14/02/2009
Lu 35 - Philippe Jaccottet, traducteur d'Ungaretti
De même que l’œil intéressé aux œuvres plastiques aime à pénétrer l’atelier des artistes, se frayer un chemin dans le tohu-bohu de la création, voir comment telle ou telle œuvre impose le silence aux tourments du lieu ; de même qui s’intéresse à la création poétique et plus particulièrement aux questions que posent cette activité « impossible » de la traduction, aura grand plaisir à lire cette correspondance entre Philippe Jaccottet et Giuseppe Ungaretti qui couvre les années 1946 – Jaccottet est alors un jeune homme de 21 ans tandis qu’Ungaretti est avec Saba et Montale, un des trois grands lyriques de sa génération - à 1970 jusqu’à la mort d’Ungaretti (NRF, Gallimard). Et grand intérêt à entrer dans ce chantier rigoureux mené dans la patience et l’écoute attentive. La confiance et l’amitié pour tout dire.
Je ne peux m’empêcher de penser à ce passage du Quart Livre de Rabelais lorsque Pantagruel, sur les confins de la mer glaciale , jette sur le pont du navire aux pied de ses compagnons des « parolles gelées » leur conseillant de les réchauffer entre leurs mains. Comme Jaccottet dut les tenir, les tourner et retourner ces mots de la langue italienne qu’Ungaretti lui-même avait déjà pour sa part travaillé et chantourné ! Cet effacement-là du traducteur devant le corps du poème, très vite Ungaretti sut en reconnaître la justesse et la grandeur. Ainsi en Août 1964 à propos de la traduction d’Après le désert, il lui dira : « Vous avez fait un merveilleux travail. La langue en est splendide : votre langue. » ou encore « votre travail, un travail admirable, inégalable. Ce livre a quelque valeur parce que vous y avez mis votre langue splendide et votre lumière de poète. » Ainsi, alors qu’il avait déjà des traducteurs, et non des moindres, Jean Chuzeville, Armand Robin, Jean Lescure, c’est vers Jaccottet que toujours il se tournera. Et l’amitié, l’admiration que Jaccottet éprouvait à l’égard de la poésie d’Ungaretti peuvent seuls expliquer que lui qui vivait de son activité de traducteur, qui croulait toujours sous les charges, belles souvent – citons de mémoire les 12000 vers de l’Odyssée ; les 4 volumes de l’homme sans qualité de Musil ; l’établissement des œuvres de Hölderlin dans la Bibliothèque de la Pléiade, et j’en passe – jamais ne refusera de se rendre au désir d’Ungaretti. Et ce seront Innocence et Mémoire en 1968, Vie d’un homme en 1973 Et pas question de salaire entre eux mais des « signes d’affection » dont Ungaretti ne se montrera jamais avare.
Il faut saluer le travail de José-Flore Tappy dans l’établissement précis de ce dialogue entre deux poètes dont l’enjeu n’est rien moins que ce qu’il en est de la poésie elle-même pour deux êtres qui n’entendaient pas séparer leur vie artistique de leur vie morale, esthétique et éthique. Au terme d’une éclairante préface, elle dit l’essentiel à savoir que derrière la rigueur du travail, le souci du détail, le sens des nuances – « je veux être sûr d’une nuance » écrit Jaccottet ! – « on découvre deux créateurs aux prises avec la langue, qui partagent une même quête de la justesse, une même conception éthique de la littérature, un même engagement dans l’écriture où le chemin, incertain et en constante évolution, importe autant que le résultat. » On découvre dans ces pages, deux traducteurs qui savaient l’importance de ce corps à corps avec la langue – Et il suffit d’un mot parfois, le mot « fioco » par exemple – pour que dans ce qu’a d’intraduisible une langue tienne aussi cette chance, cet éclat de réel qui favorise l’irruption du sens et donne une dimension vivante au vers.
