mots, leur mise en rythme pour dire le désastre apporté par les jours que nous font les voyous déguisés en industriels. Patricia Cottron-Daubigné s’y essaie et y réussi dans ces Croquis-Démolitions. Proche des ouvriers de l’usine KSF par la géographie et le cœur, elle a vécu la tristesse, la honte de ceux qui « sont restés silencieux, en bleu de travail, dans les odeurs d’huiles et de dissolvants, avec des envies de pleurer ».

 Où les trouver les mots, quels noms donner qui réplique, qui fasse reprise de volée à « la violence de l’argent, du gain, du profit », à son cynisme quand les hommes se plient aux chiffres « 40heures par semaine, et travail le samedi, KSF, 46 000 000 euros de bénéfice en 6 mois et 380 licenciés et 200 déjà 2 ans auparavant ». A la violence même du lieu de travail, « du bruit et de l’enchevêtrement de métal et de l’odeur des liquides qui giclent partout et puent ». A la violence du travail quotidien dans « le gueuloir énorme des machines » - « 50 mètres de machines, on appelait ça une ligne » . A la violence de l’attente, celle des longs mois de lutte dans le brouillard des nouvelles parcellaires et contradictoires, celle du dépeçage petit à petit « 3 mois sans les noms » et puis « les noms les uns après les autres, on comprenait pas. Ça dégommait. Un vrai ball-trap. », avant que « la pelleteuse (vienne creuser) un énorme trou dans la pelouse, devant l’entrée des bâtiments », avant que n’ait lieu l’étrange danse macabre des ouvriers venant « (jeter) leur bleu dans le feu » pour « oublier KSF ».

 Oui, c’est un bien terrible livre qu’a écrit Patricia Cottron-Daubigné. Parler dans la colère, ce n’est pas seulement être en colère et lâcher des mots que porterait la colère, c’est s’ouvrir à cette colère de telle façon que ce soit elle qui fasse irruption dans les pages du livre, dans ses expressions embarrassées, ses syncopes, ses reprises, ses silences….Il fallait des « démolitions » du discours, ces coups portés à la langue apprise – celle-la même de ceux qui vous expliquent pourquoi il faut tout perdre – au récit, à sa logique. La culture est toujours le lieu du politique – Il l’oublie ! Voyez ces jours de campagne présidentielle déjà ouverte – la poésie définit un territoire de résistance. Il fallait cette prise en charge par un poète – et PCD l’est – il fallait cette écriture pour porter en terre d’oubli ces jours de lutte et dégager par là même un territoire de résistance à partir des traces d’un monde dont la voix économiste détruit dans le mépris les hommes.

KSF est désormais à Sopoh-Bulgarie , délocalisée, on dit et PCD écrit : « le roulement tourne, ce sera où demain, quelle misère plus noire auront-ils créée pour mieux l’user et nous aussi avec nos piscines et nos plus belles voitures que ».

 Il y a dans le tremblé doux de la voix de Patricia Cottron-Daubigné comme un abri offert aux révoltes à venir jusqu’à ce qu’enfin « l’homme compte pour homme » ainsi que le disait Henri Michaux et que « piétiné comme une route », il cesse enfin de « servir » à ceux qui passent, « fermes et sûrs » avec au bout de leurs laisses invisibles, court tenues, tous les chiens à gueule de néant de l’enfer terrestre pour un ailleurs où ils seront plus terribles encore.

 Je suis sûr que lisant Croquis-Démolition de Patricia Cottron-Daubigné « quelque chose comme un sourire (sera- passé sur ce qui autrefois avait été un visage » selon les mots d’Anna Akhamatova qui dans l’avant-propos de son Requiem parlait d’une de ces femmes qui faisaient la queue devant la prison d’une ville qui s’appelait alors Leningrad « dans les terribles années de la tyrannie de Iéjov ». Car, oui, PCD a su « décrire », nommer, évoquer cela, le malheur terriblement simple des humiliés. Et si ce ne sont des pleurs, ce sont des larmes qui tombent en nous. Sur ce qui reste d’âme tant par les temps qui sont les nôtres cet espace de langue est menacé d’asphyxie.

