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11/10/2007

Vient de paraître : Alain Freixe - Dans les ramas

1c4415c33e4d90bf1ebc93b9f50901c9.jpgAux éditions de l'Amourier, route du col Saint Roch, 06390 Coaraze vient de paraître dans la collection Grammages (19 euros) mon troisième livre après Comme des pas qui s'éloignent (1999) et Avant la nuit (2003). Je l'ai intitulé Dans les ramas.

J'ai demandé à mon amie Anne Slacik de m'accompagner au moyen d'un frontispice. Plus tard dans un1914af1924050320686b7f0295e7dd94.jpg tirage de tête.

 

 

 

 

J'ai risqué le mot « ramas » pour aller contre le sens péjoratif qui s’attache aujourd’hui à l’idée de « ramassis », amas informe, tas et pour valoriser au contraire l’idée d’ajustement qui préside à cet art de confectionner ces fagots de bois tombé à partir des brisées abandonnées au sol soit par les vents et les orages, soit par les bêtes de la nuit en leurs passées et qu’on laisse en forêt au pied de quelques arbres.

 

Ce sont ces ramas qui permettent de démarrer tous les feux. Ceux tournant des livres aussi.
Histoire de faire signe vers ce bois partageable qui attend en nos forêts et sur lequel aucun pouvoir n’a de prise. Ici donc cinq ramas, passeurs de feu, de silence, de sens. Qu’un vent tisonnier avive.

 *

Extrait de la note de Jean-Marie Barnaud mise en ligne sur le site remue.net:

On ne progresse pas, en écriture: on endure une expérience qui, peu à peu, apprend qui l'on est. Appelons ce creusement une fidélité, et acceptons qu'il donne quelque chose d'autre encore à endurer, s'il est vrai que le poème ne prétend à aucune solution mais enseigne simplement l'évidence d'une sorte de cogito de l'énigme. Le poème ouvre la parole à toujours plus d'incomplétude, en effet, à plus d'incertitude, dès lors qu'il se refuse aux plaisirs esthètes et qu'il accueille et fait entendre l'inquiétude d'une voix qui habite et interroge ses apories.
Je me suis redit cela, lisant ce dernier livre d'Alain Freixe, et y retrouvant une telle inquiétude dans le frémissement si particulier que procure chez lui la rencontre du halètement des phrases, de leurs coupes brutales, de leurs intermittences, avec la surprise d'images violentes ou complexes, et que soutiennent plus particulièrement tout au long de ce texte-ci le jeu insistant de couleurs opposées (...) 

*

On lira une présentation et quelques larges extraits de Dans les ramas sur le site de l'écrivain Claude Ber: http:/www.wmaker.net/claudeber2/

Turbulence 16 - Contôle génétique, contrôle inique

À contrôler, à manipuler les corps, à les réduire toujours plus à leur pure et simple dimension biologique, à prétendre retrouver le gène pour accéder à la bobine du fil de la filiation - Clotho doit en perdre la face! - c'est perdre 'l'homme comptant pour homme" , dont parlait Henri Michaux dans Epreuves, exorcismes.
Nous le savons, tout ce qui ne concerne apparemment que le voisin de pallier et qui ne semble pas nous concerner aujourd'hui, nous concernera demain. Les citoyens sont l'horizon des dispositifs que l'on veut appliquer aujourd'hui aux étrangers.
Le Conseil Consultatif National d'Ethique a raison: "la filiation passe par une parole, un récit". L'humain, cette chance qu'est tout homme, passe par le poème, ultime rendez-vous des hommes libres. Oui, en mars, durant ce Printemps des poètes 2008, nous ferons "l'éloge de l'autre" et de cet autre en nous, sujet à inventer! 

10/10/2007

Lu 16 - X fois la nuit de Patricia Castex Menier

847c53cedcfe6f6221ead8f3947678bf.jpgLa nuit est sur les noms. C’est le silence d’un trou autour duquel rôdent les noms du jour. Patricia Castex Menier la nommera tour à tour : « l’intime (…) la compacte (…) la perspicace (…) la visiteuse (…) la fraternelle (…) la / bienveillante / la bannie (…) la reculée / la séculaire (…) » X fois, comme en son titre, elle est celle qui échappe à la nomination. Et telle est sa nature rêvée : « on / dit qu’elle date / d’avant le monde / précéderait les dieux ». Hors temps, hors pouvoir, elle est l’avant de toutes choses, le chaos. Même Zeus la craignait !