( cet article est paru dans l'Humanité du 5 février 2009. On pourra se reporter à la référence "Lu 28" pour un article sur Ce peu de bruits de Philippe Jaccottet paru chez Gallimard en 2008)
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Les Cahiers du Museur - Collection "À côté"
J’ai ouvert une nouvelle collection aux Cahiers du Museur : format un feuillet A3, papier Moulin du coq, grain torchon, 325 g plié en deux. Tirage 21 exemplaires. Je l’ai intitulée À côté .
« À côté » est un nom de pays. Celui du regard qui bondit du texte à l’image à moins que ce ne soit l’inverse, contredisant la « belle page » typographique ! Un regard qui comme le lièvre opérerait par bond, histoire de toujours se jeter hors de la ligne droite, du chemin bien tracé, du rang. Geste d’esquive certes mais aussi de saisie comme au vol, saisie de nouveaux appuis pour un nouveau bond.
« Être du bond. N’être pas du festin. Son épilogue » disait Char. Être du décalage, de la distorsion, de la disjonction, aussi léger, aussi minime soit-il. Affaire de ruse. Être de tout ce qui effaçant les traces ouvre une brèche qui intrigue, une meurtrière qui donne envie d’aller y voir, se pencher et penser. Un peu.
Paru(s) :
- Alain Freixe & Frédéric Lefeuvre
- Alain Freixe et Joël Frémiot
- Alain Freixe et Martin Miguel
- Jeanne Bastide et Alain Million
- Alain Freixe et Daniel Mohen
- Alain Freixe et Alix de Massy
- Alain Freixe et Béatrice Englert
- Alain Freixe et Yves Picquet
( Me contacter pour tous renseignements complémentaires)
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Balise 39 - Mahmoud Darwich: Le palestinien est un être humain!
Je reçois régulièrement la revue de la Fédération des Oeuvres Laïquues de l'Ardèche, la revue Envol . A propos de la mort en août 2008 de Mahmoud Darwich, j'y ai lu ceci, extrait d'un entretien enregistré au Théâtre National Populaire de Lyon le 12/10/07(Traduction d'Elias Sanbar):
"... Honnêtement, je ne sais pas au juste ce qu'est une poésie nationale et je n'aime pas qu'on me désigne ainsi, comme poète national. Je n'ai aucune honte ni de ma nation ni de ma palestinité, mais cette façon de désigner limite mon champ poétique, et à tort, comme si elle conditionnait les lectures de mon oeuvre et ainsi annulait les dimensions multiples du poème. Donc, je suis sorti de ce lieu vers des horizons infiniment plus vastes et j'ai compris que la véritable poésie, la poésie réelle est un voyage entre les cultures, une façon d'ouvrir encore plus largement l'humanité du Palestinien. Parce que le Palestinien n 'est pas uniquement l'objet de la solidarité ou de la pitié ou de la lutte. Le Palestinien ne peut pas être défini uniquement comme l'adversaire de l'Israélien. Parce qu 'il ne faut pas oublier quand même son identité, comme pour n 'importe quel être humain ; son identité humaine précède le conflit. Il n 'est pas né avec le conflit. Donc le Palestinien se pose des questions existentielles, des questions culturelles et la question sur son rapport à la nature, à l'eau, à la vie. Il aime, il déteste et il meurt... c'est un être humain ".
Et que ces mots soient lus comme on regarde des fleurs depuis le toit de l'enfer (Turbulence 27)!
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Lu 34 - La poésie palestinienne contemporaine
Lodève, juillet. Les voix de la Méditerranée. Un matin où nous discutions avec quelques ami(e)s du fait que les visas n’avaient pas été accordés aux poètes palestiniens et syriens invités au festival alors même que nos gouvernants appelaient de leurs vœux à une Union de la Méditerranée, Francis Combes qui dirige la maison d'éditions Le temps des cerises, m’apporta, tout chaud sorti des presses, la réédition de ce choix de textes traduits par Abdellatif laâbi, La poésie palestinienne contemporaine, paru en 1990.
