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12/07/2012

In Memoriam Bernard Mazo

Au moment où j'apprenais la mort de Bernard Mazo - en ce 07 juillet 2012 - une hirondelle "(rayait) la grande poésie,in memorian,bernard mazovitre bleue du ciel", ici, dans mes montagnes.

Très vite, j'ai repris les notes de lecture que j'avais ecrites sur le poète discret qu'il était, le plus souvent au service des autres, toujours soucieux de transmettre cette poésie qui devait lui permettre de toujours  mieux vivre. J'ai retrouvé son rêve: "n'être plus / désormais / que le vol furtif / de cette hirondelle /  rayant / la grande vitre bleue du ciel."

Voilà que c'était fait!

Je redonne ici en hommage la note de lecture que j'avais consacrée à La cendre des jours paru en aux éditions Voix d'encre avec des lavis d'Hamid Tabouchi:

"Poète, on sait Bernard Mazo homme de patience. Sa lenteur à publier – son dernier livre, Cette absence infinie, au Dé bleu, date de 2004 – est veille obstinée sur la langue et souci de composer non un recueil mais un livre, bâti comme on choisit les pierres du mur que l’on entend dresser moins pour séparer que pour pouvoir retenir les terres et s’adosser à lui afin que file, libre et tranquille, le regard. Au loin.

Armé, ce livre l’est d’abord par les toujours belles reproductions auxquelles Voix d’Encre nous a habitués dans toutes ses productions – Ici, ce sont des lavis d’Hamid Tibouchi dont les tons grisés de mousseuses écumes font vibrer les noirs – ensuite, par les paroles choisies par Bernard Mazo d’Héraclite à Yves Bonnefoy qui ouvrent les différentes sections de cet ouvrage. Lavis et citations sont moins clés qu’armure, et qu’on veuille bien entendre ce mot en son sens musical comme ce qui détermine la tonalité d’une partition.

J’aime la posture de Bernard Mazo, j’en partage la cambrure, c’est celle qui pose en ouverture : « l’espoir est une veilleuse fragile », poème qui « sur cette terre vouée au désastre », « au cœur de la nuit carnassière » lève haut l’endurance de l’homme à tenir comme chance à venir : « nous tenons nous résistons / nous nous arc-boutons / contre vente et marées » à partir de « l’ombre désespérée de la beauté » qui traverse les mots du poème. Les redressant, ils redressent les hommes que nous nous efforçons de toujours plus devenir. « Désespérée » car « le poème / ne peut se fonder / que sur ce qui est / condamné à mourir ». C’est qu’en effet le monde se défait comme travaillé par les forces du déclin. Nous voyons cela. Aussi ne pouvons-nous que tenter – Et c’est toujours à reprendre, à recommencer. C’est pourquoi Bernard Mazo avoue : « C’est toujours / le même poème imparfait / que j’écris et réécris «  - de « nommer ce qui va s’effacer », cette « insaisissable beauté / du monde », soit cela qui nous saisit, nous transit, avec quoi nous fusionnons dans l’instant, cette « inespérée » qui ne cesse de se défaire dans les mots qui prétendent articuler sa présence.

Le poème qui, pour Bernard Mazo, « n’est pas / seulement / le poème / mais la mémoire / préservée / du monde », est cendre où il y a de quoi protéger pour qu’elle dure, la graine du feu.

Bernard Mazo ne pousse pas la voix, ne hausse pas le ton. Il va inquiet et fragile, avec simplicité, amant définitif de la poésie qui à ses yeux reste « la seule à (inscrire) / dans la chair des vivants », « la seule trace durable », celle de « l’obscure rumeur du temps » comme de « l’éblouissement / du premier matin. »

Traverser le monde, traverser la langue, sans « (réveiller) les dieux », sans « renoncer » même si « la vie / nous oppresse », en résistant à tout ce qui nous défait, en espérant « trouver / la parole juste / pour pleinement / exister / combler / le manque / ressusciter / la respiration légère / des choses », c’est traverser certes un champ de ruines mais au moins celui-ci est-il « un labour ensemencé », selon les mots de Jacques Dupin, prêt, dans l’attente de la rencontre avec « l’absente », « l’inespérée », « bel oiseau frémissant / que la beauté foudroie ».

Bernard Mazo l’appelle « Poésie » !"

 

Commentaires

Saluons en effet ce compagnon de route, il le mérite bien.

J'ai fait un peu comme toi, rassembler : non pas seulement les souvenirs, mais les écrits qu'il nous a donnés. Cela donne l'I.D n° 402 sur le site www.dechargelarevue.com

Bien cordialement,

Écrit par : claude Vercey | 16/07/2012

Mon absente
toi qui fus l'unique
dans l'incandescence de l'été

Je sais que tu me cherches
que tu me parles
à travers les décombres de la mémoire

inaltérable dans le vent
qui chante ta beauté indestructible...

Bernard Mazo

poème manuscrit
in Visages de Poésie tome I
Anthologie Jacques Basse
Rafael de Surtis Editeur
2009

Écrit par : jj dorio | 16/07/2012

Je découvre, ce 26 juillet, la mort de Bernard Mazo. Je suis un de ces nombreux poètes et passeurs de poésie qu'il n' a eu de cesse d'encourager, d'accompagner fraternellement, en compagnon modeste plus qu'en donneur de leçons. Je le revois lors du récent Marché de la Place Saint Sulpice : nous avons bien ri, nous avons fait des projets : il devait m'envoyer à la fin de l'été des textes pour Ecrit(s) du Nord, comme il l'a souvent fait... Il n'y a rien à dire que notre simple tristesse humaine.

Écrit par : Jean Le Boël | 26/07/2012

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