Et nous, les diurnes, nous n’aurions point peur de « la visiteuse », « avec ses airs / de grande voilée / ou / les traits familiers / d’un visage, / rongé / depuis si longtemps ». Certes, mais c’est lorsqu’elle se ferme. Bouche scellée. Mur noir. Barrage muet. « Et l’avenir indéchiffrable », écrit Patricia Castex Menier. Alors oui, nous pouvons avoir peur.
Mais c’est mal la connaître. C’est se tromper sur sa véritable nature. Car elle est « la fraternelle » et « l’aurore / est son péché d’orgueil ». Elle sait s’ouvrir au rêve. Et préparer le jour.
Patricia Castex Menier a écrit ce texte comme la nuit tombe. Insensiblement. De coupure en coupure. Ici, matérialisées au blanc. Invisibles, dans le monde. Comme la nuit, l’écriture de Patricia Castex Menier stolonne. S’attarde. Se prolonge. S’enrichit. Vit, lançant ses nouvelles nappes d’ombres. X fois la nuit (Cheyne Editeur, 2006, 13, 50 euros), oui, car la nuit ne connaît pas de point final. Et si le jour l’élague, la relègue. Elle rôde encore en tombées, effarouchées, dans le corps de la lumière.
Si la nuit est la toujours en allet, la première et la dernière ; si elle est celle qui se retire et nous laisse signer nos drames, elle est aussi celle qui revient, « gardienne / des ruines, sentinelle du présent », celle qui « entretient le feu ».
Le livre est son semblable, écrit avec justesse Patricia Castex Menier. En effet, les livres de poésie font brèche et meurtrières. Ils éboulent les murs pour en affronter de nouveaux. Oui, c’est de mur en mur, de mur sapé en mur éboulé, que nous allons comme de passage en passage. Non pour traverser – ce serait trop dire ! – mais pour avancer dans un monde rendu un temps plus habitable.

Balise 22 - Approche de la poésie

Ces mots de Louis Aragon pour aider à faire toujours plus vaciller la définition de la poésie :

"J'appelle poésie cet envers du temps, ces ténèbres aux yeux grands ouverts, ce domaine passionnel où je me perds, ce soleil nocturne, ce chant maudit aussi bien qui se meurt dans ma gorge, où sonnent à la volée les cloches de provocation." 

22:55 Publié dans Balises | Lien permanent | Commentaires (0)

Turbulence 15 - C'était l'été (2)

Midi Noir. Après les bûchers de l’hérésie. D’autres feux, aux flammes noires, grasses et mouillées. Cet été, on a touché au livre. Au libre. Au vivre. Quelques 10000 enfants de la solitude et du silence, de Saint Augustin à Catherine millet, ont été souillés, recouverts d’huile de vidange et de gaz oîl. C’était à l’abbaye de La grasse, dans l’Aude. À l’occasion du dixième Banquet du livre dont le thème cette année était « La nuit sexuelle », référence au titre à paraître de Pascal Quignard, qui en était l’invité d’honneur.
Et nous qui pensions que notre temps n’attendait plus rien des livres ! Qu’ils n’étaient plus qu’objets de consommation, vaguement décoratifs, marchandises livrées en pâture à chaque rentrée littéraire – Vous avez-vu les chiffres de Livres-hebdo : 727 romans et 568 esais et documents à paraître entre août et octobre ! – à l’on ne sait trop quelle faim.
Eh bien – Et c’est finalement assez rassurant ! - , les livres font toujours peur!
Une force insoupçonnée les hante, celle qui interroge le monde et semant à profusion des points d’interrogation, elle nous mène sur le chemin où le comprendre reste possible. Les livres restent des lieux de reconquête. De réappropriation de soi et du cours de sa vie.
 
(Extrait de l'éditorial du N°27 de la gazette Basilic, éditée par l'Association des Amis de l'Amourier ( 5 rue de Foresta, 06300 Nice) que je préside. Diffusée à plus de 1600 exemplaires, cette gazette de 8 pages paraît 3 fois l'an. On peut retrouver mis en ligne sur le site amourier.com les 26 premiers numéros. )

Turbulence 14 - C'était l'été (1)

Parti tôt, rentré tard. C'était l'été. Roulis de pierres et de mots, sous un ciel sans voix.

Si ce n'est ces deux chemins. Le premier de René Char dans sa Lettera amorosa : "Je vais souvent à la montagne dormir. C'est alors, en vérité, qu'avec l'aide d'une nature à présent favorable, je m'évade des échardes enfoncées dans ma chair, vieux accidents, âpres tournois";  Le second de Jacques Dupin dans son poème Sang, in Dehors: "alors il va aux montagnes / de préférence; - grises / et rauques, s'aguerrir / et sa vieille torpeur mettre en pièces".