Quelques jours après, le 8 août mourait celui qui y occupe une place centrale, Mahmoud Darwich. On le sait, les superlatifs ne manquent pas à son sujet. A juste titre. Je me contenterais de saluer le poète qu’il s’efforça d’être, le poète d’une Palestine qui n’est pas qu’un espace géographique délimité – Et mis à mal par la politique agressive et meurtrière de l’état israélien, faut-il évoquer ici ce que viennent de vivre dans la bande de gaza hommes, femmes et enfants ? Inutile, n’est-ce pas ? – mais une quête de justice, de liberté, d’indépendance, de pluralité culturelle, un territoire où les voix juives, grecques, chrétiennes, musulmanes pourraient coexister et la poésie voyager entre elles avec l’homme pour enjeu, homme, fruit d’une exigence, et comme tel toujours à venir (voir Balise 39)
C’est dire si cette réédition importe. Le lecteur découvrira dans cette anthologie des voix multiples, des écritures diverses de quoi témoigner de la vitalité de cette poésie confrontée à l’une des pires tragédies qui soit où, excepté le sang et l’injustice, rien n’est neuf ! Dans sa préface, Abdellatif Laâbi remet en perspective les différentes étapes de l’évolution de cette poésie depuis sa naissance dans les années 30 à la génération de 67, date à laquelle c’est moins de génération qu’il convient de parler selon lui que d’une « constellation en mouvement » tant le foisonnement poétique est grand et le chantier ouvert en permanence aux soubresauts de l’histoire, en passant par la génération de 36 et celle de 48, début de l’exode vers les pays arabes voisins.
Saluer cette réédition, c’est aussi prendre date pour un second tome à venir qui porterait jusqu’à nous les poètes nés dans les années 60/70, leurs livres, leurs revues, leurs maisons d’édition.
Capable de travailler une langue, une culture nationale et celles qui, voisines, jouent avec elle, la poésie creuse jusqu’en ce point où source d’énergie « elle s’arme de fragilité humaine pour résister à la violence du monde » selon les mots du traducteur de Mahmoud Darwich, Elias Sanbar.
(cet article est paru dans L'Humanité du jeudi 5 février 2009)
19:15 Publié dans Du côté de mes publications | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie
Turbulence 27 - Continuer à marcher / continuer à contempler
Je n'ai souhaité ici, dans cet espace, de voeux à aucun de ceux / celles qui passent.Les jours poussant les jours.Mais comme me le disait récemment une amie: "les voeux, c'est dans le coeur et toute l'année!". Alors je peux les mener hors-saison en ces jours de février par exemple, accompagnés de cet haïku de kobayashi Yataro dit Issa (1763-1827) dans la traduction de Catherine Yuan et Erik Sablé in Les grands maîtres du Haïku aux éditions Dervy, collection Chemins de sagesse:
"Dans ce monde qui est le nôtre
nous marchons sur le toit de l'enfer
en contemplant des fleurs"
19:00 Publié dans Dans les turbulences, Inédits | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie
08/01/2009
Lu 33 - Du rouge aux lèvres (Haïjins japonaises)
Ce qui plaît en général dans le haïku, c’est son trait, soit l’aigu d’une brièveté qui a force d’évidence. Plaît ce quelque chose qui traverse ce peu de mots vers les choses du monde dans leur frémissement, leur vacillement, leur légèreté. Quelque chose qui ouvre ces mots à l’espace même de l’énigme de cette présence, de ce souffle qui caresse les yeux. Et passe – 5/7/5 – dans ces trois vers :
« beni soita kuchi mo wasururu shimizu kana
Je bois à la source
Oubliant que je porte
Du rouge aux lèvres »
