Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

24/04/2013

Lu 90 - Bagdad Jerusalem, à la lisière de l'incendie de Salah Al Hamdani et Ronny Someck, éditions Bruno Doucey

bagdad,jerusalem,salal al hamdani,ronny someck,bruno doucey éditionsDeux hommes, deux destins. Salah Al Hamdani et Ronnie Someck sont nés la même année (1952) dans un même pays, l’Irak. Tous deux vont avoir à connaître l’exil, l’un, dans son enfance, pour Israël, sous les pressions des nationalistes irakiens ; l’autre, en 1975, en France – à cause de la lecture d’Albert Camus ! – après avoir connu les geôles du dictateur Saddam Hussein. La rencontre a lieu à Sète au cours du festival de poésie Les voix vives de la Méditerranée en Méditerranée, édition 2011. Le projet de ce livre improbable où un poète arabe et un poète israélien décident d’entrecroiser leurs écritures est né là au hasard d’une écoute et d’un partage de voix. Bagdad Jérusalem, à la lisière de l’incendie et la poésie comme lumière que portent, chacun à sa manière, selon son rythme, ces deux poètes.

Deux voix, trois langues dans ce livre, jamais la fameuse affirmation du poète allemand Paul Celan – « Je ne fais pas de différence entre un poème et une poignée de mains» - ne fut plus vraie. C’est à propos de ce genre d’ouvrage qu’on peut arriver à se dire que l’autre nom de la poésie pourrait être l’amitié, cette aptitude à tisser des liens entre les êtres et les cultures : « Tu murmures en hébreu, dit Salah Al Hamdani à Ronny Someck, à propos de Bagdad / des mots émigrés de mon cœur ».

Ce qui émeut dans ces voix certes différentes, c’est qu’on y entend, étroitement mêlés, d’une part, un sujet en exil, soit quelqu’un qui « se couche seul / entre les lignes de l’Histoire »  (Salah Al Hamdani), quelqu’un qui a eu à subir la violence de l’Histoire, l’exclusion forcée d’une terre, « ô Tigre, ô Euphrate serpents d’agrément sur la première carte  / de ma vie, / vous avez mué en vipères » (Ronnie Someck) et d’autre part, l’exil de tout sujet humain en tant qu’  « arraché au grand Tout, comme le dit Octavio Paz, (il tombe) en terre étrangère », cette aliénation qui structure tout être humain  dès lors qu’il a affaire aux mots qui au moment même où ils nous donnent le monde, nous en dessaisissent. On y voit aussi une posture, cette cambrure propre aux hommes de parole qui savent se dresser, lancer leurs poèmes « épine(s) / dans la gueule du néant », demeurer debout alors que tout sous eux s’est dérobé, que tout n’est encore et toujours que séparation et rupture, ces fruits de l’exil et s’appeler : « viens, rejoins-moi, dit Salah Al Hamdani à Ronny Someck, pour abattre les murs / et chérissons les cendres / de nos morts (…) Déchirons ensemble les langues / qui mentent sur la paix / Incitons-les à la révolte. »