Me voilà de retour "Dans les turbulences"! 

 

Lu 15 - La mort n'est jamais comme de Claude Ber

( Aller voir dans la catégorie "Mes ami(e)s, mes invité(e)s" en date du 04/04/2007 la présentation et le beau texte que Claude Ber m'avait confié)

 

edf3fd35a8c560ae923909540339b5d6.jpgUn mot manque à la langue. Un mot qui dirait la mort. Ce trou dans le réel qui oblige ceux qui ont le vertige à bâtir des tours pour du haut tenter de dire ce qui est arrivé. Ceux-là, ceux qui restent, ceux qui déplacent la douleur dans un remuement de langue, risquant bruits et crissements, ceux pour qui « la mort n’est pas un chemin barré » selon les mots de Jacques Dupin, ceux qui mènent à chaque fois par des chemins singuliers dans les mots vers le mot qui faut, qui tentent de l’arracher à la masse des signes, à le « traduire du silence », ceux qui tentent de le serrer dans les pages d’un livre, risquant jusqu’à l’illisibilité, ceux-là sont les ami(e)s de la traversée.
J’ai rencontré Claude Ber, comme il se doit, par hasard. J’ai lu son livre dans l’amitié, cet espace où se retrouvent ceux/celles dont on comprend qu’ils sentent davantage ce que veut dire vivre en écrivant.
La mort n’est jamais comme ( Editions de l’amandier, 2006, 12 euros ) est un de ces livres importants qui mettent à mal l’objet verbal qu’ils sont pourtant puisqu’ils proviennent d’un « effondrement / affrontement de la langue dans la langue », pour dans « ce reste » qu’ils sont laisser affleurer l’acte, ce moment de l’existence en mouvement vers son sens, qui a présidé à leur mise sur pied. Ce livre de Claude Ber est un de ces livres qui sont comme autant d’essais pour passer à travers, faire clarté, faire comme un dégagement pour se donner de l’air et retrouver les oiseaux de ces « intimes croyances, de celles qui font vivre à n’importe quel prix ».
Donc la question – la seule – est de savoir comment dire ce qui excède jusqu’au langage lui-même ? Comment dire avec des mots ce qui reste hors des mots ? Comment dire la mort des êtres aimés ? Comment entrer dans les veines du noir, dans la seule nuit dont personne ne trouvera le fond, la nuit du cœur qu’il faut pourtant toucher non des mains mais avec les quelques mots qui nous restent en plongeant au plus profond de l’abîme de l’existence.
C’est à cette expérience que nous invite Claude Ber. À la déroute du comme. Ce que nous traversons dans ce livre, c’est « le déchiré de la parole », l’impuissance de « l’agrafe de l’image » pour réunir « les lobes épars d’une cervelle » et « ramener l’invivable au vivable ordinaire des jours ». Non, la poésie n’a pas ce gluant des pommades qui masquent les plaies. Non, ici, on ne fait le deuil de rien. On a beau travailler, descendre dans la soute, risquer tous les comme possibles, rien ne vient boucher le trou des questions : « comme quoi est la mort ? Qu’est-ce qui est comme la mort ? » jusqu’à l’adresse à celui/celle passé de l’autre côté : « toi qui sais à présent, dis-moi ce qui est comme la mort ? ». Claude Ber qui en découd avec la parole ne fait qu’aggraver le questionnement. Et c’est cela qui tient le livre. Cette montée dans l’obscur. Par soustraction.
Et par composition. En effet, autant Claude Ber sait prendre acte du « crack définitif du langage », mettre à leur place les « (bouées) de l’image » et accepter que le poème ne soit que « ce qui reste », « un bégaiement », autant son « effort de clarté » concerne l’architecture même de son livre. Un territoire, une tour. À tenir. Ce sont ainsi deux pierres levées – Ce qui reste et Fragments in memoriam - qui ouvrent et ferment le livre. Entre elles, 22 « bribes », chacune engageant plusieurs « découpes », soit 50 au total, comme autant de poèmes, de restes, de vestiges, voisins du fantôme, ce vêtement d’absence, garant d’une présence encore et toujours de la vie dans ses aspects les plus kaléidoscopîques.
Claude Ber mêle à une belle tension rhétorique qui vise à porter le langage au plus près de ses limites, les impulsions secrètes de l’organisme, ces mouvements qui nous pressent, nous traversent, nous déchirent. Là où cœur et chair ne s’opposent pas, dans cette zone d’avant la distinction de l’âme et du corps, prend le feu de ce rythme qui bat dans l’écriture de Claude Ber. C’est lui qui oppose les arêtes, unifie et fait tenir ensemble. Cela donne ce ton particulier qui voit Claude Ber parler ici avec des mots au « juste temps » selon l’expression de Jean-Luc Nancy, soit avec des mots qui s’ils ne disaient pas le juste (le sens correct, la vérité) disaient juste !
Claude Ber dit juste. Et dans ce suspens du sens, c’est la vie qui se rue. Ce hors-sens, ce vide s’ajoute au temps pour le faire jouer, tourner. Pour resynchroniser un compte qui manifestement n’est pas bon. Et c’est alors un oui que l’on entend. Un oui « à la vie », au « jouir », à « la chair la mer nues. Et la lumière tierce ». Décidément, le reste, ce peu, est toujours ce qui sauve !