Ce haïku de Chyo-ni qui vivait au XVIII donne son titre à l’ anthologie bilingue élégamment présentée que publient les éditions de La Table Ronde, Du rouge aux lèvres, Haïjins japonaises (21 euros). Makoto Kemmoku et Dominique Chipot ont ainsi choisi et traduit quelques 40 haïjins japonaises. Et telle est bien l’originalité de ce livre ! Forts des quelques grands livres parus sur le haïku – Et je pense à celui paru chez Fayard en 1983 et réédité récemment dans la collection Points-Poésie du Seuil dont le texte français est de Roger Munier et la préface d’Yves Bonnefoy et à l’Anthologie du poème court japonais de Corinne Atlan et Zéno Bianu en Poésie/Gallimard – on a toujours tendance à réduire la pratique du haïku aux noms de quelques grands maîtres : Basho (1644-1694), Buson (1715-1783), Issa (1763-1827), Shiki (1866-1902). Ce faisant, on oublie les hajins, ces poètes femmes à qui cette anthologie aujourd’hui rend justice. Elle laisse également entrevoir, d’une part, cette seconde branche du haïku qui tourne ses feuilles vers le quotidien et les gestes qui lui donnent sens jusqu’à réserver un chapitre aux haïkus de la bombe atomique, à côté de celle toujours présente bien sûr des choses comme elles chantent dans le cours des saisons. Et, d’autre part, combien la pratique du haïku est aujourd’hui particulièrement vivace chez les poètes femmes japonaises. Ainsi de Ayaka Sato, née en 1985, dont ce poème termine le livre :
« tachiuo ya toki kikari o hanekaeshi
une ceinture d’argent
reflète la lumière
lointaine. »
(Note parue dans le Patriote Côte d'Azsur du )
19:19 Publié dans Du côté de mes publications | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, poésie
07/01/2009
Turbulence 26 - Où la poésie?
Oui, où? Ces jours de sang et d'injustice, à Gaza, où?
Me reviennent les paroles de Juan Gelma qui dans son discopurs à Madrid lors de de la réception de son Prix Cervantès 2007, devant le Roi d'Espagne Juan Carlos, déclara: "Voici la poésie : Debout contre la mort!"
20:26 Publié dans Dans les turbulences | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poèsie
Balise 38 - Paul Celan à René Char (1962)
"Voyez-vous, j'ai toujours essayé de vous comprendre, de vous répondre, de serrer votre parole comme on serre une main; et c'était, bien entendu, ma main qui serrait la vôtre, là où elle était sûre de ne pas manquer la rencontre. Pour ce qui, dans votre œuvre, ne s'ouvrait pas - ou pas encore - à ma compréhension, j'ai répondu par le respect et par l'attente : on ne peut jamais prétendre à saisir entièrement - : ce serait l'irrespect devant l'Inconnu qui habite - ou vient habiter - le poète; ce serait oublier que la poésie, cela se respire: oublier que la poésie vous aspire. (Mais ce souffle, ce rythme - d'où nous vient-il ?) La pensée - muette- et c'est encore la parole, organise cette respiration; critique, elle s'agglomère dans les intervalles: elle dis-cerne, elle ne juge pas; elle se décide; elle choisit: elle garde sa sympathie - elle obéit à la sympathie. "
Extrait d'une lettre de Paul Celan à René Char du 22 mars 1962, cité par Andréa Lauterwein, in Paul Celan, édition Belin,
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06/01/2009
Lu 32 - Georges Bataille - L'archangélique et autres poèmes
Georges Bataille poète ?
On pensait que l’auteur de L’érotisme, du Bleu du ciel, de L’histoire de l’œil, de Madame Edwarda, l’homme du Collège de sociologie et de La part maudite, de La Somme athéologique qui regroupe L’expérience intérieure, Le coupable et Sur Nietzsche, bref l’inclassable, tout à la fois romancier, essayiste, philosophe, sociologue, ethnologue, penseur religieux… qui n’écrivait peut-être que toujours la même chose à propos de champs aux objets spécifiques, cet homme toujours sulfureux n’avait que dégoût pour la poésie !
