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02/04/2009

Pier Paolo Pasolini, C. lu par Yves Ughes

Ypsilon.Éditeur naît en septembre 2007 afin de publier Un coup de Dés – dans le format et avec les caractères et les illustrations (d’Odilon Redon) que devait comporter l’édition originale préparée par Mallarmé chez Ambroise Vollard. À coté, nous publions l’édition originale de la première traduction arabe du poème par Mohammed Bennis.

Ce double premier ouvrage est représentatif de l’esprit de la maison qui va se consacrer à la littérature (française et étrangère), à la typographie (histoire et création) et aux beaux-arts (peinture, dessin, photographie, estampes).

Contact: 29 boulevard de Clichy, 75009 Paris - tel: +33 (0)6 29 45 49 07 ou contact@ypsilonediteur.com



Pasolini - copie.jpgAvec les grands poètes, il est toujours des fragments qui remontent des fonds, monstrueux comme créatures des lieux opaques, comme créations chargées de lourdes ténèbres.

Il en va ainsi de ce texte de Pier Paolo Pasolini, au titre mystérieux, codé, Chatoyant : « C. » que publie Ypsilon.Editeur(17 euros):
« Le 18 novembre 1965, Pasolini écrit à l’éditeur Giulio Einaudi : je vous enverrai d’ici quelques mois un poème, appelons-le ainsi, qui, étant une chose parfaitement extravagante et « hors œuvre », figurerait très bien comme publication isolée, dans votre collection. Il s’intitule « F ».
F. (C. dans notre traduction), la fica, la figue et pour nous, la chatte est l’objet et le destinataire.

L’audace se fait ici calligramme. Un losange ouvre le livre, s’ouvre, s’offre comme lèvres dilatées               (…)
fournit à une mère géant-
e, toi libre du petit sac de la
culotte, au soleil comme un
biscuit trempé de lait,
(…)
on le perçoit d’emblée : l’obsession s’installe et s’exacerbera jusqu’au sacré : le losange de l’origine du monde appellera en écho la croix, figure si proche et marque d’une matrice également mystérieuse. Pasolini rapportait le dicton Celui qui n’aime pas la chatte n’aime pas Jésus.  Ainsi va, se crée et prend forme la démarche poétique, dans la lacération des morales établies, dans l’évaporation des certitudes et la conquête, mot après mot, de la dé-composition. Le cœur palpitant établi, on peut voir s’agencer le chaos du monde.
Et ainsi :
que la poésie soit intégrale,
il faut détruire son unité !

je ne peux pas : l’expression revient en liet-motiv, car la question d’être au monde se révèle au gré des lignes écrites comme une question impossible. Dans la conscience passent drapeaux et cortèges, présences et absences, défilés fantomatiques. Le sens –qui relève  de la démarche officielle et académique- se serait bien installé dans des formes sociales et/ou prophétiques, mais la vulgarité domine toujours et sans cesse elle revient vers ce point central qui fascine : l’humidité aimantée de la chatte :

figue, trou de médiocrité, puits d’égalité,
cloaque de résignation, bassine d’imitation,
vase de conformisme,

Libérer dès lors le cours des vers, jusqu’à ce qu’ils soient « hors œuvre ». Y mêler les cendres de Gramsci, l’enterrement de Togliatti. Car l’œuvre révolutionnaire travaille dans le démembrement, l’écartèlement de la prosodie, l’acharnement frénétique contre la phrase.

Face  à la « C. » le langage prend acte de son impuissance, il se décompose pour nous inviter à une marche collective vers le trou béant du sens. Vertige et recomposition nécessaires.

et  Tu es là, au Centre,
Commun Dénominateur de tous,
derrière  un sale buisson sur la pente glissante.
AU TRAVAIL, AU TRAVAIL,
Œil de chair qui ne voit pas !

Partant de cette publication insolite et excellente, à chacun de s’y mettre.


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