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19/05/2013

Turbulence 62- Lettre ouverte à M. Bernard Comment, président, et M. Olivier Chaudenson, directeur de la Maison de la Poésie de Paris oar Jacques Fournier

( Je relaie pour information cette Lettre ouverte à M. Bernard Comment, président, et M. Olivier Chaudenson, directeurde la Maison de la Poésie de Paris – scène littéraire écrite par Jacques Fournier
Directeur de la Maison de la Poésie de Saint-Quentin-en-Yvelines, Président de la Fédération européenne des Maisons de poésie / Réseau MAIPO )


Extrait du dossier de presse de présentation de la programmation de la Maison de la Poésie - scène
littéraire (puisque telle est sa nouvelle dénomination, dévoilée jeudi 25 avril) :
« Les écrivains ne disposent pas - ni à Paris ni ailleurs en France - d’un lieu dédié, permanent et
adapté en termes de rencontres publiques : lectures, performances, débats, présentations
d’ouvrages… ».
Au cas où le lecteur n’aurait pas bien compris dès la première phrase, vous ajoutez un peu plus loin :
« Pourtant, depuis une quinzaine d’années, la littérature est marquée par l’essor de nouvelles formes
d’expressions (…) qui nécessitent un minimum de moyens techniques et scéniques et ne peuvent ainsi
se déployer correctement faute de lieux dédiés et adaptés.»
Et encore :
« (…) aucune structure permanente n’avait jusqu’à présent pris en compte cette évolution. Cette
littérature en scène peine à trouver sa place et n’existe que de façon événementielle, éclatée et
sporadique, au gré des possibilités d’accueils. »
Comment peut-on asséner de telles contrevérités, effrontément reprises le jeudi 25 avril sur la scène
par vous-mêmes, M. Bernard Comment, récent président, et M. Olivier Chaudenson, nouveau
directeur ?
Il n’y aurait donc pas de scène littéraire permanente à Paris ni en France ?
Votre Maison est, depuis 2005, membre de la Fédération européenne des Maisons de poésie /
Réseau MAIPO dont elle fut un des acteurs de la fondation, qui rassemble quelque trente structures
pour la plupart françaises qui ont toutes mis la poésie et la présence des poètes au fronton de leurs
activités, et vous ignorez leur existence ?
Que faites-vous, Messieurs, du centre International de Poésie / Marseille ? J’ai du mal à croire, M.
Chaudenson, que vous n’avez jamais entendu parler du CIPM alors que vous êtes en charge de
programmation littéraire pour Marseille-Provence 2013 !
Que faites-vous de l’Espace Pandora à Vénissieux ?
Que faites-vous des Maisons de la Poésie de Nantes, Montpellier, Saint-Claude, pour ne citer que
celles-là ?
Que faites-vous, à Paris, , des Parvis poétiques, dans le 18e, de Textes & Voix dans le 15e
arrondissement ou de La scène du Balcon dans le 2e arrondissement ?
Que faites-vous de la Maison de la Poésie de Saint-Quentin-en-Yvelines qui annuellement invite entre
60 et 70 poètes, programme 65 à 75 dates de manifestations publiques dont 70 à 80 % consacrées à
la présence de poètes du monde ?
Que faites-vous de la Biennale Internationale des Poètes en Val-de-Marne, pourtant partenaire de la
première volée de manifestations proposées ?
Les oubliés me pardonneront, la place me manque pour tous les citer parce que la liste serait longue
qui contredit cette assertion insultante pour les animateurs de ces nombreux lieux de la vie poétique,
dont je suis.
Certes, tous ces lieux n’ont pas les moyens matériels, techniques et budgétaires que vous alloue la
ville de Paris, mais de là à nier leur existence, il y avait le pas de l’arrogance que vous avez franchi
sans sourciller et avec l’aplomb de la suffisance.
On m’arguera que votre principal défaut pourrait être celui de votre « jeunesse » dans le monde de
la poésie. J’opte plus aisément pour la volonté d’ignorance afin de se mieux vendre.
Mais à qui voulez-vous faire accroire que vous seriez la seule scène littéraire de France ? À votre
principal bailleur de fonds, la ville de Paris ? aux Parisiens ? aux spectateurs de passage ? aux poètes
