Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

05/03/2013

Lu 89 - André Velter, Zingaro suite équestre et autres poèmes pour Bartabas avec des dessins d'Ernest Pignon-Ernest, Gallimard

Couv Velter-Pignon- surZ433.jpgIl fallait lever la plume comme on lève le camp quand en est sur la route où c’est de l’âme qu’il s’agit. Il fallait cesser de tourner autour de cette « édition définitive » des poèmes d’André Velter pour Bartabas, Zingaro, suite équestre, qui va en quelques douze poèmes de la « violence cavalière » qui ouvre Cabaret , premier texte, à cette « vie en cavale » qui clôt Calacas, dernier texte. Il fallait s’engager sur ces « territoires fauves », passer de l’un à l’autre, au rythme des chevaux et de leurs cavaliers. Il fallait suivre les chevauchées de Bartabas, les mots d’André Velter et les dessins d’Ernest Pignon-Ernest. Suivre, oui, car c’est de de rythme qu’il s’agit, bien sûr. Ceux qui ont déjà assisté à ce qui n’est jamais simple spectacle mais ont partagé cette « forme de communion », ces rituels que met en jeu Bartabas, ses cavaliers, ses musiciens, ses danseurs et, bien sûr, en tout premier lieu, ses chevaux,  ceux-là savent comment ces poudreuses chevauchées, ces syncopes, ces silences, ce martèlement du sol lèvent un printemps derrière eux. Ils savent avec André Velter que, comme le disait Joë bousquet, « le rythme est le père du temps » et qu’  « habiter cavalièrement le monde », comme le fait Bartabas et ceux de sa tribu, c’est l ‘habiter poétiquement, comme le voulait l’autre nomade enfermé dans sa tour sur le Neckar. Ils sauront combien les nombreux dessins d’Ernest Pignon-Ernest dans leur disposition même ne se contentent pas d’aérer les pages de ce livre mais en sont le souffle et la pulsation intime. De même que dans les représentations du « théâtre équestre » de Bartabas  s’entend soudain cette « note bleue » qu’entendait George Sand quand Chopin jouait la nuit pour ses amis et qu’elle en faisait comme le moment où le temps semble se suspendre et la nuit se faire transparente, de même, dans ce livre, se tiennent dans l’harmonie de leurs irréductibles différences, les poèmes d’André Velter et les dessins d’Ernest Pignon-Ernest.

 

J’aime que ce livre réunisse trois hommes pour qui « la vie est la seule source » comme le voulait Reverdy, trois gardiens des révoltes fertiles qui savent « (tenir) la ténèbre en respect », qui savent « cabrer l’âme et le corps », « (allier) fureur et mystique ». Trois hommes de l’éphémère. Trois hommes qui savent accueillir ce quelque chose qui vient d’ailleurs - « là-bas déboule soudain / et c’est ici le cœur plus vaste » - quelque chose du côté de l’éternité quand elle se prend à aimer l’ici, la peau des hommes, des animaux et des choses. Trois hommes de l’acte, de ce qui reste vierge jusque dans la répétition. Quand le corps se risque dans la voix à telle ou telle occasion en compagnie de tel ou tel musicien pour André Velter, quand Ernest Pignon-Ernest parcourt telle ou telle ville de Soweto à Ramallah en passant par Nice, Alger, Durban, Naples…pour coller ses dessins là où ils s’ajustent à ce qui est et je ne dis rien de Bartabas, de son art, ce « théâtre équestre », où se conjuguent art équestre, musique et danse, de son nomadisme à travers les cultures et le monde, de ses plongées dans l’autrefois et ses marges, où c’est la vie que l’on chevauche, « à la verticale de soi ». Trois grands coureurs d’horizons qui n’existent pas. Trois témoins d’une cambrure, d’une posture : oui, on peut encore se tenir droit, debout sur les heures. Sur le seuil. Ses lueurs. Contre toutes les douleurs du monde, les froids, la mort !

 

 

 

 

 

 

 

Les commentaires sont fermés.