Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

26/03/2007

Turbulence 11- 2007, l'année de toutes les commémorations plus celles que l'on va oublier...

C'est entendu, l'année 2007 est l'année René Char.

Mais c'est aussi l'année Maurice Blanchot. L'année André Frénaud (voir ici même en date du 21 novembre 2006 mon texte sur "André Frénaud, poète métaphysique?"). J'espère bien que nous parlerons aussi d'Eugène Guillevic. D'autres qui auraient aussi eu 100 ans cette année...

De toutes façons, le seul hommage que l'on puisse rendre à un auteur, c'est de le lire. Et peut-être même pas! Mais de le vivre, ça oui!

Souvenons-nous: "Il faut vivre Arthur Rimbaud l'hiver, par l'entremise d'une branche verte dont la sève écume et bout dans la cheminée au milieu de l'indifférence des souches qui s'incinèrent" et loin du "désert ergoteur" écrivait René Char.

Vivre, pas lire! ou plutôt vivre les mots d'un poète, cela est véritablement le lire!

Lire est du corps. Lires est du coeur. Tant lire épanouit un soleil intérieur: courage et amour, forces vitales par où de l'humain se trouve en action d'émergence, cela qui fait que la vie a un sens comme on le dit d'une route que l'on aime parce qu'elle ne promet pas le pays de sa destination, disait touours René Char.

Les poètes se lisent à coeur ouvert. À coeur battant.

Il faut emporter leurs poèmes comme le jeune pâtre Euphorbos emporte l'enfant Oedipe, tout contre son coeur, et c'est encore une image de René Char.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    © Alain Freixe                                                                                                                          

Turbulence 10 - Clermont-Ferrand-1987/2007- Vingt ans de poésie, et au-delà

Avancer dans l’inconnu

« Enfonce-toi dans l’inconnu qui creuse. »
René Char


Je reviens de Clermont-Ferrand. Invité par la Semaine de la poésie pour son XXème anniversaire, fêtant pour l’occasion son fondateur, notre ami Jean-Pierre Siméon.
Se faire passeur de poésie est affaire de patience. L’autre rive n’est jamais très visible et la lenteur préside à la traversée. Celle qui n’évite pas l’errance, les doutes, parfois même les chutes mais sait se garder de celles, mortelles, dont on ne se relève que dos maçonné et regard rayé de mauvaise nuit.
Oui Jean-Pierre a raison : « Si l’écriture du poème nous apprend quelque chose, c’est d’abord ceci : il faut du temps pour faire sens et le chemin vers le sens implique les risques du chemin, tâtonnements, fatigues, impasses, éternels recommencements… »
Oui, Françoise Lalot et sa « brigade de fées organisatrices» de la Semaine de la poésie de Clermont-Ferrand ont raison, « il faut que le chemin perdure »
Oui, nous avons raison, nous autres d’ici, Yves Ughes, Raphaël Monticelli, Jean-Marie Barnaud, sophie Braganti d’animer qui La poésie a un visage à Grasse -10 ans en 2008 ! – qui La poésie des deux rives dans les pays du paillon – 7 ans déjà ! – qui les Rencontres des Ecritures Poétiques et leur Lézard amoureux – www.ac-nice.fr/daac/lézard -qui le printemps des poètes à Nice, avec tous ceux enseignants, poètes, bibliothécaires, éditeurs, artistes, enfants, adolescents, élus, bénévoles... dont le compagnonnage est nécessaire pour que rencontrer la poésie d’aujourd’hui, cette langue qui ne se soumet pas à être privé de sens, soit possible de la maternelle au lycée et plus généralement,  dans les institutions et la cité.
Je reviens de Clermont-Ferrand . Encore une fois émerveillé par le travail des enseignant(e)s, leur disponibilité,leur générosité,  leur inventivité pour que nos textes parlent, étonnent, émeuvent les enfants de la maternelle au CM2 comme en cette école d’Orbeil ou dans ce collège Audembron de Thiers ou le bien nommé Baudelaire de Clermont-Ferrand avant de rencontrer les PEC2 de l’IUFM d’Auvergne pour un échange de plus de deux heures sur la poésie, l’écriture, la poésie, sa transmission, le livre d’artiste.
medium_Clermont-20_ans.jpgJe reviens avec le livre des vingt ans édité par la Semaine de la poésie ( prix 10 euros, IUFM d’Auvergne, 36 Avenue Jean Jaurès, CS 20001, 63407 Chamalières cedex)magnifiquement titré Que l’éclair nous dure. Vous y trouverez les courts textes des intervenants de cette année : Marc Blanchet ; Louis Dubost ; Chantal Dupuy-Dunier ; Jean-Pierre Farines ; Alain Freixe ; Albane Gellé ; Jacques Jouet ; Christiane Keller ; Hervé Le Tellier ; Philippe Longchamp ; Jean-François Manier ; Nimrod ; Jean-Baptiste Para ; Emmanuelle Pireyre ; Thierry Renard ; Marie Rousset ; Valérie Rouzeau ; Alain Serres ; Jean-Pierre Siméon ; Claude Vercey.Pensant à René Char, qui s’inquiétait de l’avenir de la rencontre dans lces très beaux bandeaux de « Claire » (La pléiade, p.654/655), repensant à quelques rencontres marquantes,  j’ai donné comme titre à mon texte :
 
