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02/03/2011

Raphaël Monticelli - L'écriture en bribes, livres d'artiste, oeuvres croisées & autres bricoles

40 ans que Raphaël Monticelli creuse son regard sur l’art et la littérature.monticelli raphaël,livres d'artiste,poésie,littérature

40 ans qu’il traque l’origine du sens dans cette mise en objet – physique et symbolique – de notre présence au monde.

40 ans d’amitiés – on ne saurait toutes les citer ! – de Marcel Alocco aux éditions de l’Amourier en passant par Martin Miguel, Max Charvolen, Henri Maccheroni et les écrivains : Michel Butor, Martin Winckler, Jean-Marie Barnaud…

40 ans que cette amitié – cet autre nom que je donne à la création quand elle se pense comme question ! – d’une part, interagit avec son travail spécifique d’écrivain – On sait que Raphaël Monticelli est l’homme des « bribes » ( 4 tomes des Bribes tirées de la mort de Dom Juan sont parues à ce jour aux éditions de l’Amourier), ces restes d’une expérience du monde, des êtres et des œuvres tels qu’ils se mêlent dans l’histoire, expérience vouée à l’éclatement et à la dispersion et qu’il s’efforce de recueillir en mendiant errant à la poursuite de quelque issue – et d’autre part, a pris la forme de livres particuliers qui naissent de la rencontre entre un artiste et un écrivain que l’on désigne aujourd’hui sous l’expression peu claire de « livre d’artiste ». Ce sont eux qui vont être montrés du 2 mars au 8 mai 2011 à la Bibliothèque à Vocation Régionale Louis Nucera de Nice (Vernissage le 3 mars à 11h). Plus d’une centaine de livres d’artiste et d’œuvres croisées à quoi Raphaël Monticelli n’hésite pas à rajouter le terme de « bricoles ». Oui, « bricoles », ces livres improbables, nés de l’intimité, du croisement des recherches d’un artiste d’un artiste et d’un poète, de la volonté de donner à ces croisements un lieu spécifique d’expression qui ne soit plus tout à fait un livre ni tout à fait un tableau, une toile ou une gravure. La « bricole » est là dans cet entre deux – Avec parfois en tiers, l’intervention d’un éditeur ! – ni tout à fait ceci, ni tout à fait cela. Allant quelque part, les acteurs du livre d’artiste ne savent pas où ils vont. Ils inventent les routes au sein de ce lieu plastique, sorte d’utopie en acte, présente et agissante, dit parfois Raphaël Monticelli. Le livre,  cet objet tangible, manipulable qui a une forme et des limites, ici se transforme, s’ouvre. De messager d’un ailleurs – cet auteur inconnu -  il devient rôdeur de crêtes, éclaireur de lisières, veilleur aux confins mal assurés.

La randonnée sera belle. De vitrine en vitrine, d’écart en écart, toujours à côté des livres avec Martin Miguel, Max Charvolen, Serge Maccaferri, Henri Maccheroni, marcel Alocco  à ceux avec Leonardo Rosa, Jean-Jacques Laurent, Gérard Serée, Gérard Duchêne en passant par François Goalec, Gilbert Pedinielli, Armand Scholtès, Luc Warneck, Martine Orsoni, Monique Thibaudin, Yves Popet, Valérie Sierra, Anne-Marie Lorin, Max Partezana, Giuseppe Becca, Fernanda Fedi, Eric Massholder, Claudio Casavacca, Giorgio Robustelli, Renato Bonardi, Giacomo Lusso…

On n’oubliera pas les mots de Claude Levi-Strauss : « la poésie du bricolage lui vient aussi et surtout, de ce qu’il ne se borne pas à accomplir ou exécuter ; il raconte (…) le caractère et la vie de son auteur. » Ce sont des vies, des bribes de vie que vous viendrez voir à la BMVR de Nice, si vous passez par là. D’infinis @font-face { font-family: "Cambria"; }p.MsoNormal, li.MsoNormal, div.MsoNormal { margin: 0cm 0cm 10pt; font-size: 12pt; font-family: "Times New Roman"; }div.Section1 { page: Section1; }paysages – Tiens, le libellé du Printemps des poètes 2011 ! – d’amitié.

 

A cette occasion, la BMVR publie un catalogue dans lequel j'ai publié le texte qui suit:

Je lis les écrits de Raphaël Monticelli comme…

 1)    ceux de quelqu’un qui tente une approche effilochée de la réalité. Toujours à l’écoute de cette polyphonie des voix du monde, de la littérature et de la langue.

2)    ceux de quelqu’un toujours dans le déséquilibre, la rupture tant je le vois, je le sais debout, essayant de tenir les deux bouts entre transmission et création : 2 rives, 2 arches d’un pont…dans le danger d’un effondrement sans cesse remis. Toujours possible !

