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20/06/2011

Claude Vercey - Ode au président S

Poésie, Claude Vercey, revue Décharge( Claude VERCEy est né en 1943 à Dijon.

 Après quelques années d'enseignement, administre de 1974 à 1984 le Théâtre de Saône-et-Loire, où il est pleinement associé à la vie théâtrale (comédien, assistant metteur en scène, dramaturge) et écrit une dizaine de pièces.

 Crée en 1984 un poste de permanent dans l'association de poésie du collectif Impulsions (Chalon-sur-Saône). De la poésie il fait ainsi pendant plus de vingt-cinq ans son métier, œuvrant à la défense et illustration de la poésie contemporaine à travers lectures ou spectacles, en Bourgogne et dans toute la France. Conseiller artistique pour le Festival Temps de Paroles (Dijon).

 Appartient au comité de rédaction de la revue Décharge. Responsable de la collection Polder. Chronique sur internet : les I.D sur www.dechargelarevue.com .

 Dernier livre publié : Mes escaliers, Le Carnet du dessert de lune éd.)

 

*

 

A l'École Nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris, l'artiste chinoise Siu-Lan Ko a été censurée pour une installation jugée provocatrice à l'encontre du Président S, installation qui a été retirée avant l'ouverture de l'exposition. L'œuvre avait été mise en place sur le façade, et était composée de quatre banderoles géantes,  chacune portant un des mots suivants : travailler, gagner, plus, moins.

(Selon Libération du 12 février 2010)

 

Une jurisprudence semble donc s'établir selon laquelle un mot ou une expression utilisés par le président (pov' con par exemple) doit être à la suite retiré du langage courant ou n'être utilisé qu'après autorisation préalable. Nous laisserons-nous ainsi confisquer des mots qui nous appartiennent ?

 

 

Ode au président S.

 

 

Je travaille moins

car je ne travaille plus

mais je gagne un peu

un peu chaque mois je gagne un peu

un peu un peu moins chaque mois.

Alors je travaille un peu

de loin en loin

pour gagner un peu

un peu plus que le peu que je gagne.

Et en effet miracle

plus je travaille plus je gagne, oui.

 

 

 

*

 

 

Travailler pour gagner sa vie

plus ou moins

 

Traverser la vie tout en travaillant

Gagner sa vie en travaillant

 

Ne pas perdre sa vie à travailler

Travailler moins pour travailler mieux

 

Travailler plus aujourd'hui pour

ne plus travailler demain

 

ou travailler moins

au moins

 

Pour ce qu'on gagne autant ne pas

se tuer au travail

 

travailler plus ou moins pour

s'en sortir

 

Mais qui vous travaille

qu'est-ce qui vous gagne ?

 

Être travaillé par le travail

être gagné par la gagne

 

Travailler plus

pour plus ou moins gagner plus, vous raillez ?

 

Ne déraillez-vous pas  un peu

plus ou moins ?

 

 

*

 

 

A travailler plus on

gagne plus et

 

qu'est-ce qu'on gagne ?

Qu'est-ce qu'en plus on gagne quand on gagne ?

 

Et quand on gagne ce qu'on gagne

qu'est-ce qu'au final on a gagné ?

 

La considération d'une foule émue,

celle de son patron, les embrassades de ses

 

collègues, ou gagne-t-on

la sortie ? La berge opposée ?

 

La vie ? A-t-on gagné sa vie au moins

ou aurait-on gagné du temps ?

 

Et qu'est-ce qui te travaille là

tout d'un coup puisque tu as gagné ?

 

 

*

 

 

Ceux qui travaillent plus

et ceux qui gagnent plus

 

sont-ce les mêmes ?

 

Ceux qui travaillent encore plus

et ceux qui gagnent toujours plus

 

sont-ce les mêmes

comme il était indiqué dans la notice ?

 

Un soupçon plus ou moins

me gagne

 

me travaille

plus ou moins.

 

 

*

 

Ce qu'on gagne

à travailler plus

 

c'est

 

ce qui se goûte à plein

dans les moments où on ne travaille pas

 

 

*

 

Travailler moins

pour goûter davantage

 

De temps en temps s'y mettre

selon l'humeur et le temps

 

partager la tâche

assurer sa partie

 

travailler juste

juste ce qu'il faut

 

Travailler en douce

Aller piano aller son train

 

Ne pas travailler

 

Ne pas gagner gros gagner son pain

travailler à mi-temps pour casser la croute

 

Bosser pour le plaisir

travailler selon ses moyens son âge

 

ses besoins prendre congés

donner de son temps

 

prendre son temps

battre le fer pendant qu'il est chaud

 

et  le dimanche s'en aller tranquillou

rouler sa bosse à la campagne

 

s'en foutre

toujours plus ou moins

 

et de plus en plus

joyeusement reprendre la main

 

                        Claude Vercey

 

Dernière minute : Sur intervention du ministre de la culture, les Quatre mots incriminés ont été rendus à la liberté, et l'œuvre de  Siu-Lan Ko réinstallée sur la façade de l'Ecole des Beaux-Arts.

 

 

 

 

 

 

 

 

Commentaires

pourriez-vous me le traduire en suisse?...;-) pour que je puisse en faire une banderole là où le vol est devenu un paramètre économique "incontournable"

Écrit par : annaj | 22/06/2011

Et "Gagnez moins, pour travailler mieux" !
Excellent texte "politique" (la poésie depuis trop longtemps montre de la frilosité à l'égard de la thématique politique, pourquoi ? un repli sur "l'ego" transcendant du poète ?) qu'il faut faire connaître à ceux qui s'inscrivent encore et malgré tout dans des valeurs de gauche (oubliez le PS !) tel le Parti de Gauche >
Cordialement,

LD

Écrit par : Louis Dubost | 06/07/2011

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