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19/09/2015

Lu 115- Le Requiem et autres poèmes, Anna Akhmatova

Couv Akhmatova544.jpgAvec ce livre Le  Requiem & autres poèmes choisis dans lequel Henri Deluy nous donne un choix anthologique des poèmes d’Anna Akhmatova allant de «Le soir » (1912) à ce « Septième livre », qui regroupe des textes de 1936 à 1964, augmenté de « poèmes non repris en livres et poèmes retrouvés », il poursuit son action poétique de traducteur, de passeur d’une langue l’autre – notamment les poètes russes de ce XXème siècle. Juste avant celui-ci en 2014, c’était Voronej, chez le même éditeur, qui regroupe un choix de poèmes extraits des Cahiers de Voronej d’Ossip Mandelstam, écrits en 1935 en exil dans cette ville sur le Don jusqu’en 37 ; en 2013, c’était un choix de poèmes de Boris Pasternak, Quand s’approche l’orage publié par Le temps des cerises ; en 2011, on se souvient de L’amour, la poésie, la révolution, poèmes de Maïakovski avec des collages d’Alexandre Rodtchenko toujours au Temps des cerises ; dans cette remontée du temps, je m ‘arrêterai à L’offense lyrique et autres poèmes de Marina Tsétaïeva, paru chez Fourbis en 2004. Je noterai toutefois deux choses : d’abord qu’à chaque fois, Henri Deluy mêle à sa présentation une chronologie précise et précieuse, ; ensuite, qu’il n’hésite pas à joindre – c’est le cas pour Pasternak, Mandelstam, Akhmatova – les poèmes qu’ils écrivirent à Staline comme en son temps François Villon écrivit sa Ballade de l’appel !

 Anna Akhmatova ! Vous l’entendez ce nom ce nom de poète – elle s’appelait Anna Garenko – le poète Joseph Brodsky déclare à son propos : « les 5 A d’Anna Akhmatova eurent un effet hypnotique et placèrent la titulaire de ce nom en tête de l’alphabet de la poésie russe », c’est que son « engagement lyrique » fut tel qu’elle ne se sépara jamais malgré les épreuves, les calomnies, les persécutions qui rythmèrent sa vie ni de la poésie, ni de son peuple. De ce lyrisme toujours limpide, précis et retenu – « Il faut que dans le vers, écrivait-elle, chaque mot soit à la place, comme s’il y était déjà depuis mille ans, mais que le lecteur l’entende pour la première fois. » - ce livre en donne pleinement la mesure. Et comme Henri Deluy a eu raison de reprendre ce « Requiem » - « l’un des grands poèmes du XXème siècle » - de 1957, Anna Akhmatova y pose et affronte la question importante entre toutes : celle de l’irreprésentable de la douleur, de l’infigurable d’une situation, de l’impossible compte-rendu d’une réalité. Ainsi à la question qui ouvre le « Requiem », celle de « la femme aux lèvres bleuies » qui attendait devant le prison de Leningrad durant les terribles 17 mois du pouvoir de Iéjov en 1937-1938: « et ça vous pouvez le décrire ? », Anna Akhmatova ose l’impossible de cette réponse : « oui, je peux » pour la chance « d’un sourire sur ce qui autrefois avait été son visage ». Un sourire. De l’humain. Tel est le pouvoir de la poésie. Oui, dans son « Requiem » Anna Akhmatova arrive à nous montrer l’horreur de ces journées dans une image et même si c’est un pas-tout, si l’ampleur du noir ne sera jamais totalement éclaircie, les poèmes d’Anna Akhmatova allument des lampes sur ce moment du temps et sur nous-mêmes. Oui, René Char a raison : « certains jours, il ne faut pas craindre de nommer les choses impossibles à décrire ».

 

 

 

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