Gardez-nous la rencontre !

À Eliot,
Aux femmes et aux hommes – jeunes encore ! - que j’appelais – Dix ans déjà ! – les enfants-du-pied-des-tours de la ZEP La Charme,




    À mon sens, l’immense mérite de cette Semaine de la poésie est de donner chance à la rencontre.
    Seule, la rencontre est fécondante. Son « angle fusant » ne se résume ni dans la présence du poète, cet intervenant extérieur supposé en savoir plus que les autres sur ce dont il s’agit , dans une classe, ni dans la manière dont cette classe a été préparée par l’enseignant. Encore que pour se rencontrer, il convient que l’on se soit donné rendez-vous et quelque peu apprivoisé, et en ce sens le travail de l’enseignant est tout à fait important - Dirais-je qu’au cours de mes nombreuses interventions, au fil des ans, il n’a pratiquement jamais été pris en défaut? - Il lui appartient de préparer la venue du poète, de soigner cette attente, de la nourrir et la creuser d’interrogations, de lectures, etc...
    Mais, ce qui importe ce n’est pas encore cela. Ce qui importe ce n’est ni le poète, ni la classe elle-même, mais leur rencontre, soit cet entre-deux, cette dimension à chaque fois neuve et inouïe d’un je et d’un tu, cet espace tiers entre un toi et un moi, espace autre par où passer est possible.
C’est dans cette rencontre que je définirais volontiers par ses qualités, soit ce sens des entours - timbre, tons, résonances, couleurs... - que se joue la transmission.
Et n’est -ce pas de cela dont il s’agit dans cette Semaine de la Poésie?
Ne s’agit-il pas d’être des passeurs de poésie?


    



24/03/2007

Madame de Clermont-Ferrand rencontrée le 20 mars 2007 vers 17h50 en descendant de l’IUFM d’Auvergne

à Isabelle Brun Lacour,

« Madame a établi son salon de coiffure sur les pentes d’un volcan. Toute occupée à tresser vent , neige et froid, elle permanente et plisse au noir le ciel dans de blanches bourrasques.Sur ses lèvres, le rouge de quelque oiseau passe. Reste d’un poème abandonné à l’air. »

© Alain Freixe 

Madame des saponaires

Pour le XXXème anniversaire de la revue Esquisse




1-
Les hautes herbes cachaient l’eau. Un grand jour jetait le ciel dans le cœur lyrique de ses nuages. Son insurrection courbait les fleurs de savon. Madame des saponaires savait se faire attendre. La ralentie de sa venue faisait vibrer son absence. Et les mains se signaient à même leur désir.

2-
L’eau de pluie fait poussières des fleurs pour un poudroiement où ma sœur Anne ne voit rien venir.

3-
Dans les gouttes d’eau, Madame s’épuise. Dans leur tombée de nuit, Madame fait sienne cette tendresse qui vrille le cri des hommes. Sablier retourné, le temps y luit en retenant son souffle. Le parti de l’asphalte est en route.