 

 

 

10/04/2011

Balise 65 - à propos de la langue de l'enfance

"Je crois que s'il n'y avait pas, à l'origine, l'ambiguit de la langue de l'enfance, il n'y aurait pas de poésie : nous parlerions comme des notaires."  Octave Mannoni

15:44 Publié dans Balises | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie

03/04/2011

Balise 64 - Lorca 1931

« L'homme ne vit que de pain. Moi si j'avais faim et me trouvais démuni dans la rue, je ne demanderais pas un pain mais un demi-pain et un livre. Et depuis ce lieu où nous sommes, j'attaque violemment ceux qui ne parlent que revendications économiques sans jamais parler de revendications culturelles: ce sont celles-ci que les peuples réclament à grands cris. Que tous les hommes mangent est une bonne chose, mais il faut que tous les hommes accèdent au savoir, qu'ils profitent de tous les fruits de l'esprit humain car le contraire reviendrait à les  transformer en machines au service de l'état, à les transformer en esclaves d'une terrible  organisation de la  société. »
Federico Garcia Lorca, extrait du discours à la population de Fuente Vaqueros (Grenade) en septembre 1931


02/03/2011

Raphaël Monticelli - L'écriture en bribes, livres d'artiste, oeuvres croisées & autres bricoles

40 ans que Raphaël Monticelli creuse son regard sur l’art et la littérature.monticelli raphaël,livres d'artiste,poésie,littérature

40 ans qu’il traque l’origine du sens dans cette mise en objet – physique et symbolique – de notre présence au monde.

40 ans d’amitiés – on ne saurait toutes les citer ! – de Marcel Alocco aux éditions de l’Amourier en passant par Martin Miguel, Max Charvolen, Henri Maccheroni et les écrivains : Michel Butor, Martin Winckler, Jean-Marie Barnaud…

40 ans que cette amitié – cet autre nom que je donne à la création quand elle se pense comme question ! – d’une part, interagit avec son travail spécifique d’écrivain – On sait que Raphaël Monticelli est l’homme des « bribes » ( 4 tomes des Bribes tirées de la mort de Dom Juan sont parues à ce jour aux éditions de l’Amourier), ces restes d’une expérience du monde, des êtres et des œuvres tels qu’ils se mêlent dans l’histoire, expérience vouée à l’éclatement et à la dispersion et qu’il s’efforce de recueillir en mendiant errant à la poursuite de quelque issue – et d’autre part, a pris la forme de livres particuliers qui naissent de la rencontre entre un artiste et un écrivain que l’on désigne aujourd’hui sous l’expression peu claire de « livre d’artiste ». Ce sont eux qui vont être montrés du 2 mars au 8 mai 2011 à la Bibliothèque à Vocation Régionale Louis Nucera de Nice (Vernissage le 3 mars à 11h). Plus d’une centaine de livres d’artiste et d’œuvres croisées à quoi Raphaël Monticelli n’hésite pas à rajouter le terme de « bricoles ». Oui, « bricoles », ces livres improbables, nés de l’intimité, du croisement des recherches d’un artiste d’un artiste et d’un poète, de la volonté de donner à ces croisements un lieu spécifique d’expression qui ne soit plus tout à fait un livre ni tout à fait un tableau, une toile ou une gravure. La « bricole » est là dans cet entre deux – Avec parfois en tiers, l’intervention d’un éditeur ! – ni tout à fait ceci, ni tout à fait cela. Allant quelque part, les acteurs du livre d’artiste ne savent pas où ils vont. Ils inventent les routes au sein de ce lieu plastique, sorte d’utopie en acte, présente et agissante, dit parfois Raphaël Monticelli. Le livre,  cet objet tangible, manipulable qui a une forme et des limites, ici se transforme, s’ouvre. De messager d’un ailleurs – cet auteur inconnu -  il devient rôdeur de crêtes, éclaireur de lisières, veilleur aux confins mal assurés.

La randonnée sera belle. De vitrine en vitrine, d’écart en écart, toujours à côté des livres avec Martin Miguel, Max Charvolen, Serge Maccaferri, Henri Maccheroni, marcel Alocco  à ceux avec Leonardo Rosa, Jean-Jacques Laurent, Gérard Serée, Gérard Duchêne en passant par François Goalec, Gilbert Pedinielli, Armand Scholtès, Luc Warneck, Martine Orsoni, Monique Thibaudin, Yves Popet, Valérie Sierra, Anne-Marie Lorin, Max Partezana, Giuseppe Becca, Fernanda Fedi, Eric Massholder, Claudio Casavacca, Giorgio Robustelli, Renato Bonardi, Giacomo Lusso…

