30/03/2009
Patrick Joquel - En chemin
( Entre quelques voyages pour les loisirs ou pour la poésie (lectures, conférences ou formation professionnelle pour les enseignants), Patrick Joquel partage ses jours entre les bord de la Méditerranée sur la côte d’Azur, et les cimes du Mercantour… "Difficile de choisir entre ces deux absolus : l’un de silence et l’autre de solitude, dit-il, les deux nourrissent l’écriture." Pour découvrir ses publications : http://joquel.monsite.orange.fr et suivre les liens…
Depuis 2007, il essaye avec quelques amis un peu fous aussi de faire vivre une revue de poésie Cairns, le numéro quatre est sorti en janvier 09. le site de l’association éditrice : http://monsite.orange.fr/pointesarene )
Nous suivons la langue étroite du torrent
le sentier nous tient
il nous élève
abrupt
Nous allons cœur et souffle en prise avec le dénivelé. Les cuisses flambent l’altitude et nous nous élevons sans autre à coups que le poids du corps qui passe d’un pied sur l’autre.
Nos yeux s’arrêtent sur la falaise à l’affût d’une saxifrage à fleurs multiples. Il y en a deux. Hampes dressées dans l’ombre. Elles nous dominent
verticales
inaccessibles
patientes et tenaces
Nous calmons nos corps un instant. La sérénité du lac Autier les apaise et nous reprenons la marche les pieds allégés par le silence.
La brèche où nous devons porter nos poids nous appelle et le vaste pierrier qui la défend semble nous inviter à goûter sa minéralité tout en nous narguant de son chaos
La marche nous masse et nous vibrons sur la peau des pierres
Les cairns
dociles
déroulent
si lentement
le passage
que nous envions
l’agilité du chamois
D’un caillou à l’autre
l’œil aux aguets
la beauté des pierres
Je voudrais caresser le grain de leur peau
apprendre à lire leurs géographies intimes
déchiffrer leurs cartographies de lichens
Le lent démantèlement de la montagne par la glace et ces millions d’années d’érosion pour la rendre accessible aux randonneurs fous que nous sommes… car il s’agit bien de folie n’est-ce pas que de vouloir se confronter à ce chaos quand nos fauteuils sont si confortables les documentaires télés si remarquables
Nous nous posons sur la brèche du lac Autier
enfin
Là
et jusqu’au Capelet
nous ne serons plus que regard
Du sommet
nous suivons l’étagement des lacs
vu de cette hauteur le trajet du glacier devient une évidence
son étreinte aussi
nous demeurons
là
suspendus à ce plus haut silence
et nous touchons de tous nos yeux notre présence au monde
être vivants pour nous
c’est respirer
ici
Une marmotte siffle sa présence
un aigle
la mort menace
et toujours
tenace
et toujours
emmêlée à la beauté
fragile éphémère
Que sommes-nous
chacun en notre espèce
que sommes-nous en ce vaste monde
sinon quelques kilos de chairs animées de petites étincelles
?
On en surprend parfois de ces étincelles au croisement des regards ou des mains
une impalpable chaleur se partage alors
La même chaleur tactile que les peaux caressées jusqu’à l’orgasme embrasent
extrait de Les cairns m’ouvrent le chemin (inédit)
© Patrick Joquel
23:25 Publié dans Mes ami(e)s, mes invité(e)s | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie
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