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02/03/2011

Lu 60 - André Velter - Midi à toutes les portes, NRF, Gallimard

On se souvient de « l’amour extrême » - L’amour extrême et autres poèmes pour Chantal Mauduit, Poésie / Gallimard - cet « ermitage, écrit André Velter, qui n’a pas de toit, pas de fronton » qui «  est de plein vent et de pleine clarté », qui est « passage, « esquif aimanté qui s’éloigne de la terre, reste à l’écart du ciel, sans renier la terre ferme, sans congédier le ciel ».

Eh bien, qu’on me permette de voir là le fond du nomadisme d’André Velter, celui d’un « avenir sans nom » qui convient moins à un marcheur qu’à un danseur, ce résistant aux lois mercantiles du monde où tous les parapets sont anciens, à tous les vainqueurs à la bonne foi douteuse ! Son dernier livre Midi à toutes les portes en fait l’éloge. C’est un livre foisonnant. On va de lieu en lieu transporté par une écriture de main légère, d’enjambée allègre, une écriture qui « garde l’élan d’une lecture à ciel ouvert ». De Bénarès à Bagdad, des plateaux du Tibet à l’Andalousie, de Paris à Louxor, De Kaboul à Charleville-Mézières…Mais c’est moins ce goût évident pour les voyages et l’ailleurs qui importe que cette force qui traverse le livre et coud ensemble ces fragments sans les attacher. C’est ce mouvement qui vient du dehors. D’avant les textes, d’avant le livre et qui saute hors de ce fort volume jusqu’à nous donner à voir à travers ce Midi à toutes les portes, le monde comme une terre libre et sans fin.

Il n’y a pas de sauve qui peut chez André Velter mais une errance choisie, travaillée, entretenue. Les lieux qui l’intéressent  sont ceux qui permettent de « se mettre hors du monde », qui parce que ce qu’on y trouve échappe à toute dénomination, à toute prière » sont eux-mêmes comme des départs incessants. Des lieux qui permettent de sortir sans cesse « du cadre sans déserter la vie ». Des lieux de déterritorialisation. Des lieux/coupures. Des lieux/écarts. Des lieux qui nous douent de lointain. Ces lieux ressemblent à ces nomades de l’intérieur qui fascinent tant André Velter, moins des migrants que des voyageurs de l’intensité, ceux que Deleuze définissait comme « ceux qui ne bougent pas et qui se mettent à nomadiser pour rester à la même place en échappant aux codes . »

Cette place hors là, ouverte sur « l’inconnu qui creuse » est celle d’André Velter. Celle du poète André Velter qui « a fait de l’infini le dernier rendez-vous » des hommes libres et dont le poème qui sait « (garder) force de mots / jusqu’au bord des larmes », selon les mots de « la soupçonnée » de René Char,  définit l’espace. Il nous attend.