eux-mêmes ? Sachez, puisque vous semblez l’ignorer, qu’ils ne vous ont pas attendus pour monter
sur une scène, seul(e)s ou accompagné(e)s d’un musicien ou un comédien.
Dans le dossier de presse, il est un deuxième point d’achoppement sur lequel je souhaiterais
m’arrêter. Je vous cite :
« (…) les auteurs seront systématiquement rémunérés pour leurs contributions et créations : avec un
minimum de 200 € pour la participation à une rencontre collective, jusqu’à 1000 € pour une création
ou une commande de lecture. Il en ira de même, bien évidemment, pour tous les intervenants
impliqués dans ces rendez-vous et créations : animateurs pour les rencontres, ingénieurs du son pour
les lectures, artistes impliqués dans les croisements et performances…».
Cette annonce relève de la démagogie la plus pure.
Si vous avez senti le besoin de cette précision, c’est peut-être que vous avez pu penser que nous
pouvions imaginer que vous ne rémunèreriez pas les artistes et techniciens !
Par contre, il n’est nullement précisé si ces montants s’entendent TTC ? HT ? bruts ? nets ? Tant qu’à
la faire, il fallait aller jusqu’au bout de l’annonce !
Amalgamant deux extraits du dossier de presse, celui cité ci-dessus et « Ce développement du « live »
(sic) en littérature est pourtant un phénomène important qui produit des effets sur plusieurs plans :
(…) en offrant aux écrivains une nouvelle source de rémunération liée à leur prestation », le rédacteur
anonyme du billet « Initiative » du Libération du vendredi 26 avril n’a pas hésité à annoncer cette
rémunération pour les poètes comme étant une nouveauté :
« La Maison de la Poésie (…) a annoncé par la voix du nouveau directeur du lieu, Olivier Chaudenson,
que les poètes y seront pour la première fois rémunérés pour leurs contributions et créations (…)
qu’on se le dise » !
C’est faire grand dommage aux deux précédents directeurs, Ms de Maulne et Guerre, que de laisser
affirmer conséquemment qu’ils n’auraient jamais rémunéré les poètes pour leur présence publique
dans les murs de cette maison ! J’espère que vous vous empresserez, Messieurs, par respect pour
l’histoire du lieu et du travail des anciennes équipes, de faire publier un démenti qui permettra de
rendre justice aux deux premiers directeurs qui, chacun à sa manière, sont loin d’avoir démérité.
Le dossier de presse se conclut par l’exposé des 42 (!) manifestations que la Maison de la Poésie
« nouvelle formule » proposera entre le 16 mai et le 20 juin, soit sur 35 jours !
Amuse-gueule de la saison prochaine pour laquelle vous nous promettez pas moins de 200 rendezvous
!
Je ne m’étendrai pas ici sur la place de la poésie et des poètes dans la programmation annoncée
jusque fin juin et envisagée pour la saison prochaine, vain et stérile débat dont chaque partie se sort
en arguant d’un côté qu’on ne sait pas ce qu’est la poésie ni ce qu’elle n’est pas, ce qui laisse la porte
ouverte à de multiples formes de créations qui entrent sans trop forcer dans le sac « Littérature » et
permettra d’afficher au fronton de la Maison « scène littéraire », certainement plus vendeur que
« scène poétique » ; de l’autre qu’on en tient à disposition de qui la veut une bonne définition, ce qui
limite les entrées mais permet de cerner l’essentiel sans éparpillement.
Chaque partie campe sur ses positions, sûre de détenir la vérité.
Le marathon va donc pouvoir commencer.
Mais, M. Chaudenson, en tant que directeur et programmateur du lieu, assurerez-vous une présence
sur chacune de ces 200 manifestations annoncées comme uniques ? Si cela est, vous risquez fort de
manquer de temps disponible pour aller voir ce qui se passe ailleurs, afin d’alimenter en personnelle
connaissance de cause vos programmes à venir, et de diversifier l’offre.
Nous ne pouvons que vous souhaiter de gagner votre pari, non pour vous, mais pour la mémoire et le
maintien d’un lieu marqué du sceau de la poésie par ses fondateurs, Ms Pierre Seghers et Pierre
Emmanuel.

