24/05/2009
Lu 42 - Pierre Garnier par Cécile Ordatchenko
Que les éditions des Vanneaux ouvrent leur collection Présence de la poésie par un volume consacré à Pierre Garnier et que ce soit Cécile Ordatchenko, directrice de ces mêmes éditions, qui en assure la très sensible et documentée introduction est à souligner.
Pierre Garnier (1928-…), c’est une vie en poésie qui va se développer à parrtir des destructions de la seconde guerre mondiale jusqu’à celles d’aujourd’hui, une vie en songe qui s’ouvrait avec la rencontre de « la fleur bleue » de Novalis – à qui il consacrera chez Seghers un Poète d’aujourd’hui – signe et porte du merveilleux qui plus jamais ne se refermera. Ce merveilleux n’est pas celui d’une tête perdue dans les nuages mais d’un corps engagé dans le monde, sa lumière, le chant de ses oiseaux, ses mots – « L’ornithopédie est un de mes recueils de poèmes préféré » avouera-t-il .
Ah ! les mots ! Ce sera là la grande querelle de Pierre Garnier après sa rupture avec la poésie issue de la résistance : « poésie nationale » d’Aragon et celle de ses amis de l’école de Rochefort : Bouhier, Cadou, Manoll…c’est que « le temps réclamait, exigeait une autre poésie ». Quittant le PCF, c’est chez Novalis qu’il va trouver le chemin pour poursuivre son aventure poétique. Si Mallarmé avait dans son « coup de dés » rendu aux mots leur présence : sens, son, graphisme, espace…déjà chez Novalis s’était fait jour l’idée d’une autonomie de la langue qui loin de se contenter de chanter pouvait créer des mondes nouveaux : « Il faut s’étonner de cette erreur grossière, écrivait-il, que font les gens quand ils s’imaginent parler au nom des choses. Le propre de la langue est justement de ne se préoccuper que d’elle-même. » La rencontre d’Henri Chopin en 1957 fut pour lui déterminante et l’amener à écrire en date du 30 septembre 1962 son « premier manifeste pour une poésie nouvelle visuelle et phonique » - reproduit avec bonheur en fin de volume . Parce que « le mot n’existe qu’à l’état sauvage », que « la phrase est l’état de civilisation des mots », Pierre Garnier a voulu libérer les mots. Et libérer les mots, c’est les donner à voir – et ce sera la tendance de la poésie visuelle, du spatialisme…celle de Pierre Garnier - et les donner à entendre – ce sera alors celle de la poésie sonore d’Henri Chopin : « surface sur la page. Volume dans la voix ». Rappelons que « les concrets » de tous bords, géographiques comme poétiques, continuent aujourd’hui : Chopin, Heisieck, Bory, Blaine ; Pey…et Sarenco, Gappmays, Gomringer…
À côté de cette « poésie spatiale », Pierre Garnier a continué à écrire et publier des recueils de « poésie linéaire » et Cécile Odartchenko a raison d’insister sur l’importance de l’amour pour Pierre Garnier : « l’amour est rayonnant comme est rayonnant le soleil de Pierre », écrit-elle. Les lois d’amour sont pour lui lois de vie. Ce sont elles qui président à la venue des mots, aux oiseaux qui les traversent, aux vers qui planent, aux poèmes « qui se dressent parfois à la verticale comme les stèles et restent parfois à l’horizontale comme les tombeaux. »
Nous parlions du merveilleux, celui des lumières qui passent sur le monde, terminons par cet « anti-impérialisme humain » qu’est la poésie pour Pierre Garnier., poésie qui garde l’homme, dans sa dimension créative, à son horizon.
Pierre Garnier, Cécile Odartchenko, Présence de la poésie, Editions des Vanneaux , 17 euros
© Alain Freixe
10:17 Publié dans Du côté de mes publications | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie
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