On n’oubliera pas les mots de Claude Levi-Strauss : « la poésie du bricolage lui vient aussi et surtout, de ce qu’il ne se borne pas à accomplir ou exécuter ; il raconte (…) le caractère et la vie de son auteur. » Ce sont des vies, des bribes de vie que vous viendrez voir à la BMVR de Nice, si vous passez par là. D’infinis @font-face { font-family: "Cambria"; }p.MsoNormal, li.MsoNormal, div.MsoNormal { margin: 0cm 0cm 10pt; font-size: 12pt; font-family: "Times New Roman"; }div.Section1 { page: Section1; }paysages – Tiens, le libellé du Printemps des poètes 2011 ! – d’amitié.

 

A cette occasion, la BMVR publie un catalogue dans lequel j'ai publié le texte qui suit:

Je lis les écrits de Raphaël Monticelli comme…

 1)    ceux de quelqu’un qui tente une approche effilochée de la réalité. Toujours à l’écoute de cette polyphonie des voix du monde, de la littérature et de la langue.

2)    ceux de quelqu’un toujours dans le déséquilibre, la rupture tant je le vois, je le sais debout, essayant de tenir les deux bouts entre transmission et création : 2 rives, 2 arches d’un pont…dans le danger d’un effondrement sans cesse remis. Toujours possible !

 

 3)    ceux de quelqu’un toujours en route. Une sorte de Don Quichotte, ce chevalier du désir. L’homme qui disait « el camino es siempre mejor que la posada » tant c’est sur le chemin que se produisent les rencontres essentielles

 

4)    ceux d’un qui aime se laisser dérouter. Par les œuvres en général, celles des artistes en particulier ceux-là dont il aime la fréquentation depuis les années 1970. Et pour qui il écrit et c’est toujours manière de reprendre pied…dans les mots.

 

 5)    Ceux de quelqu’un qui essaye d’intégrer dans la pratique de la littérature les problématiques qu’il partageait dans les années 70 avec ses amis peintres : soit écrire comme on peint quand on pratique le commage/décollage (Charvolen, Miguel) ; écrire comme on tisse quand on pratique le patchwork (Alocco) ; écrire comme on sculpte quand on compose comme Pagès.

 

6)    Ceux d’un crocheteur et donc comme autant de rossignols – Voyez ces rossignols d’un crocheteur ! – oui, ceux d’un voleur. Quelqu’un qui aime à faire chanter les serrures. Sauter les verrous. Qui aime entrer par effraction – voir ses intrusions – là où il n’était pas attendu.

 

 7)    Ceux de quelqu’un qui multiplie les pistes au lieu de les fermer. Quelqu’un qui ouvre les possibles du regard. Qui pratique une écriture d’expansion.

 

8)    Ceux de quelqu’un qui a formé ce projet un peu fou de tenter de rendre par le texte littéraire la complexité de ce que nous vivons et pensons. Ce train qui toujours nous emporte. Dans le quotidien. En quoi il retrouvait ses auteurs de prédilection : son ami, Michel Butor  mais aussi Joyce, Simon, Pound et Proust bien sûr…

 

9)    Ceux de quelqu’un dont on sent battre l’inquiétude sous les pages. Celle d’une insatisfaction comme si le compte n’était jamais bon – et il ne l’est jamais, on le sait ! – toujours il y a de l’inassimilable, du réel. Mais quelqu’un qui sait que c’est avec ça qu’il lui faut vivre. Et donner ce qu’on peut donner.

 

 10)  Ceux de quelqu’un qui joue là sa vie – la bribe plus qu’un nouveau genre littéraire ( ce qu’elle pourrait être) est un mode d’existence – et ce sur le mode mineur du mendiant. Il y a un héroïsme de l’humilité chez RM.

 

11) Ceux de quelqu’un qui pousse l’humilité jusqu’à dire que s’il écrit de Bribes c’est pour personne. Surtout pas pour que ses amis écrivains et/ou peintres lui disent en retour que c’est bien, et ceci et cela mais « pour comprendre et aimer ce qu’écrivent ou peignent des gens comme eux ». RM est un homme de la praxis. Quelqu’un qui a besoin de passer par la pratique pour assimiler la théorie.