On se souvient de ses polémiques avec André Breton à propos du surréalisme, de l’accusation d’idéalisme qu’il lui portait alors et de son livre de 1947, Haine de la poésie.
Mais on avait peut-être oublié l’épisode de Carpentras entre mai 1949 et juin 1951, années durant lesquelles, Georges Bataille, bibliothécaire à Carpentras, renforcera ses liens avec René Char, liens datant de 1946 alors que dans la revue IIIème convoi, il dédie à René Char sa suite d’aphorismes, Apprendre ou à laisser.
On avait peut-être oublié cet Archangélique que Bernard Noël nous avait donné à lire en 1967 au Mercure de France et qu’il reprend aujourd’hui dans la collection Poésie/Gallimard, augmenté « d’autres poèmes » et d’une préface, Le bien du mal, si éclairante à partir de la lumière qui émane des questions qu’il nous offre à méditer, la moindre n’étant pas que « la poésie (soit) le contraire de ce qu’annonce le mot qui la désigne » !
On avait oublié que cette expression si souvent citée aujourd’hui encore, Georges Bataille l’avait très vite trouvée obscure. C’est que c’est moins le poème qu’il entendait contester – poème en lutte contre lui-même, sacrifiant ce qu’il pourrait y avoir de poétique en lui – que cette tentation du lyrisme où il est toujours menacé de se complaire ; aussi il lui substituera, quelques années plus tard, en 1962, le titre « L’impossible », manière de faire signe vers « ce qui restera hors d’atteinte », hors explication, irreprésentable et qui cependant reste l’orient de toute littérature et de cette poésie qui est « le contraire de ce qu’annonce le mot qui la désigne ». Révolte dans la langue à partir du désir et de la mort en vue d’une vérité qui serait « représentation de l’excès ».
Or l’excès n’est pas médiatisable. Il ne saurait loger dans les mots. Les articulations du langage les assèchent. Les poèmes de L’archangélique sont marche forcée dans l’impossible. Déchaînement, délit, crime : « le couteau du boucher dans la langue (belle, noble, élevée), écrit Michel Surya dans son Georges Bataille, la mort à l’œuvre (Gallimard, 1992).
A la voie icarienne surréaliste, à son « signe ascendant », Georges Bataille oppose le creusement de la « vieille taupe » entre pierres, racines, vieux os et vers. Là où ça peut germer !
D’aucuns saluaient en l’animal aveugle, la révolution.
C’était hier . Et c’est demain !
(article paru dans le Patriote Côte d'azur du )
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13/12/2008
Balise 37 - S'entretenir
N'oubliez pas Le quart livre! N'oubliez pas à propos des "paroles gelées" ce que Pantagruel répondit à Panurge: "Donner parolles estoit acte des amoureux"!
19:35 Publié dans Balises | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, poésie
Voix du Basilic - 28 entretiens conduits par Alain Freixe
Dans leur collection Voix d'écrits, les éditions de l'Amourier viennent de faire paraître ces Voix du Basilic. Il s'agit de donner à lire les entretiens qu'en l'espace de 10 ans j'ai pu mener avec 28 auteurs des éditions de l'Amourier:
Olympia Alberti, Marcel Alocco, Marie Claire Bancquart, Jean-Marie Barnaud, Daniel Biga, Serge Bonnery, Michel Butor, Michel Cosem, Daniel De Bruycker, Charles Dobzynski, Colette Deblé, Sylvie Fabre G., Claudine Galea, Michaël Gluck, Bernadetre Griot, Werner Lambersy, Henri Maccheroni, Jean MailIanJ, Anna Prucnal, Marcel Migozzi, Martin Miguel, Raphaël Monticelli, Bernard Noël, Florence Pazzottu, René Pons, Leonardo Rosa, Paolo Ruffilli, Fabio Scotto, Michel Séonnet, Yves Ughes, Martin Winckler.