12/05/2013

Pierre Michon - Hommage à Maurice Nadeau - La Quinzaine littéraire, N° spécial du 01 mai 2011

"Car le lectorat, tout comme le corps des écrivains, est traversé par la lutte des classes"

par Pierre Michon

« Nos choix sont plus nous que nous » : c’est cette phrase de Suarès que Maurice Nadeau a mise en exergue à Grâces leur soient rendues, son livre de souvenirs littéraires. Eh bien ce qu’il nous a appris surtout, c’est à choisir. Ce qu’il m’a appris plutôt, pour ne pas généraliser. Et là je suis obligé de parler de moi, qui ai eu vingt ans en 1965 : un demeuré de la campagne sans bagage d’aucune sorte, sorti d’un internat dans un lycée reculé, débarquant dans une fac de province avec quelques velléités littéraires, mais d’une inculture crasse et ne bénéficiant de personne pouvant ressembler à un mentor. Comme ce jeune homme était ombrageux, qu’il s’était bricolé avec des auteurs à la mode trente ans plus tôt un panthéon peu original, il était désorienté et pour tout dire perdu. Les nantis et khâgneux qu’il fréquenta le lui marquèrent sans détour. Il lui fallait trouver quoi lire, c’est-à-dire quoi élire, et vite, pour ne pas passer définitivement à côté. Les revues me furent vite un recours, car les revues trient, choisissent. Mais leurs hiérarchies ne se recoupaient pas. Les choix tout politiques et stratégiques des Lettres françaises et des Temps modernes me rebutèrent vite. Les codes grands-bourgeois qui présidaient en sous-main aux choix de la NRF me passaient au-dessus de la tête. Bien sûr il y avait le merveilleux Tel Quel : mais c’était pour les normaliens, les grands nantis de la lettre, je n’étais pas chez moi. Tous ces gens ne firent que m’embrouiller davantage. Et c’est alors que Nadeau m’a sauvé la vie – enfin la vie… la mise mettons.

La Quinzaine semblait avoir pour devise la phrase de Pound : « Etudier la littérature, c’est se livrer au culte des héros. » On y expliquait, certes, mais surtout on y admirait, l’enthousiasme si naturel aux jeunes gens y était dans son pays. Je voyais élire sur le vif les héros qui seraient les miens, Beckett, Lowry, Borges. L’enthousiasme – mais aussi la malice, le sourire en coin de qui vient de loin et s’en souvient : Nadeau est le fils de Zilda Clair, qui ne savait pas lire et faisait des ménages. Cela je ne le savais pas, mais je le sentais bien, c’était à son insu dans ses textes et dans ses choix, et cela me parlait directement, à mon insu : car le lectorat, tout comme le corps des écrivains, est traversé par la lutte des classes. Nadeau avait pris sur lui, opiniâtrement, d’être à la fois un aristocrate des lettres et un prolétaire fidèle à lui-même. Il m’a ouvert la route.

Je lui ai peu parlé, il m’intimide toujours. Mais c’est ce double visage que j’ai vu chaque fois : une brusquerie, une franchise sans apprêt, qui est aussi bien celle du duc de Guermantes que celle du métallo. La dernière fois, c’était peu après le succès des Onze, à une table commune. Il ne me parla guère, mais soudain il me dit, avec son tutoiement guermantien, tendre et moqueur : « On devrait te couper la tête. » Voulait-il me dire que j’étais passé un peu trop dans le camp des aristos, que j’avais oublié que j’étais un fils de Zilda Clair ? Comme il vivra cent vingt ans, il aura tout le temps de me l’expliquer, si je suis encore de ce monde.