 

 12)  Ceux de quelqu’un qui entend ne se couper jamais de la communauté des hommes. Même si en apparence le risque est celui d’une certaine illisibilité, celle d’une parole vive contre la parole morte qui dévide la clarté morne et hébétée de son évidence et dont on bout du compte on finit par se dire : « Ah ! ce n’était que ça… ! »

 

13)  ceux de quelqu’un qui embrouille, s’empègue moins par perversité que parce que c’est là notre position d’être parlé/parlant, d’êtres jetés dans la langue et le sens, à partir d’une blessure première, cela autour de quoi nous tournons moins pour la cacher ou la suturer que pour la tisser autrement. Toujours autrement !

 

 14) Ceux de quelqu’un qui pratique une écriture de la Reversion, soit le fait de tirer la vie de la mort et donner par là présence à l’absence

 

15)  Ceux d’un ami fauteur de troubles et fauteur d’échanges. Un passeur généreux.

 

 16) Ceux de quelqu’un avec qui je partage l’essentiel. Et c’est une Dame. RM et moi l’appelons Madame !

 

+1

 

Ceux de quelqu’un d’empêché. Quelqu’un qui aurait aimé être romancier mais qui n’a pas pu. « Les bribes sont un impossible roman. »

Quelqu’un qui a toutes les qualités pour l’être mais quelqu’un dont l’expérience de vie passera dans la pratique littéraire. Or celle-ci implique l’abandon de l’hypothèse de Dieu, le passage de jeune catholique au matérialiste d’âge mûr. Et rejeter la fiction de Dieu, c’était rejeter toute fiction. Tout récit supposant un être tel que Dieu comme garant de la continuité, de la chronologie, donc du sens.

La pratique du roman n’est possible que si on croit – consciemment ou non – en la fiction d’un Dieu, que si l’on se met face à la fiction comme Dieu face au monde.

Où trouver un référent en l’absence de Dieu sinon dans la langue aussi sacrée que le monde qu’elle figure ?

La langue comme métaphore du monde. Lieu du symbolique « cerveau hors de nous, dans lequel nous naissons, vivons, sans cesse ».

Travailler la langue, c’est nous travailler nous-mêmes et le monde.

 

 

Lu 60 - André Velter - Midi à toutes les portes, NRF, Gallimard

On se souvient de « l’amour extrême » - L’amour extrême et autres poèmes pour Chantal Mauduit, Poésie / Gallimard - cet « ermitage, écrit André Velter, qui n’a pas de toit, pas de fronton » qui «  est de plein vent et de pleine clarté », qui est « passage, « esquif aimanté qui s’éloigne de la terre, reste à l’écart du ciel, sans renier la terre ferme, sans congédier le ciel ».

Eh bien, qu’on me permette de voir là le fond du nomadisme d’André Velter, celui d’un « avenir sans nom » qui convient moins à un marcheur qu’à un danseur, ce résistant aux lois mercantiles du monde où tous les parapets sont anciens, à tous les vainqueurs à la bonne foi douteuse ! Son dernier livre Midi à toutes les portes en fait l’éloge. C’est un livre foisonnant. On va de lieu en lieu transporté par une écriture de main légère, d’enjambée allègre, une écriture qui « garde l’élan d’une lecture à ciel ouvert ». De Bénarès à Bagdad, des plateaux du Tibet à l’Andalousie, de Paris à Louxor, De Kaboul à Charleville-Mézières…Mais c’est moins ce goût évident pour les voyages et l’ailleurs qui importe que cette force qui traverse le livre et coud ensemble ces fragments sans les attacher. C’est ce mouvement qui vient du dehors. D’avant les textes, d’avant le livre et qui saute hors de ce fort volume jusqu’à nous donner à voir à travers ce Midi à toutes les portes, le monde comme une terre libre et sans fin.

Il n’y a pas de sauve qui peut chez André Velter mais une errance choisie, travaillée, entretenue. Les lieux qui l’intéressent  sont ceux qui permettent de « se mettre hors du monde », qui parce que ce qu’on y trouve échappe à toute dénomination, à toute prière » sont eux-mêmes comme des départs incessants. Des lieux qui permettent de sortir sans cesse « du cadre sans déserter la vie ». Des lieux de déterritorialisation. Des lieux/coupures. Des lieux/écarts. Des lieux qui nous douent de lointain. Ces lieux ressemblent à ces nomades de l’intérieur qui fascinent tant André Velter, moins des migrants que des voyageurs de l’intensité, ceux que Deleuze définissait comme « ceux qui ne bougent pas et qui se mettent à nomadiser pour rester à la même place en échappant aux codes . »

Cette place hors là, ouverte sur « l’inconnu qui creuse » est celle d’André Velter. Celle du poète André Velter qui « a fait de l’infini le dernier rendez-vous » des hommes libres et dont le poème qui sait « (garder) force de mots / jusqu’au bord des larmes », selon les mots de « la soupçonnée » de René Char,  définit l’espace. Il nous attend.