 

Lu 14 - Mandala des jours de Dominique Sorrente

1e12187238ee097d8fdeab8e8cf789f4.jpgD’un de ses précédents livres Le petit livre de QO, paru chez Cheyne éditeur en 2001, j’écrivais que QO – Diminutif du narrateur de l’Ecclésiaste Qôhelet – était celui qui dérange. Apparaît et disparaît. Entre sans crier gare. Cet « imprévu rencontré » - C’était le titre que Dominique Sorrente avait donné en 1995 au N°109 de la revue Sud qu’il avait alors dirigé – est poésie. Cela qui s’écrit en nous dans la déroute des certitudes et des calmes.
Mais c’est ouvrir d’autres routes cela ! D’impossibles routes. Les seules aimées pourtant. Celles qui conduiraient à d’autres jours, un autre temps, à la demeure de haut et profond silence. Quelque chose comme un Mandala, cette perfection géométrique du cercle, qui reste à l’horizon d’un qui, homme parmi les hommes, reste « nu et pèlerin comme à l’heure du premier poème », un qui entend rester dans l’enfance du désir, ses énergies de feu, pour qui vivre se vit dans le risque de vivre. Oui, c’est cela que l’on ressent à la lecture de ce nouveau livre de Dominique Sorrente, après ses sept livres parus chez Cheyne éditeur et une bonne vingtaine de publications.
C’est pour cela que contre ce Mandala, je parierais pour la spirale. C’est son image qui s’impose à moi, lisant Dominique Sorrente. De nouvelles déchirures maintiennent ouvert ce quelque chose qui tourne, pars et revient, évolue et s’involue dans la poésie de Dominique Sorrente, quelque chose qui  nous fait « une clairière pour l’habitation » et qui « nous invite à tenir parole avec quelques bouts de sagesse méridienne à partager. »
Je sais bien que Dominique Sorrente a voulu architecturer son Mandala des jours (éditions PubliBook, 13 euros) selon les cinq éléments de l’antique sagesse chinoise : « bois, feu, terre, métal et eau…cinq moments. Cinq graphies » écrit-il. Mais si ce livre de poèmes est du côté du Mandala, dans sa rondeur par exemple ; la poésie, elle , est du côté de la spirale, cercle que toujours « dénoue le matin futur ». Elle est  du côté de ce qui « désoriente la braise », « disperse les cendres » et déshabitue l’œil car toujours la violence du monde fait déchirure : « ce qui se passe au loin, si près, / - tous ces anneaux de flammes - / t’empêchent de dormir », écrit Dominique Sorrente. La poésie toujours excède le poème, cette retombée transcriptive, cette traduction. C’est elle la passagère qui nous voue à la spirale. Et dominique Sorrente le sait :  « la boucle retrouvée / enjoint le jour qui s’étonne / de ne pas achever le poème ».
Reste qu’une vie qui s’est vouée à une « parole pour éveiller » se joue entre lucidité et trouble, sagesse et folie, mandala et spirale.
Reste, cela qui n’échappera à aucun lecteur, cette ferveur dans l’écriture de Dominique Sorrente. Quelque chose comme un soutien intime du vrai. Car ce n’est pas avec ses mains que l’on saisit la vérité mais c’est en parcourant la nuit où notre cœur garde les éclairs qui ont éblouis nos jours, où « le feu certain qui déroulera ses spirales n’a pas encore logé ses bruits ».
Reste cette posture du poète qu’est Dominique Sorrente : « La tâche du poète, écrivait-il dans Le petit livre de QO, n’est pas d’embellir l’instant, pas plus que de le mimer. Son plaisir et son risque seront toujours de faire route vers la source du réel où vivent nos eaux mêlées ». Celle d’ »un homme / ses deux mains fouillant un chantier / face au hoquet du ciel ».