4-
Madame pèse autant que la fumée qui brûle ses volutes au jaune des ampoules. Elle abandonne ses mains ivres aux bras d’un ciel bouleversé.

5-
Que Madame soit du côté des fantômes où se perdent les visages est-ce vérité de ce temps ? Les saponaires rythment le bruit de l’eau à nos pieds nus. Langue filée du ruisseau. Voix du jour.


© Alain Freixe

Lu 11 - René Char, Lettera amorosa



medium_lettera_amorosa224_-_copie.jpg« Marcheur puissant » aux « poudreuses enjambées » capables de « (lever) un printemps derrière elles », c’est sur les mots que marche René Char qui « savent de nous ce que nous ignorons d’eux ». Ainsi des chemins – les vrais, les libres . Ainsi « (errons-nous) autour de margelles dont on nous a soustrait les puits ». Oui, des mots manquent. Mots de passe pour le réel tandis que la parole de poésie reste là à disloquer la réalité de la langue pour laisser battre quelques portes. Il y a dans cette tension, cette énergie qui traverse et tient les mots du poème dans l’ouvert, cette violence retenue du poème comme la ligne de vol de toute caresse, comme le mouvement même de l’amour : amour de la langue, amour d’une terre, amour de la femme.
C’est ce mouvement là qui anime cette Lettera amorosa que nous donne à lire aujourd’hui Poésie/Gallimard. L’érotique est ici éthique de la parole. Femme et langue sont là comme absentes. La langue parce que reclose sur elle-même, figées dans ses notions prédéfinies. L’écriture de Char l’attaque, la malmène jusqu’à l’ouvrir sur cette jouissance secrète qui s’accomplit en un « merci » par lequel le poète donne congé à sa « fleur de gravité », « iris d’Éros, iris de Lettera amorosa ». Celle qui continue à « (accompagner) le retour du jour sur les vertes avenues libres. »
Cette édition présente l’intérêt de nous offrir non seulement les deux versions du texte, celle de 1952 sous le titre de Guirlande terrestre et celle de 1964 parue dans l’anthologie Commune présence, qu'on trouvera également dans la collection Poésie/Gallimard, mais également la reproduction des 16 collages de Jean Arp qui accompagnaient la première version et les 24 lithographies de Georges Braque qui allaient l’amble avec la deuxième. Quand on sait combien René Char fut attentif à ceux qui furent ses « alliés substantiels », ces peintres qui à l’instar de Picasso en 1939 lui offrirent – et continuent à nous offrir – « mille planches de salut », on mesure l’importance du dialogue ici offert.

© Alain Freixe

11/03/2007

Balise 14

 ( Quand le printemps n'est pas la cinquième saison. Celle qui opère syncope dans la quaternaire. Et brise le cercle des saisons. Leur ronde. Quand il n' est pas bris de clôture, déchirure, clé des champs sous les nuages.Alors...)
 
« À chacun sa saison maléfique (« je hais l'été qui me tue» écrit quelque part Rimbaud). Pour moi, c'est le printemps qui me mine et me désunit de fond en comble : l'aigre printemps de France, acide, mordant, quinteux, giflé de grêle et d'orages. Ni la débâcle sauvage de la vie au travers des eaux et des airs qui est le printemps du Canada, ni la tiédeur fleurie des collines de l'Ombrie ou de la Galilée, mais seulement un entre-deux-gelées balayé de grains cinglants, le culte du printemps est en France un stéréotype d'emprunt, un implant pur, en milieu étranger, de la poésie de l'Antiquité et de la Bible. Je n'en excepte que les quelques jours de juin, juste avant la fenaison, où la terre tout entière est devenue tendrement pelucheuse, et quelques fins d'après-midi de mai couvertes où au soir tombant la pluie cesse et où une tiédeur surnaturelle qui se dilate sous le ciel brouillé me fait penser au mot d'Aragon dans Le Paysan de Paris: «J'en étais là de mes réflexions lorsque, sans que rien en eût décelé les approches, le printemps entra subitement dans le monde. »

Julien Gracq, Carnets du grand chemin, La Pléiade, T.II,p.1022/1023

23:05 Publié dans Balises | Lien permanent | Commentaires (2)