 

 

Balise 63 -

"Tout n'est pas veille lorsqu'on a les yeux ouverts"

Macedonio Fernandez

18/04/2010

Alain Freixe / Robert Lobet - Dans les couleurs du froid

DSCF1530.jpgSur papier Conquéror 250g, format 16x15 cm, impression numérique et sérigraphie pour les textes, DSCF1497.jpgaccompagné de deux peintures originales.

Tiré à 99 exemplaires numérotés et signés par les auteurs.

 

Prix : 25 euros

ISBN 978-2-918610-03-8 9782918610030

 

 

Quand les Editions de la Margeride et Robert Lobet, artiste du livre, réunissent arts graphiques et poésie, des rêves de voyage se posent sur les mots. Gravures et dessins accompagnent les poètes dans une secrète complicité pour offrir des ouvrages rares au plus large public. Venus d'horizons parfois bien différents, les textes trouvent, à l'abri des pages, le lieu du passage de l'intime aux grondements du monde. Robert Lobet, fondateur des Éditions de la Margeride, est peintre et graveur, il vit et travaille à Nîmes dans le Gard. Entre Nord et Sud, Norvège et Moyen Orient, ses œuvres nourries d'humanisme portent la marque du voyage et des paysages qu'il affectionne.

 

Contact : alain.freixe@ wanadoo.fr ou robert-lobet@wanadoo.fr

Sites : http://www.robert-lobet.com/ et http://editionsdelamargeride.com

 

12/04/2010

Jalel El Gharbi- Prière du vieux maître soufi le lendemain de la fête (extrait)

photo.jpgJalel El Gharbi : universitaire tunisien, critique littéraire auteur d’essais sur Deguy, Baudelaire, Supervielle, Claude Michel Cluny, José Esnch.
Il se sent fortement concerné par le dialogue des cultures et œuvre pour ce qu’il nomme Orcident ou Occirient.

Il est également traducteur et poète. Il vient de publier un recueil  Prière du vieux maître soufi le lendemain de la fête couvert.jpgaux éditions du Cygne, Paris.) Il nous en a confié un extrait:

 

Extrait de l'Abécédaire du vieux maître soufi Alif

 

J''aurais pu en rester à l'alif

Au seuil de l'alphabet

Au seuil des chiffres

Parce que l'alif est le un

La droite ligne du matin

La taille élancée de l'amour

Que je n'ai pas encore étreint

La première lettre du Livre

Et du verbe lire à l'impératif

L'alif est dans toutes les lettres

J'aurais pu en rester au seuil

Trouver le pain dans une miette

J'aurais pu n'avoir qu'un amour d'alif

Parce que l'alif dit que toute lettre

Peut devenir alif, que tout peut devenir un

Il suffit que chaque lettre pense très fort

Au grand Amour pour devenir un alif

Alif alif alif

 

Balise 60 - Pierre Legendre

" Les espaces infinis, les sciences à profusion, la^ surabondance industrielle, mais aussi l’effroi de vivre, l’individu périssable, et les dieux, mortels eux aussi.

Inlassable et solitaire, l'humanité jamais ne se renie. Elle vit, elle meurt sans compter.

Mais il ne suffit pas de produire la chair humaine pour qu'elle vive, il faut à l’homme une raison de vivre.

 

*

 

La raison de vivre, l’homme l’apprend par les emblèmes, les images, les miroirs. Qui manie le Miroir tient l’homme à sa merci."

