19/10/2009
La solitude de la fleur blanche d'Annelise Roux lu par Marie Jo Freixe
Une belle rencontre au dernier festival de Mouans Sartoux que celle avec Annelise Roux et son dernier roman La solitude de la fleur blanche ( Sabine Wespieser, 20 euros) . Un titre énigmatique pour un roman qu’on pourrait dire d’apprentissage puisqu’il s’agit là du récit d’une jeunesse découvrant la littérature et l’écriture tout en menant quête, voire enquête, sur ses origines familiales.Un récit foisonnant où se mêlent les souvenirs d’une famille « pied-noir » échouée dans le Médoc après l’indépendance de l’Algérie et le libre cours d’une « nostalgeria », nostalgie d’une terre que la narratrice n’a pas connue mais qu’elle invente comme l’inventeur invente ses trésors car elle est au plus profond d’elle même.
Une petite fille va grandir dans un environnement hostile à sa famille : grands-parents, parents, rapatriés sans fortune, ballottés au gré d’événements qui les dépassent, travailleurs de la terre, de celle-là comme de celle-ci, repartis dans une autre vie, essayant de se faire accepter dans des lieux qui ressemblent à ceux qu’ils ont quittés. Frustrations, humiliations, sentiment d’être rejetés, vont peser sur cette fillette trop sensible qui par amour et solidarité familiale les prendra à son compte. Si les vivants qui se demandent si souvent « comment peut-on être pied-noir ? » dressent au devant des nouveaux venus des murs d’incompréhension c’est auprès de leurs morts qu’elle va chercher refuge , faisant du cimetière de l’endroit son terrain de jeux et c’est par l’évocation de leurs malheurs et de leurs drames qu’elle tente de se rapprocher d’eux. En vain. Pour gagner leur confiance rien ne vaut,. Pas même le malheur de la perte du père dans des circonstances tragiques.
Nul dolorisme ou apitoiement pourtant, l’émotion est contenue ; l’ironie du ton ou des circonstances rapportées parvient à tenir le lecteur à distance mais en équilibre, entre larmes et sourires. Nulle volonté de règlement de compte ou de revanche non plus.
Une belle écriture, parfois proche de l’écriture poétique, une langue riche qui sait jouer avec les mots, un style brillant de quelques images bien venues…et voilà un récit qui conduit par bien des chemins, vers l’Histoire, celle des « événements »et autres épisodes douloureux de notre temps, vers la Littérature par le truchement de cette narratrice boulimique de lecture depuis son plus jeune âge qui va jusqu’à s’attribuer pour grands-pères, Hemingway et Beckett et deviendra écrivain par tradition familiale donc …vers la Peinture également quand la réalité se décrypte devant une toile : c’est alors que se résout l’énigme du titre, dans la magnifique description d‘un tableau de Van Gogh, quelques pages avant la fin.
Annelise Roux pratique l’art de la digression avec élégance : opère des rapprochements entre personnages ( admirablement campés) et situations fictifs et ceux de la réalité; ses références sont multiples, le lecteur s’y retrouve ou les découvre, il les reçoit comme autant de signes d’invitation à entrer dans une famille de papier, au seuil d’ un monde peut-être mieux compris et par là, en voie de réconciliation.
La rencontre fut belle à Mouans, elle est toujours possible au détour des pages de ce beau roman qui trouve sa juste place chez Sabine Wespieser dans le catalogue d’une maison d’édition exigeante et dans l’attente d’un prochain rendez-vous.
© Marie Jo Freixe
20:22 Publié dans Mes ami(e)s, mes invité(e)s | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature
Commentaires
Quel beau compte-rendu !
Il donne envie de courir acheter le livre sur le champ...
Merci Marie-Jo.
Écrit par : catherine L. | 28/10/2009
Les commentaires sont fermés.