©Pierre Michon


Première mise en ligne le 21 mai 2011

© Pierre Michon _ 8 mai 2013

 

Turbulence 61 - La quinzaine littéraire en danger!

En grande difficulté financière, La Quinzaine littéraire, fondée en 1966 par Maurice Nadeau, lance un appel à ses lecteurs, ses collaborateurs mais également à tous ceux qui ont croisé, un jour ou l'autre, cette publication bien connue des amoureux de la littérature.

Je relaie très volontiers l'appel lancé par maurice Nadeau.

 Vous ne laisserez pas mourir la Quinzaine !

par Maurice Nadeau

 C’est de mort, en effet, qu’est menacée La Quinzaine littéraire : pas dans six mois, pas dans un an, comme elle l’a souvent été durant les 47 années de son existence, mais dans les semaines qui viennent. Liquidation judiciaire ou dépôt de bilan, suspension de la parution.
Rien d’étonnant dans la situation actuelle de la presse écrite, rien d’étonnant pour un périodique qui n’a jamais voulu se mettre « au goût du jour ».
En effet, depuis 1966, La Quinzaine littéraire n’a cessé de défendre une certaine qualité de l’écriture et de la pensée, et de privilégier la lucidité dans tous les domaines du savoir. Et cela grâce au concours de plus de 800 collaborateurs : écrivains, universitaires, journalistes.
Allons-nous nous laisser faire et voir disparaître le journal ?
Notre conseil juridique propose une solution qui permet à notre société, la SELIS, et à La Quinzaine, de poursuivre leur activité. Elle a fait ses preuves chez d’autres médias. Elle consiste en la création d’une société participative comportant deux collèges (l’un regroupant les lecteurs et amis de la Quinzaine, l’autre les collaborateurs) pour recapitaliser la SELIS. Par l’intermédiaire de cette société, chacun – ami ou écrivain collaborateur – pourra devenir actionnaire et propriétaire de « son » journal.

Cette proposition a notre agrément. Elle va dans le sens des convictions d’indépendance que nous avons toujours défendues depuis 1966. Il reste à la mettre en œuvre. Pour nous aider dans cette tâche, nous avons reçu le soutien d’un homme de presse, Philippe Thureau-Dangin, ancien président de Courrier international et de Télérama.

Cher lecteur, cher collaborateur de La Quinzaine, le temps presse. Nous comptons sur votre participation, sur vos initiatives pour faire connaître La Quinzaine, sur votre dévouement pour l’aventure intellectuelle et littéraire qui est la nôtre. La vôtre.
Dès à présent, pour manifester votre soutien à la société en cours de formation, vous pouvez vous rendre sur le blog de soutien au journal* qui sera prochainement en lien avec la plateforme de financement participatif en ligne ou bien envoyer un chèque à l’adresse postale du journal** à l’ordre de la « Société des collaborateurs et lecteurs de La Quinzaine littéraire (SCLQL) ». Le montant minimum est fixé à 100 €. Pour tout versement inférieur à cette somme, vous pouvez envoyer vos dons à l’Association des Amis de La Quinzaine.***
À vous donc de prendre la parole. À vous de prouver que vous ne laisserez pas mourir La Quinzaine littéraire !
Maurice Nadeau [1]

 

* adresse de soutien : Les lecteurs de la Quinzaine littéraire
* adresse du Blog de la Quinzaine : http://laquinzaine.wordpress.com/
** SCLQL, 135 rue Saint Martin, 75004 Paris
*** Association des Amis de la Quinzaine littéraire, 135 rue Saint Martin, 75004 Paris
NB. Pour s’abonner en ligne : http://www.quinzaine-litteraire.presse.fr
NB. Mail de contact : ql@quinzaine-litteraire.net

© Maurice Nadeau _ 8 mai 2013

 

[1] Ce texte sera publié dans la Quinzaine littéraire du 16 mai