 


Florence Pazzottu -

( Florence Pazzottu vit à Marseille. Elle a animé pendant 10 ans la revue Petite qu'elle avait fondée avec Christiane Veschambre en 1995. FloPanierNB15*22.jpgElle a publié dans de nombreuses revues et anthologies et est membre du comité de rédaction d'Action poétique. Expositions de dessins et de gribouillis à l'IME "les grands laviers", en Picardie, en 2007, à Casteldo Caldeiras et à Saint-Jacques de Compostelle, en Galice, en 2008 (commissaire d'exposition : Emilio Araùxo). Elle vient d'achever la réalisation d'un film, la Place du sujet, et son récit, la Tête de l'Homme, qui a été créé par François Rodinson à la Manufacture (CDN) de Nancy en janvier 2009, est repris à la maison de la Poésie de Paris du 3 mars au 4 avril 2010. Participe à la demande de l'artiste Giney Ayme à un projet d'exposition-film-performance qui sera présenté à la galerie la Traverse et à la Compagnie, à Marseille, en novembre 2010.

 

Livres parus :

L'espace blanc (gare maritime, maison de la poésie de Nantes, juin 2009)

S'il tranche, (Inventaire/Invention, sept. 2008)

La tête de l'homme (Seuil, collection déplacements, 2008)

Sator… (Cadastre8zéro, 2007)

La place du sujet (L'Amourier, 2007)

L'inadéquat (le lancer crée le dé) (Flammarion, Poésie, 2005)

L'Accouchée (récit, avec une postface d'Alain Badiou) (éd. Comp'Act, 2002)

Vers ce qui manque, in Venant d'où, 4 poètes, (Flammarion, 2002)

Petite, (L'Amourier, 2001)

Les heures blanches (éd. Manya, 1992 )

 

*

Pour le quotidien l'Humanité, à la faveur du Printemps des poètes 2010 dont le thème était le très discuté "couleur femme", j'ai demandé à quelques poètes de répondre à la question suivante: Quelle interprétation donnez-vous au titre de cette douzième édition du Printemps des poètes « couleur femme ? À cette volonté déclarée de louer la créativité féminine d’hier et d’aujourd’hui ? Introduiriez-vous quelques bémols dans cette partition ?

De Florence Pazzottu, nous avons publié, à côté de celles de Marie-Claire Bancquart, Patricia Castex-Menier, Valérie Rouzeau, Fabienne Courtade, Véronique pittolo, Liliane Giraudon, Suzanne Doppelt, dans l'Humanité (www.humanite.fr) du 8 mars 2010 - voir  la réponse suivante:

 

"En 2007, Florence Trocmé avait pour le site de Poezibao lancé une enquête dont la première question était : "Pourquoi si peu de femmes poètes de grande stature?" La question me semblait, avais-je dit, à la fois étrange et nécessaire. Sans doute, sont-ils moins nombreux aujourd'hui ceux qui affirment comme Shopenhauer que, "dénuée de tout esprit", la femme est tout juste "bonne à la préservation de l'espèce", — même si cette pensée persiste et revient sous la forme édulcorée d'une féminité tout épanouie dans sa domesticité moderne, si bien occupée à procréer et à veiller sur son petit monde que la "création" justement ne pourrait être son affaire car elle ne verrait pas plus loin que la rondeur charnelle de son cercle terrestre. Sans doute serions-nous quelques-uns, hommes et femmes, à pouvoir partager une analyse radicalement différente : ce n'est ni par carence de génie ou de talent, ni par absence de nécessité à inventer, mais pour des raisons historiques, sociologiques, politiques, que les grandes figures de l'art, mais aussi de la science, de la découverte et de la conquête, sont essentiellement des figures masculines. Il ne fait pour moi aucun doute que ceux qui, partant de ce constat, décident de donner alors, en ce printemps, la parole aux "femmes poètes", sont animés des meilleures intentions, qu'ils sont convaincus sincèrement qu'il s'agit maintenant de "d'affronter la question et de passer à l'action". La difficulté — et elle est de taille — c'est que la question ici est mal posée, se manque dans sa formulation même. C'est que le poète Dominique Fourcade est une femme et que je suis un homme. C'est que la femme que je suis aussi ne respire que dans la mixité.  C'est que je revendique le droit pour chacun d'être étranger à soi-même. C'est que je ne sais pas ce qu'est une femme (ni, donc, un homme). C'est que d'être ainsi sans cesse renvoyée à sa "féminité" (comme l'est aussi le banlieusard à sa banlieue, l'homosexuel à sa sexualité, la musulman à sa religion, etc.), la femme, surtout si elle est poète, bondit, fait un pas de côté, sent monter en elle le cri, l'élan d'une pensée qui ne peut s'écrire que contre — contre ce qui dans la langue fige et assigne,  contre la main qui se levant pour vous aider (car "il est scandaleux, n'est-ce pas, que vous n'ayez pas plus de place!"), vous montre dans le même geste quelle place est la vôtre : femme parmi les femmes en ce nouveau printemps. C'est qu'à vouloir partir d'un constat, on s'y enlise, et n'est pas long à faire retour ce dont on voulait exorciser la menace. (Comme si on avait soudain redonné consistance aux frontières que tant d'auteurs, de lecteurs, de revues, d'éditeurs, patiemment, audacieusement, déplacent et brouillent). C'est que l'émancipation est ailleurs justement, dans l'ailleurs, dans le déplacement, dans le risque et dans le tremblement des espaces. Et ce "couleur femme" semble soudain très vieux, incroyablement immobile et rouillé, et il produit alors un petit grincement... — ah, ce doux murmure pourtant qu'il voulait être à votre oreille : "femme", n'entendez-vous pas? c'est une tonalité particulière! c'est une sensibilité, une variation délicate!... "Couleur femme" déploie devant vous, et vos yeux d'homme en sont tout émus, un panel de nuances, un miroitement d'images, si délicieusement familières : ah! que la femme est belle, exposée sur une scène ou charmant le public, ah, que la femme est précieuse et, voyez, voyez comme elle est tranquille... quand on lui fait un peu de place...

