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10/04/2011

Lu 63- Les temps suspendus de Michel Butor, Henri Maccheroni et Bertrand Roussel

Trois hommes, trois sensibilités, trois regards : le scientifique, l’artiste et le poète. Trois contemporains croisent leurs pratiques – Bertrand Roussel, directeur des collection du muse de paléontologie humaine de Terra Amata à Nice, curieux de de création contemporaine ; Henri Maccheroni dont les toiles et les photographies le montrent depuis longtemps intéressé par l’archéologie ; Michel Butor et son œuvre ouverte à tous les défis, toutes les routes – dans un beau livre fort bien publié par les éditions Mémoires Millénaires (www.memoiresmillenaires.com) . On y remonte le temps de l’âge des métaux (il y a environ 5000 ans) de la Vallée des Merveilles, au pied du Mont Bego, non loin de Casterino au jurassique supérieur (il y a près de 150 millions d’années) du plateau Saint-Barnabé, près de Coursegoules en passant par le site de Terra Amata du Paleolithique inférieur (il y a 400000 ans) à Nice.

Des millénaires de feu, d’orage, de neige, de gel, de pluie, battus à tous les vents sont ainsi pris en écharpe par ces « fouilleurs ».
J’aime que ce livre pousse ses pages à la manière de l’archéologue qui du plus récent va vers le plus enfoui : ici, de l’écriture du graveur des Merveilles à celle de la erre sur elle-même du plateau de Saint-Barnabé en passant par les traces des foyers, premiers témoins de la domestication du feu dans le monde.

C’est le même geste qui unit les trois auteurs : découvrir en enlevant, dégager, tirer hors de et porter au jour sur les rivages de la lumière l’enfoui. Ainsi Henri Maccheroni revisite-t-il d’une belle et leste manière en des lavis rehaussés les gestes des graveurs de la vallée des Merveilles.

Trois chantiers de fouilles dialoguent ici, chacun constituant ce qui reste comme objet de pensée.

Qu’est-ce qu’il reste, finalement ?

Nulle relique, ni fétiche, des dépôts tournés – merveille ! – vers un futur et non un passé, à vénérer tel quel. À trois, ils refont le paysage. Et le lecteur devient le « pays », le passant. L’éternité – pas la sempiternalité ! – peut venir s’y prendre. Les ouvrages du temps ainsi revisités l’attendent. C’est ce temps hors du temps, ce « temps suspendu » qui traverse ces restes et, passant, les font vibrer les portant plus loin, jusqu’à demain.