17/01/2010
Balise 56- Le rythme, contre l'or
"L'or a un rythme, c'est celui de la ruée. Un rythme qui est un poids. Social. Donc une métrique. Car tout rythme social est une métrique. Les mains à l'usine comme les pieds qui marchent au pas. L'or a une métrique, beaucoup plus qu'un rythme. Une métrique internationale. La métrique de l'internationale de l'or. L'or a tout de la métrique, les unités de mesure, l'espace abstrait, le temps abstrait, hors tout sujet. Ce qui ne veut pas dire hors histoire. Mais dans une histoire qui ne connaît rien des sujets. Inaltérable, il n'est pas dans le temps vécu. Quand il y a un objet ancien travaillé, en or.
C'est le travail qui lui donne un rythme, et qui compte, plus que l'or. Mais l'or est un soleil qui ne se couche jamais. Qui supprime le temps. L'or, contre le rythme.
Il y a les amas, la thésaurisation, l'usure. Qui ont des rapports physiques et symboliques avec l'or. Là, il y a des structures, des fréquences, des régularités : tout ce qui fait la définition traditionnelle du rythme. Qui suggère sa cohérence avec l'or comme signe. Une cohérence qui a fait que, de Marx à certains structuralistes, l'argent a été comparé au signe linguistique. La critique de cette analogie a déjà été faite. Cette fausse monnaie a longtemps eu cours. Elle avait cependant cet intérêt de montrer qu'elle tenait à une notion abstraite du langage, à une méconnaissance significative du langage ordinaire, et, par là, autant à une méconnaissance de l'art et de la littérature que de l'homme ordinaire. Ainsi l'or n'est pas par hasard solidaire de la théorie traditionnelle du rythme, au bénéfice de la métrique, et de la théorie traditionnelle du signe, théorie du pouvoir autant que de la langue. L’or et le signe partagent une même stratégie. Une théorie critique du langage, qui retravaille le rythme non plus comme alternance métrique, mais comme l'organisation du sens en mouvement, l’historicité du sens, dans le discours comme activité des sujets, passe par une critique de la socialisation des rythmes. Une critique des métriques sociales. Le rythme, contre l'or.
Henri Meschonnic, Rythme de l’or in La rime et la vie, Verdier, 1989
10:33 Publié dans Balises | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, meschonnic henri
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