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05/07/2014

Lu 101 - Raphaël Monticelli, Mer intérieure, La passe du vent, Poésie

Mare Nostrum, la Méditerranée est notre Mer intérieure*, bleue et noire à la fois, peuplée de fortes images fémininines, ces passantes du coeur. Elle a trouvé abri dans l’anse de nos yeux comme les œuvres des onze artistes convoqués ici : Leonardo Rosa, Jean-Jacques Laurent, Fernanda Fedi, Eric Massholder, Gilbert Pedinielli, Meriem Bouderbala, Oscari Nivese, Abdelaziz Hassaïri, Anne-Marie Lorin, Martin Miguel, Henri Maccheroni. Tous vivent sur les rives de la Méditerranée : Grèce, Italie, Croatie, Provence, Malte, Egypte, Tunisie.

Mer intérieure est un rassemblement de textes écrits pour comprendre ce que les œuvres de ces artistes portent en elles de sens pour nous repérer dans le monde où nous vivons, monde mouvant, imprévisible, dangereux où rien n’est plus comme hier et où nous n’avons pas la moindre idée de ce que pourra bien être demain.

Rassemblement certes mais composé ! Mer intérieure est un livre et non un recueil d’articles. Un travail rigoureux d’articulation a présidé à son architecture dessinant comme un parcours. Ce n’est pas pour rien qu’il ouvre sur « Labia », dédié à leonardo rosa, où il est questions de Delphes, de cet ombilic aux lèvres obscures d’où sourdent d’obliques paroles pour se terminer sur cette « Ode au sexe féminin », dédiée à Henri Maccheroni, autres lèvres, « nid des murmures / la raison du savoir / l’absence première ».

Cette Mer intérieure de Raphaël Monticelli fonctionne comme une chambre d’échos, une caisse de résonance. Résonance ? Ce qui importe en poésie, non ?

*Raphaël Monticelli, Mer intérieure, La passe du vent, Poésie, 10 euros

 

 

06/12/2012

Balise 79 -

« Si, sur ce plan, ma pensée procédait de quelqu’un, c’est – elle en procède toujours – du Jean-Jacques du Discours sur l’origine de l’inégalité et du contrat social. Il n’y avait déjà pas de cris de meute qui pût la faire dévier. Rousseau : je me dis même que c’est sur cette branche, pour moi la première jetée à hauteur d’homme, que la poésie a pu fleurir.»

André Breton, entretiens avec André Parinaud

Lu 86 - Commémorer rousseau

Rousseau, la passe du vent« Nous approchons de l’état de crise et du siècle des révolutions », c’était dans l’Emile en 1762 que Jean-Jacques Rousseau écrivait cela. Il y a 350 ans…Comment ces mots ne trouveraient-ils pas à résonner à nos oreilles d’aujourd’hui ?

Nous fêtons cette année le tricentenaire de sa naissance (c’était  le 28 juin 1712 à Genève. Il mourra le 2 juillet 1778 à Ermenonville), Qui commémorer : l’homme à cheval sur le XVIIIème – siècle des philosophes, de la raison comme lumière – et du XIXème – siècle de la sensibilité, du rêve, de la poésie ? Qui commémorer, l’auteur du Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, celui du Contrat social ou celui de l’Emile ou de l’éducation, des Confessions ou des Rêveries du promeneur solitaire ?

Si commémorer a un sens il ne saurait consister à s’extasier d’un passé révolu mais au contraire à lutter contre le temps des mémoires courtes, des temps précipités et donc à jeter l’ancre dans un passé pour y chercher assiette pour y voir ces questions dont il y a toujours à se nourrir, questions comme autant de forces qui veulent l’avenir, lancent leurs germes au loin. Tel est Rousseau qui de lui-même écrivait dans ses Confessions : « vivant ou mort, il les inquiétera toujours » !

Il faut lire, relire Rousseau précisément parce qu’il échappe à toute prise tant son souci de la vérité tient perpétuellement ouverte sa conscience. Là est sa posture.

Oubliés les jugements de Voltaire, Châteaubriand, Lemaïtre…oubliées les fausses querelles. Il y a une modernité de Rousseau, elle concerne aussi bien la société que l’individu. Il est celui qui ayant déclaré la souveraineté du peuple inaliénable a placé au cœur de tout régime démocratique le ver de la contestation radicale. Et parce qu’il est celui dont l’œuvre, les pensées sont toutes tirées de la vie, comment ces pensées ne retourneraient-elles pas à la vie pour s’insurger toujours contre tous ces primats qui nous assèchent corps et âme, primats économiques, financiers, terreau de toutes les injustices et les misères des hommes.

rousseau,la passe du ventJ’ai tardé ,certes. Je tarde souvent. Mais je ne voulais pas laisser passer cette occasion fournie par le calendrier pour signaler les publications des éditions de La passe du vent  (Espace Pandora, 7 place de la paix, 69200 Vénissieux). D’une part, la réédition de son Essai sur l’origine des langues précédé d’un texte d’Abraham Bengio, un frère en humanité. Cet essai, écrit posthume et inachevé de Rousseau fournira matière aussi bien à Michel Foucault qu’à Jacques Derrida dans leur approche des questions touchant la parole et l’écriture. On a là en effet une réflexion très neuve qui valorise l’écriture et la disqualifie à la fois, qui en même temps qu’elle détruit la présence la réhabilite dans la mesure où elle promet la réappropriation de ce que la parole passant par le froid de l’écriture a perdu. Et d’autre part, un livre original Rousseau au fil des mots, 10 mots, 10 écrivains, 10 citations. Ainsi à partir des 10 mots proposés par « la Semaine de la langue française et de la francophonie : dis-moi 10 mots qui te racontent », - âme, autrement, caractère, chez, confier, histoire, naturel, penchant, songe, transport, envoi - 10 écrivains – Pierre Bergougnioux, Sylvie Fabre G., Philippe Lejeune, Emmanuel Merle, Samira Negrouche, Maya Ombasic, Marc Porcu, Jean-Pierre Siméon, Valérie Staraselski, Patrick Vighetti – présentent leur Rousseau.

Pour moi, j’en resterai à ces mots d’André Breton : « Si, sur ce plan, ma pensée procédait de quelqu’un, c’est – elle en procède toujours – du Jean-Jacques du Discours sur l’origine de l’inégalité et du Contrat social. Il n’y avait déjà pas de cris de meute qui pût la faire dévier. Rousseau : je me dis même que c’est sur cette branche, pour moi la première jetée à hauteur d’homme, que la poésie a pu fleurir.» et à cette invite : lisez Rousseau !