 

 3)    ceux de quelqu’un toujours en route. Une sorte de Don Quichotte, ce chevalier du désir. L’homme qui disait « el camino es siempre mejor que la posada » tant c’est sur le chemin que se produisent les rencontres essentielles

 

4)    ceux d’un qui aime se laisser dérouter. Par les œuvres en général, celles des artistes en particulier ceux-là dont il aime la fréquentation depuis les années 1970. Et pour qui il écrit et c’est toujours manière de reprendre pied…dans les mots.

 

 5)    Ceux de quelqu’un qui essaye d’intégrer dans la pratique de la littérature les problématiques qu’il partageait dans les années 70 avec ses amis peintres : soit écrire comme on peint quand on pratique le commage/décollage (Charvolen, Miguel) ; écrire comme on tisse quand on pratique le patchwork (Alocco) ; écrire comme on sculpte quand on compose comme Pagès.

 

6)    Ceux d’un crocheteur et donc comme autant de rossignols – Voyez ces rossignols d’un crocheteur ! – oui, ceux d’un voleur. Quelqu’un qui aime à faire chanter les serrures. Sauter les verrous. Qui aime entrer par effraction – voir ses intrusions – là où il n’était pas attendu.

 

 7)    Ceux de quelqu’un qui multiplie les pistes au lieu de les fermer. Quelqu’un qui ouvre les possibles du regard. Qui pratique une écriture d’expansion.

 

8)    Ceux de quelqu’un qui a formé ce projet un peu fou de tenter de rendre par le texte littéraire la complexité de ce que nous vivons et pensons. Ce train qui toujours nous emporte. Dans le quotidien. En quoi il retrouvait ses auteurs de prédilection : son ami, Michel Butor  mais aussi Joyce, Simon, Pound et Proust bien sûr…

 

9)    Ceux de quelqu’un dont on sent battre l’inquiétude sous les pages. Celle d’une insatisfaction comme si le compte n’était jamais bon – et il ne l’est jamais, on le sait ! – toujours il y a de l’inassimilable, du réel. Mais quelqu’un qui sait que c’est avec ça qu’il lui faut vivre. Et donner ce qu’on peut donner.

 

 10)  Ceux de quelqu’un qui joue là sa vie – la bribe plus qu’un nouveau genre littéraire ( ce qu’elle pourrait être) est un mode d’existence – et ce sur le mode mineur du mendiant. Il y a un héroïsme de l’humilité chez RM.

 

11) Ceux de quelqu’un qui pousse l’humilité jusqu’à dire que s’il écrit de Bribes c’est pour personne. Surtout pas pour que ses amis écrivains et/ou peintres lui disent en retour que c’est bien, et ceci et cela mais « pour comprendre et aimer ce qu’écrivent ou peignent des gens comme eux ». RM est un homme de la praxis. Quelqu’un qui a besoin de passer par la pratique pour assimiler la théorie.

 

 12)  Ceux de quelqu’un qui entend ne se couper jamais de la communauté des hommes. Même si en apparence le risque est celui d’une certaine illisibilité, celle d’une parole vive contre la parole morte qui dévide la clarté morne et hébétée de son évidence et dont on bout du compte on finit par se dire : « Ah ! ce n’était que ça… ! »

 

13)  ceux de quelqu’un qui embrouille, s’empègue moins par perversité que parce que c’est là notre position d’être parlé/parlant, d’êtres jetés dans la langue et le sens, à partir d’une blessure première, cela autour de quoi nous tournons moins pour la cacher ou la suturer que pour la tisser autrement. Toujours autrement !

 

 14) Ceux de quelqu’un qui pratique une écriture de la Reversion, soit le fait de tirer la vie de la mort et donner par là présence à l’absence

 

15)  Ceux d’un ami fauteur de troubles et fauteur d’échanges. Un passeur généreux.

 

 16) Ceux de quelqu’un avec qui je partage l’essentiel. Et c’est une Dame. RM et moi l’appelons Madame !

 

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Ceux de quelqu’un d’empêché. Quelqu’un qui aurait aimé être romancier mais qui n’a pas pu. « Les bribes sont un impossible roman. »

Quelqu’un qui a toutes les qualités pour l’être mais quelqu’un dont l’expérience de vie passera dans la pratique littéraire. Or celle-ci implique l’abandon de l’hypothèse de Dieu, le passage de jeune catholique au matérialiste d’âge mûr. Et rejeter la fiction de Dieu, c’était rejeter toute fiction. Tout récit supposant un être tel que Dieu comme garant de la continuité, de la chronologie, donc du sens.

La pratique du roman n’est possible que si on croit – consciemment ou non – en la fiction d’un Dieu, que si l’on se met face à la fiction comme Dieu face au monde.

Où trouver un référent en l’absence de Dieu sinon dans la langue aussi sacrée que le monde qu’elle figure ?

La langue comme métaphore du monde. Lieu du symbolique « cerveau hors de nous, dans lequel nous naissons, vivons, sans cesse ».

Travailler la langue, c’est nous travailler nous-mêmes et le monde.