On peut commander l'ouvrage (25 euros) sur le site des éditions : amourier.com
Pour ceux qui l'ignoreraient le Basilic est la gazette que publient 3 fois par an l'Association des Amis de l'Amourier. Ces 8 pages sontdiffusées à 1800 exemplaires en France et à l'étranger. Animal mythologique, plante méditerranéenne, que sais-je encore...notre Basilic est mode d'approche de ce qui est en jeu dans la littérature et la poésie, espaces de vie, d'expression et d'expérimentation. Si vous souhaitez le recevoir, envoyez vos adresses postales à mon adresse mel.
19:04 Publié dans Du côté de mes publications | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie
10/12/2008
Lu 31: Gaston Puel - L'âme errante et ses attaches
L’âme errante fut publié au Dé bleu en coédition avec Le Noroît en 1992. Dans L'âme errante & ses attaches que publie quelques quinze ans plus tard les éditions de l'Arrière-Pays (15 euros), Gaston Puel revisite son ancien livre et hormis quelques corrections de détail, une suppression ou autre, rien de bien notable.
Rien, sinon notre joie de lecteur de retrouver un texte aimé. Et le voir repris par son auteur comme amoureusement c’est en soufflant qu’on ravive les couleurs d’un objet aimé qu’on croyait perdu et qu’on retrouve d’une manière inattendue.
Rien de notable donc. Si ce n’est, et c’est l’essentiel, que l’homme-de-Veilhes a touché à sa composition. L’architecture du livre en est changée comme l’indique avec justesse le titre. Gaston Puel a regroupé dix-neuf poèmes de son livre de 1992 pour en faire « dix-neuf attaches » autant d’agrafes pour cette « âme » qui entre mémoire et parole demeure « errante ».
A la vilaine voix qui dirait que finalement il n’y a rien là de nouveau, j’opposerai la protestation de Pascal affirmant haut et fort « mais la disposition des matières est nouvelle ! ». Il est vrai que cela change tout !
Cette nouvelle économie du texte mais en évidence ces dix-neuf poèmes non seulement comme ensemble qui donne sens à ces fines terres des poèmes qui les précèdent, ensemble divisé en trois parties : « L’invivable ; La vie émiettée ; La nuit plus loin ». Mais encore comme ce qui nous attache au monde jusque dans sa finitude, qui nous assure de notre « lien mortel » avec la terre dans toutes ses déclinaisons, ainsi retrouve-t-on les figures aimées du scarabée, du rouge-gorge ; du merle ; des ormeaux, des collines… Et enfin comme ce qui met en évidence ce vent du désir, « souffle d’énigme et d’évidence » qui vient raviver le texte jusqu’à le rendre à sa fraîcheur première.
Dès lors que peut-on faire d’autre que d’accepter ce remuement auquel il se prête ? Je suis heureux de retrouver la poésie de Gaston Puel sous sa forme d’ « art des nuages », métaphore d’une création sans clôture, sans fin ni finalité, ouverture sur l’ouvert et n’en désignant jamais que l’ « insaisissable présence ». Ce vent de poésie pousse au devenir, à la série infinie de transformations infinies, élan perpétuellement renaissant.
Il faut lire Gaston Puel comme il regarde les choses du monde - le rouge-gorge, par exemple – d’un « regard vrai ». Cela « rend l’âme légère ». Revient alors l’espoir, cette « grâce de recommencer ». Et donc de poursuivre. Homme debout sous les coups du dehors.
C’est cela que l’on entend dans les poèmes de Gaston Puel, cette voix de l’espoir qui sait acquiescer au temps comme il vient, qui nous délie, nous brasse, nous fait gerbes. Cette voix de l’espoir vient d’où vient le vent et qui souffle entre les attaches que nous offre le monde, elle est l’âme errante qui hante le poème.
© Alain Freixe
20:10 Publié dans Du côté de mes publications | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, littérature