"Mais nous ne manquerons pas d'explorer également les "représentations féminines" dans la poésie (des hommes)". Ouf! ( C'est quand même sacrément bon de se retrouver chez soi, non?) "

 

 

18/03/2010

Balise 59 - Effets de Poésie

Mr Higginson, retour d'Amherst, en 1870, rapporta à son épouse les propos suivants d'Emily Dickinson à qui il venait de rendre visite:

« Si je lis un livreet qu’il rend mon corps entier si froid qu’aucun feu ne pourra jamais me réchauffer, je sais que c’est de la poésie. Si je ressens physiquement comme si le sommet de ma tête m’était arraché, je sais que c’est de la poésie. Ce sont les deux  seules façons que j’ai de le savoir. Y en a-t-il d’autres ? »

08/03/2010

Lu 52 - Quelqu'un plus tard se souviendra de nous - Anthologie de 15 femmes-poètes

POESIE COUV Quelqu'un plus tard se souviendra de nous - copie.jpgCouleur femme, sous ces mots, le printemps des poètes 2010 entend d’une part, rendre hommage aux femmes-poètes, à leur présence et à l’originalité de leur apport dans l’histoire de la poésie et d’autre part, célébrer les représentations du féminin dans l’imaginaire poétique. Le présent volume dont le titre Quelqu’un plus tard se souviendra de nous reprend un vers de Sapphô, la grecque de l’île de Lesbos, répond avec bonheur au premier souhait de l’équipe du Printemps des poètes qu’anime Jean-Pierre Siméon.

Il a suffi à la collection Poésie / Gallimard de puiser dans son fonds pour nous proposer cette anthologie de sorcières du verbe. De Sapphô à Kiki Dimoula, de la Grèce du VIIème à la Grèce du XXème siècle, ce sont 15 poètes – Pernette du Guillet, Gaspara Stampa, Louise Labé, Marceline Desbordes-Valmore, Elizabeth Browning, Emily Jane Brontë, Emily Dickinson, Catherine Pozzi, Marie Noël, Anna Akhmatova, Marina Tsvétaïeva, Louise de Vilmorin, Sylvia Plath - qui dévident le fil rouge de l’amour et du désir, chacune chantant à sa manière « Aphrodite au sein couvert de violettes », selon l’expression de celle que Platon appelait la « dixième muse ».

On sort de la lecture de ce livre en se disant que pas plus qu’il n’y a de poésie masculine, pas plus il n’y a de poésie féminine ! Il y a juste des poètes et leurs poèmes. Et en eux, cette force de la poésie qui troue la langue – ces mots à l’arrêt – pour libérer la parole. C’est cette voix que l’on entend, sous leurs textes, voix singulière qui demeure dans toute son intensité.

C’est elle qui donne raison à Sapphô : oui, quelqu’un plus tard se souviendra de (vous).

En ce printemps, soyez celui-là !

 

Quelqu’un plus tard se souviendra de nous, Anthologie de 15 femmes-poètes, Collection Poésie/Gallimard

( article paru dans le Patriote Côte d'Azur - 05 au 12 mars 2010 )